Terres de Femmes

Mois : juillet 2020


  • André du Bouchet | Le moteur blanc


    LE MOTEUR BLANC
    (extraits)





    LE MOTEUR BLANC, XIV


    Alors, tu as vu ces éclats de vent, ces grands disques de pain rompu, dans le pays brun, comme un marteau hors de sa gangue qui nage contre le courant sans rides dont on n’aperçoit que le lit rugueux, la route.

    Ces fins éclats, ces grandes lames déposées par le vent.

    Les pierres dressées, l’herbe à genoux. Et ce que je ne connais pas de profil et de dos, dès qu’il se tait : toi, comme la nuit.

    Tu t’éloignes.

    Ce feu dételé, ce feu qui n’est pas épuisé et qui nous embrase, comme un arbre, le long du talus.






    André du Bouchet  Dans la chaleur vacante  Mercure de France







    LE MOTEUR BLANC, XV


    Ce qui demeure après le feu, ce sont les pierres disqualifiées, les pierres froides, la monnaie de cendre dans le champ.

    Il y a encore la carrosserie de l’écume qui cliquette comme si elle rejaillissait de l’arbre ancré dans la terre aux ongles cassés, cette tête qui émerge et s’ordonne, et le silence qui nous réclame comme un grand champ.




    André du Bouchet, « Le moteur blanc », XIV, XV, Dans la chaleur vacante, Mercure de France, 1961, in Dans la chaleur vacante suivi de Ou le soleil, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 252, 1991, pp. 73-74.





    André du Bouchet  Dans la chaleur vacante



    ANDRÉ DU BOUCHET

    André du Bouchet  1977
    André du Bouchet par Jean-François Bauret, 1977
    Source





    ■ André du Bouchet
    sur Terres de femmes


    En pleine terre
    sur la terre immobile (poème extrait de L’Ajour)
    19 avril 2001 | Mort d’André du Bouchet (+ un autre extrait du « moteur blanc » [XIII])




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    20 avril 2001 | Philippe Jaccottet, Truinas
    → (sur Terres de femmes)
    Isabelle Baladine Howald, La Douleur du retour (lecture d’AP)
    → (sur Terres de femmes)
    Paule du Bouchet | Point final
    → (sur YouTube)
    André du Bouchet – Si vous êtes des mots… (émission de radio Le bon plaisir, par Didier Cahen, diffusée le 18 avril 1998 sur France Culture)
    → (sur le site de Radio Télévision suisse)
    Présence d’André du Bouchet (Entre les lignes, émission du 14 janvier 2013)





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  • 30 juillet 1818 | Emily Brontë & Lydie Salvayre

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 30 juillet 1818 naît à Thornton, dans le Yorkshire, Emily Jane Brontë. Très tôt orpheline, Emily (et sa fratrie — Anne, Branwell et Charlotte) grandit sous la rude morale du Révérend Brontë et celle de sa tante, Mrs Gaskell. Le seul moyen d’échapper tant soit peu à cette tutelle, les enfants le trouvaient dans d’infatigables courses à travers la lande de Haworth. Et, le soir venu, dans les ouvrages qu’ils puisaient dans la bibliothèque paternelle. Shakespeare, Byron, Walter Scott… Et la Bible, aussi, bien sûr. Ensemble, ils formaient un monde à part. Un monde de solitude et d’imagination. Ils s’étaient inventé des royaumes. Celui d’Angria pour Charlotte et Branwell. Celui de l’île de Gondal pour Emily et Anne. Emily gardera jusqu’à sa mort, survenue en 1848, la marque profonde de l’enfance à laquelle elle est restée très attachée. Ses poèmes, dont l’écriture est consignée dans de minuscules carnets, s’inspirent de l’univers de Gondal dont on retrouve également des traces dans l’unique roman que la poète a eu le temps d’écrire : Wuthering Heights / Les Hauts de Hurlevent. Écrit à Haworth en 1846 et publié en 1847, le roman remporte un vif succès et assure dès sa publication une solide notoriété à la jeune romancière.

