Terres de Femmes

Mois : décembre 2021

  • Artemisia au miroir / Tuzia

    ____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 <<Chapitre précédent

    Artemisia allo specchio 150

     

     

    XIII

    Tuzia

    Isolda, ma chère Isolda, il faut que je te parle de Tuzia. Tuzia di Stefano Medaglia. Elle a fait son apparition un beau jour, alors que nous étions encore domiciliés via Margutta. Elle est entrée dans notre vie en tambour et trompette dans un charivari de coffres un va et vient incessant de porteurs un brouhaha de rires de voix de cris de pleurs d’enfants de plaisanteries douteuses. La matinée entière s’était passée dans les escaliers en claquements de portes. La matinée écoulée, toutes ces joyeusetés ont enfin fait place au silence. Tuzia était installée. Une fois malles et coffres déposés, les hommes se sont évanouis. Où les avait-elle rencontrés ? Je l’ignore. De mari, je n’en ai point vu.  Il y en avait un, selon les dires, qui travaillait en dehors de Rome. Il y avait des enfants. Ils tournicotaient autour de Tuzia. Trois ou quatre, je ne sais trop. Dont une fille de mon âge et un bébé de trois ans. Un autre garçon, plus âgé, passait ses après-midis à jouer dans la rue, avec des billes et des lézards qu’il faisait courir sur la pierre. Tuzia se déplaçait avec son dernier né arrimé à sa hanche droite. Un beau bambin joufflu, déjà grandet. J’ai vu tout de suite que Tuzia ferait un excellent modèle de Vierge et que le bambin serait parfait dans le rôle de l’Enfant Jésus. J’étais heureuse de nos nouveaux voisins. La rue résonnait de chants et de rires, de voix colorées. De lazzi, d’interminables roucoulades. Quelle animation ! Cela me changeait de la tristesse d’Orazio, du sérieux de mes frères, des bouderies des garzoni.

    Très vite la présence de Faustina, la fille aînée de Tuzia, me fut douce. Elle venait me voir plusieurs fois par jour. Elle m’apportait des gâteries confectionnées par sa mère. Elle voulait tout savoir de moi, tout connaître. Elle était curieuse de tout. De mon travail et de ma vie de jeune peintre. Un après-midi, je lui ai montré mes trésors. Tout ce que je tenais enfermé dans le cassone ; le beau coffre en bois sculpté que j’avais hérité de ma chère maman.

    Cela t’intéresse, Isolda ? Dois-je poursuivre ou mettre fin une fois pour toutes à mes confidences ? Non, non, continue. Alors ce cassone ? Quels trésors ? Oh, tu te doutes bien un peu, non ? Des pinceaux des palettes des planches de cuivre des stylets des plumes d’oie… Mais aussi, dans une partie bien séparée, l’étole de soie de Prudenzia sa grande écharpe de Damas à ramages rouge et or un bel éventail de soie une dague ornée d’un modillon à tête de Méduse, cadeau de mon parrain, Mgr. Offredo de Offredis, nonce papal à Florence et à Venise.

    Ma figurati ! mia cara ! Il y a du beau linge dans ta famille ! As-tu assez de place dans ta bouche pour rouler ce Mgr. Offredo de Offredis ? Tu m’expliqueras ce qu’est un nonce papal, hein ! Nonce nonce nonce ? Cesse donc de m’interrompre. Nuntius !  Un messager, si tu préfères.  Apostolique, bien sûr ! Oui, cela va de soi. Apostolique. Catholique. Papal. Ecclésiastique. Et des bijoux, beaucoup de bijoux. Des gouttes d’eau dans leur écrin de velours des colliers de perles fines des plumes pour retenir les cheveux des peignes des brocarts des broches.

    Et le plus précieux, j’allais l’oublier ! Le miroir de Prudenzia, un miroir en bronze, tout incrusté de pierreries. Et puis, un galet rond et lisse que mon père avait rapporté d’un de ses voyages. À son retour, il l’avait déposé dans le creux de ma main en me disant d’en prendre soin et de ne jamais m’en séparer. Il est là, couché entre les broderies et les dentelles. Il m’accompagne et je tiens à lui avec la même ferveur que les autres objets que je serre dans mon cassone. Chacun d’eux possède sa force son secret et je prends de chacun un soin égal.

