Terres de Femmes

Étiquette : Zibaldone

  • Corse_3 Notte di Poghju




    Willem de kooning, dark pond, 1948.
    Willem de Kooning, Dark Pond, 1948
    Enamel on composition board, 46 3/4 × 55 3/4”
    Frederick R. Weisman Art Foundation, Los Angeles
    © The Willem de Kooning Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York
    Source







    NOTTE DI POGHJU



    C’est très doux comme
    main ça       mais c’est froid un peu
    même à travers la peau du jean
    c’est doux comme
    cheveux       ces boucles et blondes
    même si ― comme ne le dit pas le poème ―
    Walter va au jardin & bande*


    .


    ― le chien      se couche sur le dos
    cuisses ouvertes langue haletante ―
    qu’a-t-il à dire à faire comprendre
    est-ce appel sans détour ?


    .


    la lumière lance
    ses oiseaux-tulipes
                      reflets de lampes
    dans les vitrées
                      fenêtres ouvertes
    sur le ciel
                      ouvertes ― non ― fermées

    les grands panneaux aveugles
    absorbent la moire

    nuit entière dans le verre


    .


    le parfum d’herbes
    glisse jusqu’aux narines
    liseuses blotties dans les laines
    et les coussins      moelleux
    fenouil séché        couché
    en larges branches
                                   et par brassées
    dans le vaste vaisseau
    d’osier corbeille du maquis
    ombelles et graines

    cueillies de main experte
    par la signadora


    .


    le sanglier mijote
    odeurs d’agrumes douces
    les lumières de l’église
    ont disparu
    rien de Ginevra Bel Messer
    n’arrive jusqu’ici
          ni son sourire ni sa plainte

    ― le chien gratte derrière la porte
    derrière la vitre le chat sommeille ―


    .


    blême de silence d’absence
    ouvert sur le plafond d’étoiles
    le défunt dort
    cercueil d’ébène

    gardé par le Christ noir

    Christ noir sauvé des eaux
    veille dans son miracle
    les vivants et les morts

    la grotte est loin
    qui accueillait sous sa voûte
    déferlement de vagues
    et vaisseaux naufragés

    par quel édit muselée
    sous la citadelle


    .


    les grandes baies de verre
    absorbent le village
    la nuit boit

    ― engloutie
    l’encre des montagnes ―

    plus rien n’existe

    ni la rousseur des vignes
    ni les chevelures boisées
    ni l’effilochement des brumes

    la plongée dans l’échancrure
    des vallons se réfugie
    dans la mémoire

    la chaleur du dedans
    retient les voix dans sa lumière


    .


    un point se déplace
    dans le vide
    zèbre le verre noir
    qui avale la nuit

    ― le filanciu** suspend
    son élan silencieux ―

    le cavalier de l’orage
    rôde plein vent

    sous les nuages




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    * Paul Blackburn, Journaux
    ** Milan royal des montagnes corses

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  • | parfois elle tend le bras |




    Elle a rejoint des confins funambules
    Ph., G.AdC






    | PARFOIS ELLE TEND LE BRAS |




    Délires     son délire d’avant-mort
                                 de presque morte
    tête menue d’oiseau abandonnée
    au linceul du lit
    blancheur douloureuse sans forme ni éclat
    muscles tendus de l’avant-mort
    visage éteint
    ouvert sur un temps     autre     sans frontière
    sans limite     au sommeil éternel
    yeux clos sur une absence
    d’horizon et de temps


    parfois    elle tend le bras
    à cru dans le vide
    tente d’attraper de la main des lucioles
    ballet d’oiseau décharné air absent


    elle voit


    que voit-elle
    regard de moineau mort
    posé sur portée invisible
    lèvres affaiblies dans le non-sang
    happe insectes volants
    par myriades
    torpeur des jours sans fin ni commencement


    elle balbutie
    des mots à elle
    par cohortes
    annone marmonne murmure peut-être prie
    non ponctue
    hochements de tête      lèvres mues
    sans accroche
    sur l’avant-mort


    elle dit


    pourquoi ce capiton rouge dans mon cercueil
    je n’ai pas demandé de capiton rouge
    enlevez ce capiton rouge
    il me brûle les yeux il me brûle la peau


    elle dit


    pourquoi ta fille n’a-t-elle pas chanté
    à mon enterrement
    pourquoi
    elle aurait pu chanter
    le jour de ma mort