    AP





    Lydie Salvayre  Sept femmes 1








    EXTRAIT D’EMILY BRONTË (SEPT FEMMES) DE LYDIE SALVAYRE



    Un jour d’automne 1846, Charlotte découvre, émerveillée, des poèmes écrits en cachette par Emily.
    Devant ce qu’elle regarde comme une intrusion inadmissible, Emily, à son habitude, explose de colère et fait claquer les portes, puis, à son habitude, se laisse attendrir par l’ardeur généreuse de sa sœur aînée.
    Après de chuchotants conciliabules, Charlotte, qui n’a nullement renoncé à ses ambitions littéraires, persuade Emily et Anne de réunir un choix de leurs meilleurs poèmes et de les envoyer à une maison d’édition. Les trois sœurs, fervemment, se mettent à l’ouvrage et renvoient leur recueil à MM. Aylott et Jones, éditeurs à Londres.
    Et le miracle a lieu.
    Les éditeurs répondent favorablement, c’est à ne pas y croire. Leurs prières pressantes ont été exaucées. Et le livre Poems paraît en 1846 sous les pseudonymes de Currer, Ellis et Acton Bell.
    Les trois filles éprouvent une joie insensée, une joie comme en n’en connaît que deux ou trois dans une vie, une joie qu’elles doivent contenir parce que la chose à Haworth doit demeurer secrète mais que la contention, délicieusement, exaspère.
    Des colloques par signes, de petits rires entendus, des regards échangés qui flambent de malice, une inflexion enjouée imperceptible à qui n’est pas dans la confidence, des parlotes chuchotées dans la cuisine où Branwell et le père ne pénètrent jamais, telles sont les seules manifestations qu’elles s’autorisent.
    Mais dans leur cœur, c’est l’Amérique.

    Deux exemplaires de Poems sont vendus la première année. C’est peu, mais c’est suffisant pour ranimer les rêves et les folles espérances des trois sœurs qui vont dès lors se jeter avec toute la fougue (ou si l’on veut toute la libido) de leur jeunesse dans l’écriture romanesque.
    Charlotte va écrire Le Professeur, Anne Agnes Grey, et Emily, Les Hauts de Hurlevent, dont le héros inoubliable répond au nom de Heathcliff.
    Heathcliff, heath bruyère et cliff falaise,
    Heathcliff, le ciel et l’enfer, le Bien et le Mal, la grâce et la laideur.
    Heathcliff passionné, excessif, sexy à mort (dans mes imaginations lubriques, je lui prête les traits de Laurent Terzieff, mon idole du moment), dont le seul regard fait tomber les femmes en catalepsie (James Dean peut aller se rhabiller) et qui renvoie à leur fadeur tous les personnages romanesques faits de pâte molle, comme il en pleut.
    Heathcliff intransigeant, comme moi me dis-je. Solitaire, comme moi me dis-je. Dur à la douleur, comme moi. Orgueilleux, comme moi. D’une sensibilité si vive qu’elle peut sembler une arrogance. Comme moi, comme moi.
    Heathcliff c’est moi. Sa nature est la mienne. Révélation.
    Du coup je me coiffe à la diable.
    Je fais la gueule.
    Je traumatise mes camarades de classe en déclarant que Gilbert Cesbron : c’est de la merde.
    Je me souviens qu’un samedi soir, alors que je me suis préparée pour aller à la fête d’Auterive avec mon amie Monique Mascarin, mon père m’interdit de sortir. Je m’enferme dans ma chambre, ouvre la fenêtre et menace de me jeter dans le vide. Mon père cède. Heathcliff c’est moi.
    En partant, je déclare, théâtrale, que je ne refoutrai plus les pieds dans sa baraque (j’envisage de m’enfuir à Cadaqués dont ma cousine m’a chanté les louanges).
    Durant la semaine, à l’étude du soir, je me mure dans un silence plein de mélancolie. Ou j’écris des horreurs sur un cahier que je ne montre à personne.
    Je m’exagère considérablement le malheur d’être née dans une famille pauvre et qui, pire encore, s’exprime dans une langue lamentable, charabia de français mâtiné d’espagnol dont il m’arrive à ma grande honte de reproduire les incorrections (d’où une angoisse à parler en public qui ne m’a jamais quittée).
    Heathcliff c’est moi.



    Lydie Salvayre, « Emily Brontë », Sept femmes, éditions Perrin, 2013 ; Collection Points, 2014, pp. 40-43.





    Lydie Salvayre  Sept femmes



    EMILY JANE BRONTË


    Emily Brontë
    Patrick Branwell,
    Portrait of Emily Brontë
    oil on canvas, circa 1833
    (546 mm x 349 mm)
    National Portrait Gallery, London
    Source





    ■ Emily Jane Brontë
    sur Terres de femmes


    30 juillet 1818 | Naissance d’Emily Jane Brontë (+ un extrait de Wuthering Heights)
    27 juillet 1839 | Mild the mist upon the hill (poème d’Emily Jane Brontë)







    LYDIE SALVAYRE


    Lydie Salvayre Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Lydie Salvayre
    sur Terres de femmes


    2 septembre 1969 | Lydie Salvayre, BW





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  • Jean-Michel Maulpoix | Bouchoreille



    BOUCHOREILLE




    Ce mot-valise, fabriqué par Paul Valéry, figure l’espèce de boucle qu’accomplit la poésie en ce qu’elle est à la fois un parler et une écoute. Écrire de la poésie, c’est faire exister une voix, émanant d’une « bouche d’ombre » ou de « voix intérieures » (Victor Hugo), mais c’est aussi écouter la langue, prêter l’oreille à son acoustique particulière.