     Faustina est éblouie. Elle veut tout voir. Elle déplie les étoles les passe sur ses épaules s’admire dans le miroir qu’elle a découvert entre les étoffes. Elle se saisit de l’éventail, le déplie, fait mine de disparaître derrière ses plis. L’éventail de Prudenzia ! Je veux le lui arracher. Elle me nargue, court à travers la pièce, tourne autour du fauteuil, se cache derrière la tenture. Je lui cours derrière. Elle se rend. S’évente une dernière fois. Me remet l’éventail. Je le caresse en le repliant. Prudenzia s’efface, rejoint le royaume des ombres d’où Faustina l’a un instant tiré. Ensemble nous remettons chaque chose à sa place. Je referme le coffre. Je peux lui montrer les croquis que je tiens derrière le paravent qui sépare le réduit de la ruelle de mon lit. Elle s’exclame, admirative, disant qu’elle n’a jamais rien vu d’aussi beau. Elle veut que je la prenne pour modèle. Ensemble nous passons des heures à rire de tout et de rien. J’étais heureuse, Isolda. J’avais enfin une amie. Je n’étais plus seule livrée à moi-même. Tenue à l’écart du monde par un père atrabilaire jaloux de mes fréquentations, soupçonneux et colère dès qu’il apercevait l’ombre d’une barbiche ou un pourpoint de galant s’approcher de moi. Et puis il y avait Tuzia. En quelques jours mon père l’avait adoptée. Tuzia me servirait de pigionante. Elle serait pour moi le chaperon idéal de mes déplacements.  En outre, elle m’aiderait aux soins du ménage et du linge. Elle confectionnerait pour notre famille des plats délicieux. Mon père était ravi. À ce point ravi qu’il fut décidé que nous déménagerions et que nous irions habiter via della Croce. Et que Tuzia et sa petite famille logeraient dans l’appartement au-dessus du nôtre. Ainsi fut fait. Orazio se félicitait d’avoir pris cette décision. L’atelier était spacieux. Lumineux. Tuzia montait et descendait à longueur de journée. Chacun avait repris son travail dans la bonne humeur. Tout allait pour le mieux. Jusqu’au jour où je surpris le regard voluptueux de Cosimo Quorli au moment où Tuzia fit surgir de sa guimpe le sein rond et gonflé qu’elle destinait à son enfant. Je compris alors que Tuzia plaisait. Elle ne ferait pas long feu dans le rôle unique de mère de famille vouée à la maternité et à la domesticité. Elle était avenante et ses formes girondes attisaient le désir des hommes. Je compris aussi très vite que Tuzia ne se contenterait pas de me chaperonner et de me servir de sage garde-du-corps.

     

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         À SUIVRE …

    Un cassone

                                   

     

     

     

     

     

     

     

         Un Cassone: source     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Véronique Gentil / On construit des maisons mais on ne les finit pas

               <<Poésie d'un jour 

                                                       

                                         La disparition   peinture de © Véronique Gentil              

                       

     

     

     

     

     

     

    Source

    Laissons faire les morts.

     

     

     

     

                           À Eric Sautou

     

    les mères s’en vont
    et l’eau fait des nœuds noirs sous les barques

    il n’y a plus d’ombre d’été, de dimanches

    les robes ont encore l’air de vivre

    les fleurs s’ouvrent pour personne

    la pivoine à la livrée rouge
    tombe entière dans la main

    sur les labours
    de grands bœufs s’écartèlent

    un automne stationne

    Laissons faire les morts. Laissons-les faire en nous sans les
    couvrir du son des craintes.

    Si on se retranche dans le pli le plus fin et le plus reculé de soi
    on verra – ainsi que les formes naissent, hésitent près de la terre
    (épis mauves, fleurs rondes), des régions épineuses où vivent les
    nids avec leurs œufs fermés – comment nous-mêmes hésitons
    chaque jour à reprendre forme, à considérer le morne et le
    relief et à garder pour soi une grande et lourde chose.

