Terres de Femmes


Déserts

Topique : Le désert



Trace_du_dsert
Ph, G.AdC






Elle se souvient de ce jour-là
elle lui a dit « Parlez-moi du désert »

là où elle est     elle est à mille lieues du désert
il y a les onze coups     qui sonnent à la cathédrale
il y a le pépiement régulier de l’oiseau     qui habite le parc
il y a la frondaison lumineuse du chêne     qui se balance sous la brise
il y a les candidats     penchés sur leurs feuilles
il y a la tapisserie surannée     déchirée par pans entiers
il y a elle qui écrit     pour elle
il y a elle     là-bas vers le nord
qui lui murmure à l’oreille
« Parlez-moi du désert »

il y a la page jaune et elle 
qui ferme un instant les yeux

il y a la vaste étendue désertique    jusque là inviolée    vierge de signes

les mots qui roulent sous sa plume par vagues     comme les vagues du désert     mêmes ondulations bleues sur fond jaune

jaune doré     sur le fond bleu du ciel

Déserts     déserts     de pierres concassées     immensités    que nulle vie apparente n’habite     si ce n’est le scarabée minuscule    qui roule sa bouse en faisant se déplacer     plus minuscules encore    les grains de sable en traînée de poudre fine     légère    ténue    silencieuse   têtue     un trait à peine    une ridule qui disparaît bientôt     comme bue par une onde plus large de sable

Déserts de dunes   vastes étendues courbes
ondulatoires    que l’œil cherche en vain     à cerner  circonscrire  enclore     dans un cercle fini de lignes     horizon insatiable     inaliénables espaces  que nul ne peut dompter     déserts mouvants     infinis ondoiements de lune     sculptés par les poussées du vent     tourbillons imprévus     qui balaient en rafales   les parois illusoirement souples des sables

Déserts de dunes immenses     qui jaillissent pareilles à des montagnes     amples vagues de cristaux menus   

rassemblées là

par quelle tempête     mamelons millénaires     et pourtant fugaces     murailles claires   dorées  douces à l’œil    enchevêtrements silencieux de sillons     d’arêtes    réseaux de lignes courbes    croisement de crêtes    milliards de milliards de grains infiniment petits    

rassemblés là

par quel hasard     faisceaux de poussières fines     qui se déplacent par insensible reptation     colonnes tourbillonnantes qui grimpent à l’assaut du ciel
chaleur implacable qui fige le sable dans l’infini du silence.


Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli



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Commentaires

4 réponses à “
Déserts

  1. Avatar de ludecrit

    je viens de parcourir votre site avec un plaisir non dissimulé…

  2. Avatar de Christiane
    Christiane

    « Elle appartenait à la rude densité du ciel, aux impitoyables étendues de sable. Au vent. Elle allait enfin apprendre à s’appartenir…
    Insensiblement le fennec s’était rapproché. Elle ne l’en dissuada pas. Ils s’observaient silencieusement, sans penser à rien d’autre qu’à s’imprégner l’un de l’autre des parfums de la nuit…
    Qui était-elle ?
    D’où venait-elle ?
    Où allait-elle ?
    Quel était son nom ? »

    Angèle Paoli, Lalla ou le chant des sables, Editions Terres de femmes, 2008.

  3. Avatar de Angèle

    Le désert, mon éternelle tentation! Merci de m’y entraîner encore et encore. Peut-être y retournerai-je un prochain jour. En attendant, il continue de déposer en moi les sédiments de ma mémoire. Et je m’y rends, chaque fois que le monde me pèse. Renouer avec le sable, la marche dure et difficile, et les « gens des nuages ». Mais le maquis et la mer sont là, qui m’apportent d’autres réponses.

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