    Attentive aux bruits du monde comme aux battements du cœur humain, la poésie peut être définie comme une voix qui écoute. Elle dit ce qu’elle entend. L’écriture y écoute la langue : à l’aide de cet instrument singulier qu’est le poème, elle en perçoit aussi bien les sons que le sens, sensible à la signification des mots, voire à leur vieille et longue histoire, attentionnée quand il s’agit de dire ce qui reste le plus secret et ne parvient au langage que par un accès douloureux. Le poète n’écrit pas seulement à la main, il écrit aussi à l’oreille, dans l’« hésitation prolongée » du son et du sens. La voix du poème est une voix réfléchie, curieuse de ses inflexions, et qui observe sa propre capacité articulatoire.



    Jean-Michel Maulpoix, Les 100 Mots de la poésie, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?, 2018, pp. 17-18.





    Jean-Michel Maulpoix  Les 100 Mots de la poésie



    JEAN-MICHEL MAULPOIX


    Jean_Michel_Maulpoix
    Source




    ■ Jean-Michel Maulpoix
    sur Terres de femmes


    Un poète au jardin (extrait d’Anatomie du poète)
    La mâture de la mer est illusoire (poème extrait d’Une histoire de bleu)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Jean-Michel Maulpoix
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture des 100 Mots de la poésie de Jean-Michel Maulpoix, par Philippe Leuckx
    → (sur Littérature portes ouvertes)
    une lecture des 100 Mots de la poésie
    → (sur le site Que sais-je ?)
    la page de l’éditeur sur Les 100 Mots de la poésie





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  • Noée Maire | [allongée dans l’herbe]


    [ALLONGÉE DANS L’HERBE]




    allongée dans l’herbe
    le jour flotte un instant de rêve

    sur mes paupières fines
    les oiseaux laissent
    leur empreinte d’ombre rapide

    où dans le corps l’emplacement
    des racines
    les garrigues fragiles et blessantes
    les lignes de vigne ?




    Noée Maire, L’Étreinte, éditions La tête à l’envers, collection fibre·s, 2000, s.f. Peinture de Nicole Koch.





    Noée Maire  L'étreinte




    NOÉE MAIRE


    Noée maire portrait
    Source




    ■ Noée Maire
    sur Terres de femmes


    [Je choisis l’absence] (extrait de D’Ararat)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur L’Étreinte
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Noée Maire (dont un entretien avec Clara Regy)





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  • Philippe Denis | [Il est des pages qui nous expriment]


    [IL EST DES PAGES QUI NOUS EXPRIMENT]




    Il est des pages qui nous expriment.
    Certaines – témoins de nos fatigues –
    resteront blanches ; d’autres – témoins
    de notre paresse – seront celles où,
    par négligence, nous aurons triomphé.



    Journée de grand vent.
    On peut prendre toutes les directions.

    *

    Sur ces chemins habitués à nos pas,
    à nos précautions, nous nous sommes surpris
    à saluer une idée qui allait en sens inverse.



    […]



    Sortir pour vérifier que le monde est là,
    sur le chemin du retour faire comme s’il
    n’avait jamais été

    s’en remettre, une fois pour toutes, à la
    rêverie.




    Philippe Denis, Nugæ, éditions La Dogana, Collection Poésie, 2003, pp. 32, 33, 36. Avant-propos (« La pauvreté, le surcroît ») d’Yves Bonnefoy. In Chemins faisant, poèmes 1974-2014 choisis par l’auteur, éditions Le Bruit du temps, 2018, pp. 210, 211, 214.





    Philippe Denis  Nugae




    PHILIPPE DENIS


    Philippe Denis
    Ph. Violaine Lison
    Source





    ■ Philippe Denis
    sur Terres de femmes


    [Ici, où je vis, en attente] (poème extrait de Cahier d’ombres)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du cipM, centre international de poésie Marseille)
    une notice bibliographique sur Philippe Denis
    → (sur Wikipedia)
    une notice bio-bibliographique sur Philippe Denis





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  • Hélène Révay | [J’ai ce matin dans la tête…]


    [J’AI CE MATIN DANS LA TÊTE…]




    J’ai ce matin dans la tête
    des festins inavoués,
    des heures tranquilles passées
    sous le soleil du midi
    à flâner et à rêver tout bas
    à la clarté des choses qui naissent
    avec le plus de certitude dans l’imagination.

    J’ai ce matin dans la tête des fêtes
    qui ne trouvent jamais l’aube,
    des offrandes à donner et à recevoir.

    Ce n’est pas que le temps me manque.

    J’ai l’intuition ferme
    que nous guidons notre temps,
    que nous le tordons à notre avantage,
    que nous ne nous calculons que
    par rapport à notre tâche.

    J’ai ce matin dans la tête
    un flux incessant à l’oreille
    et le son des cloches matinales
    pour guider mon éveil.




    Hélène Révay, J’emprunte la route qui rend fou l’horizon [Recours au poème éditeurs, 2015], éditions Unicité, Collection Le Vrai Lieu dirigée par Laurence Bouvet, 91530 Saint-Chéron, 2020, pp. 24-25.