    elle dit


    pourquoi ne venez-vous pas
    cela fait tant de temps
    que vous n’êtes pas venus
    vous m’avez abandonnée
    ici
    où suis-je je ne sais pas


    elle dit


    mon frère est venu lui
    comme il est aveugle
    il s’est fait accompagner
    par un ami infirme
    qui ne peut plus marcher


    elle dit


    nous la regardons
    sans comprendre
    lèvres figées douleur sans réponse
    elle a rejoint des confins funambules
    franchi une frontière
    fil invisible de saute-menue
    erre dans le labyrinthe des mots
    et des morts
    ballet de la main qui feuillole dans l’air
    à la recherche de lucioles sans retour
    sans complainte


    elle nous laisse    de l’autre côté du fleuve
    dans un arrière-monde
    s’éloigne
    dans sa nuit     sans force


    yeux clos
    sur son avant-mort.




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angelepaoli




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  • 10 janvier 1821 | Giacomo Leopardi, Zibaldone

    Éphéméride culturelle à rebours




    David
    Jacques-Louis David (1748–1825)
    La Mort de Socrate, 1787
    Huile sur toile, 129,5 x 196,2 cm
    New York, Metropolitan Museum of Art.
    Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund, 1931.






    LE SUICIDE RAISONNABLE



    « On n’a jamais lu chez aucun auteur ancien qu’on se soit tué par ennui de la vie, alors que la chose est courante chez beaucoup de nos modernes. Voyez le Suicidio ragionato [Suicide raisonnable] de Buonafede *. Et parce que de tels faits se produisent aujourd’hui principalement en Angleterre, on croit que c’était une chose commune en ce pays, jusque dans les temps anciens, même si l’on n’en a pas le souvenir. Les poèmes d’Ossian nous montrent combien les anciens habitants de ce pays étaient loin de concevoir l’absolue nécessité du néant et l’ennui de la vie, et plus loin encore de se désespérer et de se tuer pour cela. Les anciens Celtes et les autres peuples de l’Antiquité se tuaient à cause d’un désespoir né de passions et d’infortunes qui n’étaient jamais considérées comme absolument inévitables et inhérentes à la condition humaine, mais propres au désespoir individuel, fruit de l’infortune et du malheur. Le désespoir et le découragement devant la vie en général, la haine de la vie en tant que vie humaine (et non individuellement et accidentellement malheureuse), la misère à laquelle est inévitablement destinée notre espèce, le néant et l’ennui inhérents et essentiels à notre vie, l’idée en somme selon laquelle notre vie par elle-même n’est pas un bien, mais un fardeau et un malheur, n’a jamais effleuré un esprit antique ni un esprit humain avant ces derniers siècles. Au contraire les anciens étaient poussés au suicide et au désespoir précisément parce qu’ils estimaient et se persuadaient qu’ils étaient impuissants, à cause de malheurs individuels, à obtenir et à jouir de ces biens de l’existence auxquels ils croyaient.»



    Giacomo Leopardi, Zibaldone, Éditions Allia, 2003, pp. 288-289. Traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Schefer.



    ________________________
    * Note d’AP : Istoria critica e filosofica del suicidio ragionato (1761) d’Agatopisto Cromaziano, dit Appiano Buonafede (1734-1793), moine et philosophe de Comacchio.





    GIACOMO LEOPARDI


    Biblioteca_leopardi_recanati__bis
    Source



    ■ Giacomo Leopardi
    sur Terres de femmes

    6 novembre 1820 | Leopardi, Zibaldone (extraits + article)
    2 janvier 1821 | Leopardi, Zibaldone
    À Silvia


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Antonio Tabucchi | Rêve de Giacomo Leopardi, poète et lunatique






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  • 2 janvier 1821 | Leopardi, Zibaldone