    À la force des tristesses, à la force des morts et à celle des
    inquiétudes qui dérobent la douceur et contraignent à
    seulement longer les bois, opposons une fragilité et non une
    autre force, car il n’y a rien à vaincre.

    Tant mieux si pour un temps dominent la timidité et la dent
    des bêtes sauvages, les vieilles forêts, la pure angoisse de la
    nuit et la pure angoisse du jour. Comment sinon pourrait-on
    se tourner vers les visages, se tenir devant la puissance et la
    solitude des visages ?

    la pluie droite
    sur le chemin de terre
    glisse sur Jean le Lieu
    comme sur un vieil oiseau
    ou une embarcation
    des pans d’imperméable
    faseyent et claquent
    dans son dos

    où s’enfonce-t-il, jusqu’où
    dans ses pensées
    laissant venir à lui sa vie muette ou dormir
    sous des feuilles qui ont la couleur des fruits ?

     

    On construit des maisons mais on ne les finit pas

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Véronique Gentil, On construit des maisons mais on ne les finit pas, Faï fioc 2021, pp. 51,52,53.

     

    ______________________________________________________________________________________________________________________________

     

          VÉRONIQUE GENTIL 

    Veronique Gentil

     

     

     

     

     

     

    Voir aussi ♦

    Terres de femmes 

    Terre à ciel 

                            Pierre Mainard éditeur

     

     

  • Antoine Wauters / Mahmoud ou la montée des eaux

     

    <<Poésie d'un jour 

     

    Le lac el-Assad  né de la construction du barrage de Tabqa  en 1973

     

     

     

     

     

     

     

     

                      Source                       

                                   … je suis infoutu de décrypter les paroles du lac…

     

                      Près du prunier (Extrait)

                                     6

    Tout est calme.
    Je retourne sous l’eau, descends vers le café Farah
    dont il ne reste rien.
    Qui sait si ce que je vois, un autre le verrait ?
    Je suis dans la mémoire des choses.
    Au commencement de tout.
    Ce n’est pas moi qui observe le lac, mais lui,
    lui qui fixe la surface du monde, ses plantes,
    ses arbres fruitiers et les fourmis des sables.
    Mon visage raviné.
    Il écoute aux portes de nos vies.
    Il comprend.
    Moi, je ne comprends pas ce qu’il murmure,
    mais je sais. Il témoigne.
    J’ai écrit des livres, été invité dans différents pays.
    Où je me suis surpris à faire le paon, j’ai perdu Leïla et notre
    petite fille, et malgré ça, je suis infoutu de décrypter les
    paroles du lac.
    Triste monde humain.
    Je sauve un papillon de la noyade, mes doigts dans
    les algues comme d’autres algues et je descends, descends
    jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun bruit sauf celui
    de l’eau contre mon cœur, l’eau qui me respire
    et me console comme seule le peut une mère.
    Nageant, je redeviens l’enfant.
    Mahmoud des prairies.
    J’entends Mounir hurler sur moi qui suis le vent parmi
    les bêtes de son troupeau, et qui les sème sur le sentier.
    Je sens le parfum de maman, qui est une force
    virevoltante, un vrai buisson ardent, mais dont
    Les nerfs aussi sont brûlants et ardents.
    Je cueille une pêche près de papa, debout
    sur l’échelle, qui cueille des fruits chez notre
    autre voisin, Khamssieh.
    Vieillir, c’est devenir l’enfant que plus personne ne voit…

     

    Mahmoud ou la montée des eaux

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Antoine Wauters, Mahmoud ou la montée des eaux, (Roman en vers libres), Éditions Verdier 2021, pp.45,46

     

    __________________________________________________________________________________________________________________________________

     ANTOINE WAUTERS

    Antoine Wauters

                         

     

     

     

     

     

     

                             © Lorraine Wauters

                              Voir aussi  ♦

    →  France Culture 

     Le Monde

     