    Helene Révay  J'emprunte la route qui rend fou l'horizon 3




    HÉLÈNE RÉVAY


    Helene Revay2
    Ph. Tous droits réservés




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une notice biographique sur Hélène Révay
    → (sur le site des éditions Unicité)
    la fiche de l’éditeur sur J’emprunte la route qui rend fou l’horizon





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  • Françoise Ascal | Rouge Rothko


    Mark Rothko  1957
    Mark Rothko, No. 16. Red, white and brown, 1957
    Huile sur toile, 252, 5 × 207,3 cm
    Musée d’Art de Bâle, Basel.
    Source







    ROUGE ROTHKO




    Faut-il me jeter tête en avant dans votre toile en feu ?
    Choisir la plus rouge, la plus incandescente, la plus haute ?
    Traverser des parois de coquelicots des gorges de salamandres des pépins de grenades des gouttes de sang frais ?
    Devenir torche ou tornade ?

    Qu’enfin tombe en cendres le trop qui m’entrave.
    Qu’enfin s’ouvre l’au-delà caché derrière l’iris.

    Approcher, ne serait-ce que d’une largeur de paume, la calme vibration de ce qui brûle, là-bas derrière les pigments, dans un tout près insaisissable, dans un sans cesse habité par la joie – oui, la joie, je veux le croire.

    Séjour de la lumière, comment te rejoindre ?

    Faut-il grimper un à un les barreaux de votre échelle de Jacob ? Ou la descendre, comme on descend en soi-même, par seuils successifs au long de la vie, en voyage depuis l’humus brun des origines vers ce blanc éblouissant qui mange les paroles, dissout les peurs et les spectres.

    Blanc chauffé à blanc, ouvrant sur… ?

    Échelle ou marelle ?

    Une marelle inversée, la terre à la place du ciel, le lourd au sommet, pesant son poids de chair avec son fracas familier, tandis qu’à l’étage inférieur, des fenêtres ou reflets de fenêtres appellent, appellent.

    Peut-être suffit-il de sauter ?
    D’une case à l’autre, à cloche-pied, en toute innocence ?

    Jouer ?
    Jouer à en perdre haleine ?
    Jouer très sérieusement.
    Monter descendre monter descendre, de haut en bas et de bas en haut, vite, de plus en plus vite, de plus en plus abandonnée, de plus en plus confiante, comme un derviche cherchant l’extase, comme le poète Rumi chantant les atomes de l’univers, ivre du « Soleil de Tabriz ».

    Votre tableau est un « Soleil de Tabriz ».

    J’attends qu’il me consume.



    Françoise Ascal, « Rouge Rothko », Rouge Rothko, éditions Apogée, Collection « Piqué d’étoiles », 2009, pp. 55-56.








    Françoise Ascal  Rouge Rothko




    FRANÇOISE ASCAL


    Francoise Ascal par Michel Durigneux
    Ph. © Michel Durigneux
    Source





    ■ Françoise Ascal
    sur Terres de femmes


    Des voix dans l’obscur (lecture d’AP)
    [tu aurais voulu l’oublier] (extrait de Des voix dans l’obscur)
    [longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
    [Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
    [Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
    Levée des ombres (lecture d’AP)
    Lignées (lecture d’AP)
    [Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
    Noir-racine précédé du Fil de l’oubli (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Mille étangs
    16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
    5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél)
    une notice bio-bibliographique sur Françoise Ascal
    → (sur le site des éditions Apogée)
    la fiche de l’éditeur sur Rouge Rothko de Françoise Ascal





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  • Déborah Heissler | Je ne peux oublier



    Les Nuits et les Jours 2






    JE NE PEUX OUBLIER

    que je suis ici dans une ville étrangère

    dont nous ne nous souviendrons plus

    (que
    dans nos rêves)

    qu’il me faudra

    la quitter



    Sous un ciel humide, la pluie hésite

    parapluie (BLANC) et pluie insistante

    longue

    interminable

    Je

    ne me souviens

    que d’une manière confuse

    des circonstances

    dans lesquelles me sont venues

    ces images (CETTE PENSÉE)

    cette impression (LE SENTIMENT)

    la vision immédiate qu’on nommera poésie

    (SI L’ON VEUT) le temps d’un battement de

    paupières



    Déborah Heissler, Les Nuits et les Jours, éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2020, pp. 37-38. Dessins de Joanna Kaiser. Préface de Cole Swensen, traduite par Virginie Poitrasson.





    Deborah Heissler  les-nuits-et-les-jours




    DÉBORAH HEISSLER


    Deborah Heissler Guidu
    Image, G.AdC





    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Sorrowful Songs (lecture d’AP)
    « Des pas dans la neige » (poème extrait de Sorrowful Songs)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) « 
    Errance » (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Les Nuits et les Jours
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Déborah Heissler





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  • Ariane Dreyfus, Sophie ou la vie élastique

    par Angèle Paoli

    Ariane Dreyfus, Sophie ou la vie élastique,
    Le Castor Astral, 2020.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « C’EST DE VIVRE QUE JE PARLE »




    « Une histoire passera ici ». Tel est le titre d’un précédent recueil d’Ariane Dreyfus, édité en 1999 dans la collection Poésie/Flammarion. Ce titre pourrait aussi bien être celui de son dernier opus : Sophie ou la vie élastique. Ici, une histoire passe en effet : celle de Sophie de Réan, héroïne malheureuse de la comtesse de Ségur. Et c’est peut-être aussi un peu l’histoire d’Ariane Dreyfus qui se dit/se lit ici en filigrane.