    Éphéméride culturelle à rebours



    Juhtub
    Source





    2 janvier 1821


    « L’égoïsme général provoque et nécessite l’égoïsme de chacun, car si personne ne fait rien pour vous, il vous faudra vivre en faisant tout par vous-même. Si les autres vous privent autant qu’ils peuvent de l’essentiel et que, tout à leurs propres avantages, ils ne se préoccupent pas du dommage qu’ils vous causent, il vous faudra pour vivre vous battre et affronter les autres le plus possible. Quelle que soit la chose que vous vouliez céder, vous ne devez en attendre ni gratitude, ni contrepartie, puisque l’échange où chacun se sacrifie pour l’autre, la libéralité et les bienfaits réciproques ont été abolis. Mais si vous reculez d’un seul pas, les autres vous repousseront de vingt, chacun s’y employant de toutes ses forces. C’est pourquoi il est nécessaire que chacun aille le plus possible contre les autres et combatte pour soi jusqu’à la fin et de toutes ses forces : la réaction doit être proportionnée à l’action pour pouvoir aboutir à un résultat, c’est-à-dire vivre; si l’une est importante l’autre doit nécessairement augmenter d’autant. Telle une meute de fauves affolés autour d’une proie, où chacun est décidé à ne rien laisser aux autres à moins d’y être obligé : le fauve qui reste sans agir, recule devant les autres, attend qu’ils pensent à lui ou n’engage pas toutes ses forces restera le ventre vide ou perdra d’autant plus de nourriture qu’il avait engagé ou pu engager moins de force. En vertu du système de l’égoïsme universel, tout ce que l’on donne est perdu. Par ailleurs, un tel égoïsme est également la cause de l’égoïsme individuel, non seulement d’après cet exemple mais parce qu’il donne à l’homme vertueux l’exemple de la triste expérience de l’inutilité, ou plutôt le caractère nuisible de la vertu et des sacrifices magnanimes, et lui fait perdre ses illusions ; cela s’explique aussi par la misanthropie qu’inspire le spectacle de tous ces gens préoccupés d’eux-mêmes, insoucieux de votre bien-être, ingrats envers vos bienfaits et qui sont prêts à vous nuire, qu’ils en tirent ou non un bénéfice. Un tel état de choses modifie le caractère des gens et enracine non seulement concrètement mais radicalement l’égoïsme jusque dans les esprits les mieux faits. Ce sont d’ailleurs les plus touchés, puisque l’égoïsme n’y entre pas comme une passion inférieure et vile, mais au contraire comme une passion supérieure et magnanime, telle par exemple la passion de la vengeance et de la haine envers les méchants et les ingrats. Si nocentem innocentemque idem exitus maneat, acrioris viri esse, merito perire [Si le coupable et l’innocent doivent avoir la même fin, c’est se montrer un homme ardent que de mériter sa mort] disait l’empereur Otton selon Tacite, Histoire, Liv. I, chap. 21. (2 janvier 1821.) »


    Giacomo Leopardi, Zibaldone, Éditions Allia, 2003, pp. 279-280. Traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Schefer.





    GIACOMO LEOPARDI


    Biblioteca_leopardi_recanati__bis
    Source



    ■ Giacomo Leopardi
    sur Terres de femmes

    6 novembre 1820 | Leopardi, Zibaldone (extraits + article)
    10 janvier 1821 | Giacomo Leopardi, Zibaldone
    À Silvia



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  • 6 novembre 1820 | Leopardi, Zibaldone

    Éphéméride culturelle à rebours


    GIACOMO LEOPARDI  1798 .1837
    Image, G.AdC






    6 novembre 1820


    « Celui qui sait se nourrir de petits bonheurs, qui recueille dans son cœur les petits plaisirs qu’il a éprouvés durant la journée et qui sait donner du poids à ses petites aventures, traverse facilement l’existence, et s’il n’est pas heureux, il peut croire qu’il l’est sans s’apercevoir qu’il n’en est rien. Mais celui qui ne s’intéresse qu’aux grands bonheurs, qui compte pour rien ces petits événements agréables, ces petites victoires, satisfactions, réussites, etc., qui ne cherche pas à s’en nourrir, qui n’y revient plus et qui pense que tout n’est que néant s’il n’atteint pas le but important et difficile qu’il s’était proposé, celui-là vivra toujours dans l’affliction, dans l’anxiété, sans aucune jouissance et il ne trouvera jamais qu’un malheur perpétuel à la place de son grand bonheur. Et quand il l’atteindra, il le trouvera bien inférieur à ses espérances, comme cela arrive toujours avant ce que l’on désire et recherche ardemment. »


    Giacomo Leopardi, Zibaldone, Editions Allia, 2003, page 208. Traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Schefer.