     

     

  • Danielle Lambert / L’oubli, la mer

    << Poésie d'un jour 

     

     

     

    C’EST UNE AUTRE ENDORMIE qui toque au hublot. Dans Les Vagues, Virginia Woolf t’immerge, te perd délicieusement, te présente une sœur en flots enfouie, et ses frères.
    L’image qui vient est celle de l’éventail ou du livre. Tous deux fermés au départ sur leur contenu. Qui s’ouvriront au fil des années en déployant leurs vérités.
    La place de Clichy tangue sous la pluie, sa longue statue se dessine sous les milliers de gouttes des vitres de la brasserie Wepler. Tu te fais eau, profondeur, extinction.
    Dans la nuit liquide palpite un corps autre que le tien, mollesse lourde à l’inertie fuyante, haleine glacée posée sur les fulgurances de l’adolescence, ciel à l’envers de la pluie.
    Tu sais te fondre, te couler. Là où tu étais, tu sens un corps.

    TU L’AS ÉCRIT ou cela s’est écrit à travers toi : au fond des mères.
    Le lapsus ne t’est apparu qu’à la relecture.
    Souvenir amusé de ta nièce racontant ses vacances à une camarade : on est allés au bord de l’eau. Eux ils appellent ça la mère.
    Ta fascination pour les reportages sur les fonds sous-marins, les épaves.
    Petit frère du fond des mers et de la mère, là d’où tu viens, tu t’en retournes. Une mer toute puissante possède ce pouvoir de vie et de mort, de ressac des existences ; une une symbiose marine, tu pactises avec les lycéens d’Ansan, exactement du même âge que toi.
    Oui, renflouons le Sewol, dans le dédale des cales et des cabines, poursuivons l’enquête sur les causes du naufrage. Durant les seize mois nécessaires au renflouement, laissons les consciences se préparer à l’émergence des responsabilités, culpabilités, impuissances, négligences, dans la croyance d’une équivalence entre procès et vérité. De quoi s’agit-il d’accoucher ?
    Mon frère, ma vie, qui sait ce qu’il est question de demander à une mer de sagesse, pleine de ses corps d’enfants.
    Il y a trois sortes d’êtres ; les vivants, les morts et les marins selon Aristote, sans oublier les enfants du fond des mers qui jouent dans les courants à imiter les vivants.

     

     

    L'oubli  la mer

     

     

     

     

     

     

     

     

    Danielle Lambert, L’oubli, la mer, Éditions Isabelle Sauvage, Collection singuliers pluriel, 2021, pp. 37, 60, 61.

     

    _________________________________________________________________________________________________________________________

    DANIELLE LAMBERT 

    Danielle Lambert

     

     

     

     

     

    La fiche de son éditeur → Éditions Isabelle Sauvage 

     

  • Jacques Ancet / Perdre les traces

    <<Poésie d'un jour

     

     

    Ce rire

     

     

     

     

     

     

                                                                                                                                                                                                                            

                             Photo: G.AdC

     

     

     

    Seul, avec le noir de nuit       qui persiste dans
    le jour.         Seul, même avec, à côté,           le
    pied, la main, le visage,               le partage du
    silence,             chaque objet dans son contour.
    Seul avec la voix qui parle.

     

    Le bruit sec que fait la tasse.           C’est bien,
    dit-il, c’est très bien.           Et maintenant que
    fait-on ?     Du jour est tombé un voile      gris.
    Personne n’entend rien    ni ne comprend rien
    d’ailleurs.      Il regarde, il ne voit pas.

     

    Parfois il voit la lumière :  elle vient sans qu’il
    l’attende.     Elle est là sur une feuille,     sur le
    sol ou sur les doigts.    Il ne compte plus.   Les
    nombres       se sont perdus.   Il attend        pro
    nonce un mot – et l’oublie.