    La poète au long cours aime à revisiter les histoires d’enfance, les histoires de l’enfance. Les westerns de John Ford (Une histoire passera ici), Les Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur pour Sophie ou la vie élastique. Conter est pour elle de la plus haute importance. Il arrive ainsi qu’un personnage vienne « se heurter à nous, qui sommes déjà en morceaux », confie Ariane Dreyfus sur la quatrième de couverture de son dernier recueil, Sophie ou la vie élastique, que viennent de publier les éditions du Castor Astral. La vie, semble-t-il, n’épargne pas. N’épargne personne. Elle atteint toujours son but, la mort. Entre les deux extrêmes, elle s’étire, joue avec les uns les autres, écrivains et personnages, animaux aussi et « presque vivants », comme la poupée aimée et meurtrie de Sophie, malmenée par sa jeune maîtresse. La vie joue à l’élastique et Sophie joue avec elle. Le fil tantôt s’étire et lâche du lest, tantôt se rétracte et c’est alors la mort qui se profile. Les quarante-six poèmes du recueil ravivent la mémoire effacée de l’histoire de Sophie.

    Sous la plume ailée d’Ariane, des épisodes oubliés refont surface, comme autant de ramures tendues auxquelles s’arrimer ; refont aussi surface les personnages qui animent le monde de Sophie. Ses cousines, Camille et Madeleine ; son cousin Paul. « Ce sont des enfants qui font attention à la vie », écrit la poète dans « [n]on pas le dernier, mais le seul jour» ; Madame de Réan, fragile et aimante, désespérée ; et son autoritaire époux (pas vraiment sympathique !). Madame de Fleurville… et quelques protagonistes occasionnels. Le plus étonnant est de retrouver sous la version poétisée du roman de la comtesse de Ségur, l’enchantement que celui-ci avait déclenché quand nous lisions avec nos yeux d’enfant. Quand Sophie nous faisait passer du rire aux larmes. Et que pleuvaient les punitions.

    Est-ce à dire qu’Ariane Dreyfus, par la magie de ses mots, restitue cette part d’enfance qui gît encore en nous ? Rébellions, bêtises et impertinences. Pour ce qui me concerne, je pense bien que oui. Tel est aussi le talent de la poète. Raviver ce plaisir. Autant saisir au passage les branches qu’elle nous tend dans ce nouveau recueil. Car c’est de vivre qu’elle parle. Et que, comme l’écrit Eugène Guillevic cité en exergue :

    « On ne sait jamais

    Ce que fera la branche

    la prochaine fois. »

    C’est bien de vivre que la poète parle. Même si la mort est partout présente dans la vie de Sophie. C’est parfois la petite fille qui l’occasionne, par maladresse, par naïveté ou par inconscience. Par enfantine cruauté aussi. Il y a les morts ordinaires, la mort de la « poule déplumée » — qui ouvre le cortège animalier —, celle de l’écureuil, celle des poissons (un épisode savoureux !) ; celle, impressionnante, du cheval et celle des bébés hérissons. Il faut bien, pour que le récit progresse, que les uns vivent et que d’autres meurent en cours de chemin. Comme dans la vraie vie. Dans Sophie ou la vie élastique, un seul animal échappe à la mise à mort. Une araignée, suspendue à son fil, qui se balance par trois fois et laisse sa trace dans le tremblé de la page. Il y a les morts qui marquent plus profondément Sophie, celle de la poupée de cire martyrisée dépecée fondue noyée soumise à enterrements et à résurrections ; et celle, autrement tragique, de Madame de Réan – « La mère s’est perdue dans la mer » – qui frappe l’enfant de plein fouet dans ce qu’elle a de plus cher au monde :

    « Plus de berceuse pour se poser sur elle

    Maman est un mot qui a trop voyagé »

    (« L’autre voiture »).

    Et voilà Sophie orpheline confiée à une étrangère qu’elle devra désormais nommer du nom de « Maman ». La mort est pour l’enfant une expérience continue et multiple. Mystérieuse aussi et incompréhensible la disparition : « – Où l’emmenez-vous ? Demain, il sera vivant ? », interroge Sophie qui s’inquiète du devenir de « l’animal mort ».