    Castagne_di_cinarca
    Ph., G.AdC






    6 novembre 1823


    « Dès que l’homme pense, il désire, car il pense autant qu’il s’aime. À chaque instant, à mesure que sa faculté de penser est plus libre et moins empêchée, et qu’il l’exerce pleinement et plus intensément, son désir est plus grand. Aussi, dans un état d’assoupissement, de léthargie, de certaine ivresse, dans les plis et replis du sommeil, et autres états dans lesquels la proportion, la somme, la force de la pensée, l’exercice de la pensée, la liberté et la faculté actuelle de la pensée sont moindres, plus empêchés, plus faibles, etc., l’homme désire proportionnellement moins vivement, son désir, la force, la somme de celui-ci sont moindres; et c’est pourquoi l’homme est proportionnellement moins heureux. Plus s’étend cette action de l’esprit, qui est inséparable du sentiment de la vie et relative au degré de ce sentiment, et plus s’étend, toujours relativement à son degré, le désir de l’homme et du vivant, et l’action du désir. Chaque acte libre de l’esprit, chaque pensée qui n’est pas indépendante de la volonté, est en quelque façon un désir actuel, parce que de tels actes et de telles pensées ont une fin que l’homme désire à ce moment en proportion de l’intensité, etc., de cet acte ou de cette pensée, et toutes ces fins touchent le bonheur que l’homme et le vivant désirent nécessairement par nature plus que toute autre chose et qu’il leur est impossible de ne pas désirer. »



    Firmaleopardi_1


    Giacomo Leopardi, id., page 1623.





    COMMENTAIRE



    Longtemps méconnu en France, Giacomo Leopardi est pourtant considéré comme le grand maître de la poésie du XIXe siècle en Italie. Où tout citoyen, aussi modeste soit-il, connaît et récite de mémoire, aujourd’hui encore, des passages entiers du recueil des Canti. Le poète fait partie du patrimoine culturel national au même titre que Dante ou que Verdi. Leopardi est un poète charnellement vivant dans la mémoire de tous.



    À propos de Giacomo Leopardi


    Né à Recanati, dans les Marches, le 29 juin 1798, mort à Naples le 14 juin 1837, Giacomo Leopardi est le fils d’aristocrates austères, douloureusement marqués par la Révolution française et l’effondrement politique qui s’est ensuivi. Recanati est alors sous domination napoléonienne, domination politique que la famille rejette farouchement. L’enfant grandit au milieu des livres, dans une atmosphère que ce chaos absolu a rendue étouffante. Mais la précocité intellectuelle de l’enfant, sa curiosité studieuse le protègent partiellement de la sombre piété maternelle et de la rigidité paternelle. Il se jette à corps perdu dans la lecture des grands classiques français en même temps que dans celle des philosophes des Lumières dont les ouvrages, qui occupent des rayonnages entiers de l’immense bibliothèque familiale, ne cesseront d’alimenter sa critique. Cependant, la fréquentation assidue des Anciens reste pour lui le creuset essentiel de sa recherche poétique. Passionné de philologie, il est, dès l’adolescence, reconnu par ses pairs, que le haut niveau d’érudition de ses travaux comble d’admiration. D’un physique contrefait que sa santé fragile accentue encore, Leopardi souffre d’une solitude qui nourrit sa pensée philosophique, assoiffée d’infini. Souffrance infinie, elle aussi, qui contribue à faire du poète la figure archétypale du génie malheureux. Pour autant, il serait « infondé » de voir dans Leopardi un « romantique », car celui-ci n’appartient à aucune école et ne s’inscrit dans aucun courant. C’est un homme seul face à l’histoire, seul et malheureux dans son écriture. Une écriture qui, à elle seule, révolutionne la poésie italienne.



    À propos du Zibaldone


    Extrêmement difficile à rattacher à un genre littéraire précis, le Zibaldone est une somme de 4 526 feuillets rédigés par Leopardi de 1817 à 1832. C’est un chef-d’œuvre d’une immense portée, témoin magistral du travail de pensée et de recherche d’un des esprits les plus vifs de son époque.

    Il a pourtant fallu attendre l’année 1898, centenaire de la naissance de Leopardi, pour que le Zibaldone voie enfin le jour. Publiée par le poète Giosué Carducci, l’œuvre ne comporte pas de titre. Mais des pages foliotées. L’index mentionne cependant l’expression de Leopardi « mon Zibaldone di pensieri ». C’est cette expression, très évocatrice pour le lecteur, qui a été retenue comme titre définitif de l’œuvre.