    Mais Sophie connaît d’instinct l’art de rebondir dans la vie. Elle rebondit toujours sur les interrogations qui se posent sur son chemin, et c’est toujours à partir d’images simples et réconfortantes. En atteste cette nouvelle façon, un brin détournée, de moduler le carpe diem d’Horace :

    « Que nous reste-t-il aujourd’hui que nous n’aurons pas demain ? »

    La réponse, apaisante, est suggérée dans les deux vers suivants :

    « La vieille chatte dort sur elle-même

    La tête déjà posée sur l’herbe »

    (« Le cadeau »).

    Inventive, toujours prompte à se tirer d’affaires par une pirouette, sautant à cloche-pied par-dessus les obstacles et tirant la langue, Sophie brave les interdits. Elle collectionne bêtises et punitions. Soumise à la fessée, recluse au pain sec et à l’eau, elle s’enfuit de sa chambre et bat la campagne alentour. Sa vengeance ? Une frayeur terrible qui met Madame de Réan aux cents coups et lui arrache un « cri de bête ». Lequel sera suivi d’une profusion de baisers fous lorsque Sophie sera retrouvée saine et sauve. Frayeur extrême qui fait prendre conscience à la jeune maman qu’« il y a pire que partir ».

    Sophie a ses formules à elle qui sont paroles de poète.

    « La peur marche plus lentement que le plaisir ».

    Ou bien :

    « Possible suffira toujours ».

    Ou encore celle-ci, très caractéristique de l’écriture de la poète :

    « Une culbute éteint une flamme, le jeu est de faire le noir

    Une par une ».

    Ariane Dreyfus prête à Sophie de Réan sa philosophie de vie : « un pied dans le sol, un pied dans le vide ». Leçon que la poète tient de Jean Cocteau, à qui elle dédie son recueil. « À Jean Cocteau, qui m’a appris à marcher un pied dans le sol, un pied dans le vide ».

    Ainsi la vie de Sophie et celle de la poète s’accordent-elles dans une même claudication. On doit à l’héritage de la lointaine lutte biblique de Jacob avec l’Ange, une longue généalogie de boiteries. Des boiteries que l’on retrouve dans la conception toute personnelle qu’Ariane Dreyfus met en pratique dans sa poésie. Boiteries briseuses de rythmes et de rimes. Briseuses de formes convenues. D’où sans doute l’hésitation (consentie) entre prose et poésie. Entre récit (avec dialogues) et poème. Entre « le réel et l’imaginé » qui, dans l’interstice, ménagent « la place du mot ».

    Alternances discordantes aussi entre malheurs et plaisirs, sans cesse en déphasage dans la vie. Ce qui compte, c’est de faire que le plaisir l’emporte :

    « Les malheurs, les casser en petits morceaux

    En trois, en quatre, tout de suite en dix

    *

    Le plaisir de courir sur le chemin crissant ! ».

    Hésitations jusque dans la formulation. Ainsi du poème d’ouverture « Sans crier » où l’on peut lire :

    « J’hésite, je te regarde, chemin qui ouvre le parc

    Tu es si pâle,

    *

    En deux, qui écarte le parc

    J’hésite, je regarde »

    (« Sans crier »).

    C’est qu’Ariane Dreyfus s’y entend dans l’art de pratiquer la disjonction, comme dans ces vers exemplaires :

    « Le revoici encore solitaire

    Le temps de tendre vers la lune ses yeux gonflés

    Et de, hissé sur ses pattes ou ses mains, se laisser tomber

    Pour une brasse parfaite dans la mare du soir »

    (« Un dernier acte »).

    Ou dans l’art de pratiquer le déhanchement du vers en bousculant l’ordre usuel des mots. Cet écart qui, à la lecture, surprend et met cette dernière en suspens, qui suscite parfois la polysémie et l’interrogation :

    « une presque personne »

    […]

    « la toute fontaine joliment jaillissante »

    (« Le cadeau »).

    Ou encore :

    « Relevées, des presque mains griffues se touchent

    Inertes »

    (« Demain non plus »).

    Au détour d’une strophe, il arrive qu’on se laisse surprendre par un zeugma inattendu et savoureux :

    « Sophie, bouche ouverte, se penche en arrière

    Pour la suivre des yeux et le plaisir

    De se balancer sur sa chaise

    Fort et parfois moins fort »

    (« Les malles ouvertes »).

    Ou encore par cet autre :

    « Pendant qu’elle a mal

    Paul la dépasse au galop et en chemise blanche

    On le perd lui aussi »

    (« J’avais  faim»).