    D’étymologie incertaine et brumeuse, ce mot ancien de « zibaldone » serait un terme culinaire, apparenté au « zabaione », le sabayon. Crème onctueuse obtenue grâce à de subtils et habiles mélanges d’ingrédients. Mais encore ?

    Pour Leopardi, philologue amoureux des mots et du langage, la lettre Z qui est à l’initiale du mot, est à elle seule porteuse de sens. Elle évoque ces « parole pellegrine » qui conduisent aux pensées vagabondes. Pour le poète, l’aventure de l’écriture consiste avant tout à mettre au jour ces mots « pèlerins », élégants, flous et savoureux. Selon la formule du traducteur Bertrand Schefer, des «  mots indéfinis pour un projet infini ! »

    Le titre du recueil Zibaldone laisse pourtant imaginer un apparentement de cette œuvre aux « miscellane », à ce que l’on appelle en littérature des « mélanges ». On y rencontre tour à tour des ébauches, des notes, des aphorismes, des dissertations, des critiques littéraires, des réflexions philosophiques. Mais également quelques éléments autobiographiques que Leopardi a intitulés « Polizzine non richiamate ». « Petits bulletins non mentionnés » qui figurent dans l’index général. Y sont abordés les grands thèmes léopardiens, les références aux théories des Arts et des Lettres, Les Mémoires de ma vie. Cependant, pour des raisons qui nous échappent encore à ce jour, Leopardi interrompt brusquement son travail de réflexion, s’éloigne de son œuvre pour se consacrer à la réédition de certains de ses ouvrages antérieurs.

    C’est à Naples qu’il vit les dernières années de sa vie en compagnie de son ami Antonio Ranieri dont il est l’hôte. Il écrit les Paralipomènes à la Batrachomyomachie ainsi que les derniers vers des Chants. Cette vaste composition lyrique, menée simultanément au Zibaldone, se clôt sur le poème intitulé « La Ginestra ». Composé quelques jours avant sa mort, « Le Genêt » est un véritable poème testamentaire, inspiré par la nature hostile du Vésuve contre laquelle l’homme combat en vain.

    Commencé dès 1817, le Zibaldone est une sorte de « matrice », un « magma » dont émergent des blocs parfaits, qui se suffisent à eux-mêmes. C’est une « chambre noire », une « machine mécanique occulte » dans laquelle Leopardi voit sa propre langue restituée à l’intérieur des langues étrangères. Une œuvre d’où se dégage une « Métaphysique du langage ». La seule qui reste lorsque toute métaphysique a disparu.

    Œuvre monumentale à nulle autre pareille, le Zibaldone est « une architecture », dans l’acception proustienne du terme. Un véritable « laboratoire expérimental du roman moderne », qui ouvre la voie à Musil et à Joyce.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    GIACOMO LEOPARDI


    Biblioteca_leopardi_recanati__bis
    Source


    Pour en savoir plus sur le
    Zibaldonepetiteimage2 de Leopardi, voir l’article que Florence Trocmé et moi-même avions rédigé pour le magazine de Zazieweb, au lendemain d’un entretien avec Bertrand Schefer [article devenu inaccessible, sauf aux archives de l’Internet de la BnF, en raison de la fermeture de Zazieweb].



    ■ Giacomo Leopardi ▼
    sur Terres de femmes

    2 janvier 1821 | Leopardi, Zibaldone
    10 janvier 1821 | Giacomo Leopardi, Zibaldone
    À Silvia



    ■ Voir aussi ▼

    Giorgio Agamben | Écritures bustrophédiques





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  • Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d’Angèle)

    Catégorie : Zibal-donna
    (zibaldone et miscellanées d’Angèle)

    INDEX ALPHABÉTIQUE

    Pour accéder à l’une des notules, cliquer sur son intitulé.