    La disjonction principale de Sophie ou la vie élastique me semble résider dans la présence inattendue d’un poème bien particulier, intitulé « En travers du lit ». Un poème qui se démarque de l’ensemble. Sans allusion aucune à Sophie. Une sorte d’écart d’écriture que ce poème identifiable par ses strophes. Des strophes inégales (3, 4 ou 5 vers), dans lesquelles reviennent à l’identique certains vers : « tel un jeune peuple d’une nature nouvelle » ; « la seule note de leur rouge ». Dès la seconde strophe, Ariane Dreyfus y multiplie les pas de côtés, bousculant inlassablement l’ordre des mots et des vers. Jouant avec les variations, les unes infimes, passant presque inaperçues, les autres plus franches. Un poème qui pourrait s’apparenter au pantoun malais. Un pantoun baroque, fondé sur des irrégularités. La poète y entrelace deux thèmes majeurs, celui d’un personnage masculin dont l’identité n’est pas donnée : « il y a devant lui de très nombreuses fleurs » et celui de « la nature nouvelle » assimilée à « un jeune peuple ». Le retour, d’un vers à l’autre, d’expressions quasi similaires, crée la surprise en même temps que cette sensation mystérieuse d’enroulement caractéristique de la vague qui roule sur elle-même, à la fois autre et pareille. Ce poème est introduit par une phrase en italiques : « Quand il arrive » et se clôt par cette autre : « C’est arrivé en dormant ». Est-ce rêve du lion de pierre entouré des « fleurs aux tiges serrées » ? Ces fleurs qui « jaillissent contre sa main de tout leur rouge », rendant vivant le morne animal. Peut-être. Mais c’est sans doute aussi un poème écrit en hommage au peintre Marc Feld à qui l’on doit le très beau dessin de couverture, Une pensée rouge, dédié au poète Thierry Metz.

    De même qu’Ariane Dreyfus a dans sa malle aux trésors nombre de poètes et d’artistes qu’elle tient à portée de plume — l’ami de Pasolini, Sandro Penna, qu’elle cite à de nombreuses reprises —, Colette, Cocteau, Guillevic, Dickens, Yora Buson, Denise Levertov, Thierry Metz, Marc Feld… et Christophe Honoré pour son film Les Malheurs de Sophie (2006) sans lequel, dit-elle, « ce livre n’existerait pas », Sophie tient à sa disposition, comme dans les contes, nombre d’objets fétiches dont elle se sert pour se livrer à ses multiples expériences. La poupée, bien sûr, qu’elle soumet à de bien rudes épreuves et ce « charmant couteau ». « Son cher et vrai couteau ». C’est grâce à cet attribut indispensable que Sophie peut mener jusqu’à son terme l’expérimentation de son pouvoir de magicienne. Et de son pouvoir sur les autres enfants :

    « Sorti de l’étagère, du blanc de Meudon

    Sophie frotte avec son couteau

    De quoi faire que l’eau soit crémeuse

    Et pose le couvercle sur le pot de crème

    Les morceaux de craie sont carrés

    Donc c’est déjà du sucre dans le sucrier

    […]

    « Vous n’avez plus qu’à boire c’est très bon »

    (« Les mots et les choses »).

    Les refus des cousins devant les exigences de Sophie engendrent sa colère. Et l’expérience s’achève en pugilat. Et engendre aussi un désarroi partagé face à ce qui résiste à être nommé.

    « Deux corps tombent

    Engloutis dans le tumulte de ce qu’ils ne peuvent

    Nommer »

    (« Les mots et les choses »).

    Le cher petit couteau, « cet objet qui fait tout », intervient par deux fois dans l’épisode des cerises. Près du cerisier, un lion de pierre. Le lion a bon dos. Mais il semble inerte. Comment le ramener à la vie ? Grâce aux cerises, si rondes si rouges si dodues. Sophie s’applique à en couper une en deux : « ça peut faire des yeux ! ». Aussitôt dit aussitôt fait :

    « Le lion soudain réveillé

    Ouvre des yeux vraiment humides »

    (« Un objet qui fait tout »).

    Un peu plus loin, variation sur le même thème, dans « Souvenir inversé » : en cinq vers, le lion devenu féroce, gueule ouverte, se voit affublé d’une cerise entière par œil ! Une manière de le dompter et de le soumettre en l’obligeant à « fermer ses yeux ».

    Sophie adoptée par Madame de Fleurville abandonnera finalement poupée et lion de pierre à leur vie immobile. « Tu sais je vais partir loin de toi », confie-t-elle au « lion gris et usé » (« Le dernier jour avant le premier »). Et à la poupée :

    « Je ne vais pas te prendre avec moi,

    Tu vas rester là pour

    toujours, pour toujours

    Je suis très légère, je ne suis pas morte comme toi, moi ! »

    (« Naguère »).

    L’optimisme réjouissant de Sophie l’emporte sur la mort.

    « Je sais ce que j’ai vécu

    et que je vivrai encore ».

    Tels sont les derniers mots de l’enfant, en écho à ceux du très beau poème de Denise Levertov qu’ouvrent ces deux premiers vers :

    « Me comprenez-vous bien ?

    C’est de vivre que je parle… ».

    L’air de rien, sous les dehors d’un simple récit de l’enfance, Ariane Dreyfus ouvre toutes grandes les portes de son monde intérieur. Un univers riche et complexe dont elle restitue par touches le substrat profond. Culturel, sensible, humain.