    Zibaldonna
    Ph., G.AdC





    Accostage Haute tension, AP
    À chì colla à chì fala, AP
    Acrossing the river, AP
    À flux tendu, AP
    À l’aplomb du mur blanc, AP
    All blues, AP
    a mezzanotte, AP
    A noia, Georges Bernanos + AP
    A punta murtale, AP
    Attente immobile, AP
    Aujourd’hui la mort m’habite, AP
    A.Z., Jacqueline Risset
    Bastia Miami Beach, AP
    Bleu de Prusse, AP
    Broderie orientale, AP
    Broderies sur le vide, Marguerite Yourcenar
    Calva Sorix, AP
    Camaïeux, AP
    Canne-Opéra d’ébène, AP
    Capraia, AP
    Carnage amoureux, Linda Lê
    Cassiopée
    Celle qui attend…, Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein (extrait) + AP
    Chaillots/Cuticci, AP
    Chant de la route en Tombelaine, AP
    Chaton roux, AP
    Cheval blanc au miroir, AP
    Chjam’è rispondi, AP
    Chtoniennes, AP
    Ciottoli/Cuticci, AP
    Cimetière cratère d’or, AP
    Clair-obscur, AP
    Coco ou le désarroi de Brina, AP
    Complainte, AP
    Comptine de mai, AP
    Corps y es-tu ?, AP
    Dans le clair-obscur de la page, AP et G.AdC
    Dans le rayon fou qui t’aveugle, AP
    Dans les revers du temps, AP
    Danse libre, AP
    Débrisures, AP
    Dérives d’automne, AP
    Déserts, AP
    Dimenticare Palermo
    Dit d’amour noir (Le), AP
    Doublement pervers, Roland Barthes
    Du carnet de voyage au journal intime, Michel Leiris
    Éclats d’éclats : Poésies polaroïds, AP
    Écorchée, AP
    Ellipse de la tragédie, AP
    En amont de l’attente, AP
    En creux sur, AP
    En marge, AP
    Entrelacs, AP
    Entre un [k]… et un [v], AP
    Et toi, AP
    – « Faiseur (Le), Antoine Émaz
    Fang, AP
    Feux de jardin, AP
    Fffffff, AP
    Fleur d’eau, AP
    Gémellité, AP
    Ghjuvanara/Hallali, AP (traduction de Norbert Paganelli)
    Homme et le caillou (l’), Jacques Réda
    Houle verte et carcasses vagabondes, AP
    Humeurs émeraudes, AP
    Il y a là, AP
    Indices de présence, AP
    Infidélités, AP
    Inlassables…, AP
    Insecte, AP
    Ivresse d’Ariane, AP
    J’attends, AP
    J’écris, AP
    Je ne monterai pas à Golpani, AP
    « Je ne reconnais plus personne », AP
    J’entre dans l’automne, AP
    Jeux de plis, AP
    Là-bas, sous les porphyres, AP
    Labyrinthe, AP
    La caisse claire, AP
    Lai du chèvrefeuille, AP
    Laisses de mer, AP
    Lamentu fauve, AP
    L’appel plaintif du clocher, AP
    La terre s’évade, AP
    Le bleu est par-dessus les toits, AP
    Le chant de la noria, AP
    Le corbeau du sommeil, AP
    Le lion des Abruzzes, AP
    Le puits noir, AP
    L’espace fuit, AP
    Le temps palpite, AP
    Léviathan, AP
    Lézards-Mürs, AP
    Libazioni di sangue/Libations de sang, AP (traduction de Jacques Fusina)
    Limon de haut vertige, AP
    L’inviolée de la lune, AP
    Loin d’Ophélie, AP
    Lointains de paradis perdu, Giuseppe Ungaretti
    L’ombre portée du palmier bleu, AP
    L’or des mots/L’oro delle parole, AP/Maura Del Serra
    Luce romana, AP
    Mirage de Méroé, AP
    Miroir, AP
    Mort en étoile, AP
    Mort et résurrection d’une île, Marie Ferranti/Chasses de novembre, AP
    Mosaïques en écailles (Forêt d’Aitone), AP
    Mots et les autres (Les), AP
    Narcissique Katinka, Pietro Citati
    Nausicaa au miroir, AP
    Nawalghar, AP
    Nix lux vox, AP
    Noia (a), Georges Bernanos (Journal d’un curé de campagne) + AP
    Noirs bambous, MCS + AP (chjam’è rispondi)
    Notte di Poghju, AP
    Nuages, AP
    La nuit chauve-souris, AP
    Orée/Limitare/Soglia, AP
    Paladins d’automne, AP
    | parfois elle tend le bras |, AP
    Paroles sous silence, AP
    Patchwork portuaire, AP
    Pauvre Martin, pauvre pêcheur…, AP
    « Petite barque (La) », AP
    Peut-être, AP
    Pierre d’angle, tableautins, AP
    Plein sang, AP
    Pluie d’été, AP
    Plume de geai bleu, AP
    PoéZie du Kotidien, AP
    – « Pupille Christ de l’œil » (Zone, Apollinaire) + AP
    Puzzle d’écales (Forêt d’Aitone), AP
    Quelques ocelles de bonheur, AP
    Rage d’or, AP
    Ressac, AP
    Retour à Bagheria/8 mars 2002
    Rêve de Giacomo Leopardi, Antonio Tabucchi
    R(h)umeurs, AP
    Rien sur noir, AP
    Rivière et Rêverie, Ludovic Janvier
    | rouge |, AP
    Santa Maria Assunta, l’hyperbole éblouie de Pino baroque
    Seuils, AP
    Soleil blanc, AP
    Sommeils, AP
    Son œil de Dora Maar, AP
    Soucie-toi de toi-même, Michel Foucault
    sous la peau comme une écharde, AP
    Sous le pavot, la page, AP
    Sous les cailloux… la coccinelle, Ezra Pound + AP
    Speluncatu, AP
    Strawberry Fields forever, AP
    Stridences, AP
    Sur l’aile qui vacille, AP
    Sur la silice des mots, AP
    Sur les ailes de l’île, AP
    Take me away in wonderland, AP
    T’as fini de le remugler ton plugle ?, AP
    Terres d’encres, AP
    Tollare, AP
    Triptyque de l’île, AP
    Triptyque du désir, AP
    Vague (La), AP
    Vendanges, AP
    Venise mirage, AP
    Veri similis, AP
    Vibrato, AP
    Voce isulana, AP
    Voyage, AP
    Vuràghjine, AP