    Dans Sophie ou la vie élastique, Ariane Dreyfus déploie, avec cette belle simplicité qui fonde sa personne, l’éventail de son talent poétique. Un talent enjoué, coloré et dansant. Vivante, Ariane Dreyfus, tellement ! Et qui entraîne dans son sillage tous ceux et toutes celles qui, comme elle, ont une soif brûlante de vivre.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Ariane Dreyfus  Sophie ou la vie élastique




    ARIANE DREYFUS


    Ariane-dreyfus
    © D. Pruvot/Flammarion
    Source






    ■ Ariane Dreyfus
    sur Terres de femmes


    Le beau tapis (poème extrait de Sophie ou la vie élastique)
    En sens inverse (poème extrait des Compagnies silencieuses)
    Anatomie (poème extrait de Moi aussi)
    Le Dernier Livre des enfants (lecture d’AP)
    [J’écris parce que je vais disparaître] (poème extrait du Dernier Livre des enfants)
    Comment habiter l’Inhabitable (note de lecture d’AP sur L’Inhabitable)
    Épilogue (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    La nuit commence (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    La Lampe allumée si souvent dans l’ombre (note de lecture de Matthieu Gosztola)(+ L’Amour 1 dans sa graphie originelle)
    Nous nous attendons (lecture de Tristan Hordé)
    « C’est tout mouillé » (poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    « Je suis en train d’oublier son visage » (poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    Un recoin dans un coin (poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    SAMI (autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Ariane Dreyfus (+ un autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Terre à ciel)
    Repaires, repères – une lecture de Sophie ou la vie élastique par Françoise Delorme (juillet 2020)
    → (sur le site de La Croix)
    Le château de Fleurville, par Ariane Dreyfus
    → (sur Atelier du passage)
    une lecture de Sophie ou la vie élastique par Frédérique Germanaud
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Ariane Dreyfus
    → (sur YouTube)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein (France Culture, 29 décembre 2001)
    → (sur le site de France Culture)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Ça rime à quoi ? de Sophie Nauleau (30 octobre 2010)
    → (sur le site de France Culture)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein (19 mars 2013)
    → (sur En attendant Nadeau)
    un entretien avec Ariane Dreyfus (par Gérard Noiret, 14 mars 2017)





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  • 22 juillet 1882 | Naissance d’Edward Hopper

    Éphéméride culturelle à rebours


    Naissance à Nyack [New York] le 22 juillet 1882 du peintre américain Edward Hopper, mort à New York le 15 mai 1967.






    Hopper 1
    Edward Hopper
    House by the Railroad, 1925

    Huile sur toile, 61 cm x 73,7 cm
    The Museum of Modern Art, New York





    Un des plus illustres représentants de l’école réaliste américaine, Edward Hopper, s’inspire de l’art de la photographie pour donner corps à son travail. Marqué par les paysages de l’Amérique du Nord (Cap Cod lui inspire plusieurs de ses toiles), le peintre excelle dans la représentation d’espaces clos, pris dans les contrastes d’une lumière diffuse et lourde à la fois. L’atmosphère, pesante, y devient irrespirable. Les personnages, figés dans des attitudes qui les tiennent à distance les uns des autres, diluent autour d’eux un vif sentiment de décalage mental. Livrés à leur solitude et à leur silence, ils laissent échapper une froide mélancolie. Qui gagne peu à peu le spectateur. L’impression de mal-être domine et pourtant, l’on reste là à contempler les toiles pour tenter d’en saisir le mystère. Mystères de décors souvent vides de vie, mystères des acteurs qui les occupent sans pour autant les habiter. À trop se laisser porter par cette « inquiétante étrangeté », le regard de l’âme s’imprègne d’une froide et pétrifiante nostalgie. Qui laisse pour longtemps le spectateur hors du monde sensible. Comme anesthésié lui aussi par une absence intolérable.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Hopper 3
    Edward Hopper
    Hotel Room, 1931

    Huile sur toile, 152,4 x 165,7 cm
    Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid





    BALISES


    « Qu’est-ce qui caractérise ces œuvres qui, de 1921 à Chair Car, en 1965, vont désormais baliser la destinée de Hopper ? D’abord, la présence de l’être humain, qui manquait dans les paysages – mais peut-on vraiment parler de présence ? Ces hommes et ces femmes debout, assis, et qu’on dirait immobiles, et qui regardent au loin, ou nulle part, ce ne sont pas en tout cas des personnes identifiables, de celles qui ont un nom et pourraient avoir vécu hors de l’œuvre. Réfrénant ses pouvoirs d’observation sur le vif, comme il a déjà sacrifié beaucoup de ses pouvoirs de coloriste, Hopper élimine de ses dessins préparatoires, dont on connaît de nombreux, ce qui le retiendrait à la personne qui pose, il la réduit à des caractères très généraux qui ne préciseront qu’à peine le vêtement, le contexte, et cela fait de ses personnages des figures qui semblent closes sur elles-mêmes, à l’épreuve de nos désirs d’en pénétrer le silence. »



    Yves Bonnefoy, Dessin, Couleur et Lumière, Mercure de France, 1995, pp. 239-240.

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