    Catégorie : Zibal-donna

    Sous-catégorie : Carnets de marche

    Carnets de marche. 1 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 2 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 3 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 4 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 5 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 6 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 7 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 8 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 9 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 10 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 11 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 12 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 13 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 14 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 15 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 16 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 17 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 18 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 19 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 20 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 21 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 22 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 23 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 24 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 25 (Angèle Paoli)




    Sous-catégorie : Carnets du père


    Chimères invisibles – Carnets du père (I)
    Golo (le) – Carnets du père (II)
    Mots d’enfants – Carnets du père (III)
    Masculin féminin – Carnets du père (IV).





    N.B. : Pour en savoir plus sur le Zibaldonepetiteimage2 (de Leopardi), voir l’article rédigé par Florence Trocmé et moi-même dans le magazine de Zazieweb.


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  • Ergs et hamadas

    Topique : Le désert



    Maroc_1_1
    Ph., Sabrina






        Déserts     déserts     déserts de pierres   agglomérats de roches concassées     hamadas immenses   regs que n’habite nulle vie apparente     hors le scorpion minuscule qui déplace     plus minuscules encore    les grains de poussière ocre en traînée de poudre    fine     légère    ténue    silencieuse   têtue     une griffure à peine    une ridule    qui disparaît bientôt     comme bue par une onde plus large encore de poussière


        Déserts    déserts   déserts de dunes   ergs   vastes étendues courbes
    ondulatoires    que l’œil cherche en vain     à cerner  circonscrire  enclore     dans un cercle fini de lignes     horizon insatiable     inaliénables espaces  que nul ne peut dompter     déserts mouvants     ondoiements infinis de lune     sculptés par les poussées du vent     tourbillons imprévus     qui balaient en rafales   les parois illusoirement souples des sables


        Déserts    déserts    déserts de dunes immenses     qui jaillissent     pareilles à des pans de montagnes     amples vagues de cristaux menus   


        rassemblés là


        par quelle tempête     mamelons millénaires     et pourtant fugaces     murailles claires   dorées  douces à l’œil   enchevêtrements silencieux de sillons     d’arêtes    réseaux de lignes courbes    croisements de crêtes    milliards de milliards de grains infiniment petits    


        rassemblés là


        par quel hasard     faisceaux de particules fines     qui se déplacent par insensible reptation     colonnes tourbillonnantes qui se hissent à l’assaut du ciel






    Dunes_01_1
    Ph., G.AdC





    chaleur implacable qui fige le sable  avalé par l’infini du silence.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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