     

    Il arrive au bout. Il va         tourner la page, au
    sens propre,        au sens figuré aussi.      Tour-
    ner, oui. Un peu de vent          pourrait l’aider.
    La lumière       tremblante, le bruit du sang
    ou soudain, tout près, ce rire…

     

    Perdre les traces

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jacques Ancet, Perdre les traces, La rumeur libre, 2021, pp.14,15,16,17

     

     


        JACQUES ANCET

    Jacques Ancet
    Source

    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes

    → [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    → 
    Dans l’indéfini (extrait de Chronique d’un égarement)
    → 
    L’égarement
    → 
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    → 
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    → 
    Je reviens
    → 
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    → 
    On voit toujours (extrait de Puesto que él es este silencio)
    → 
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    → 
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    → 
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    → 
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    → 
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    → 
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits Nomadesune page Jacques Ancet
    → 
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet
    → (sur le site de France Culture) 
    Alain Veinstein reçoit Jacques Ancet (Du jour au lendemain, 11 juillet 2011)


  • Florence Saint-Roch / Bouger les lignes

    << Poésie d'un jour 

     

    Nostalgie du couchant

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo: G.AdC

     

     

    L’alizé évince l’autan

    En soudains piqués
    On dérange l’intimité des vagues

    Festins argentés rumeurs de sel
    Ivresses nouvelles

    9.
    Temps couvert ou éclaircies
    On est de toutes les averses
    De tous les courants d’air

    Rien ne nous échappe
    Du cycle des saisons
    Des œuvres de la terre

    Avec quelle attention on regarde
    Ce pays dont on n’est pas

     

    Dans les yeux de certains
    L’absence d’étonnement

    On fait partie du paysage
    Notre plus grande chance
    Notre plus grand dommage

    Et pourtant nos trésors
    Le secret des grands arbres
    Le parfum des écorces
    La nostalgie du couchant

     

    VIII
    L’air chaud arrive
    Muettement emplit l’espace

    Nos ailes s’assouplissent
    On s’équilibre autrement

    Marin ou sirocco
    Sur le dos du désert

    À perte de vue
    Les dunes ondoyantes

     

    Bouger les lignes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Florence Saint-Roch, Bouger les lignes, Œuvres de → Roselyne Sibille, Collection Grand Ours, L’Ail des ours/ n°11, 2021, pp. 41, 42, 43, 44

    ________________________________________________________________________________________________________________________________

     

    FLORENCE SAINT-ROCH

    FLORENCE BIS

    ■ Voir aussi ▼

    → Sur Terres de femmes 

    → Sur Babelio 

     

  • Valérie Canat de Chizy / Les mots dessinent les lèvres

    <<Poésie d'un jour

     

     

     TOILE D'ARAIGNÉE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                                                                                                                                                                                                                                                       

     

     

     

      Ph., G.AdC 

     

     

    être à l’écoute

    de l’oiseau

     

    perché sur le bord
    de mon cœur

    accueillir

    ce que disent
    mes sensations

    me laisser guider
    par elles

     

    ***

     

    les toiles d’araignées

    dans l'encadrement
    de la fenêtre

    les traces de pluie
    sur la vitre

    la poussière
    sur les meubles

     

    disent
    la couleur du temps

     

    ***

     

    je suis toujours

    sensible rêveuse

    enrobée de silence

     

    mes pas me portent
    d’un bout à l’autre de la ville

    je marche

    suspendue dans une bulle

     

     

    Les mots dessinent les lèvres

     

     

                       

     

     

     

     

     

     

                       

                     Valérie Canat de Chizy, Les mots dessinent les lèvres,  dessin Odile Fix, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-dits, 2021



    VALÉRIE CANAT de CHIZY

    Valérie Canat de Chizy

    ■ Valérie Canat de Chizy
    sur Terres de femmes ▼

    → [Je me tiens à une rampe, pour ne pas tomber] (poèmes extraits de Je murmure au lilas (que j’aime))
    → 
    Je murmure au lilas (que j’aime)[lecture d’Isabelle Lévesque]
    → 
    [L’écriture s’étiole] (extrait de Pieuvre)
    → 
    [La clôture est autour] (poème extrait de Talisman)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Jacques André éditeur) la fiche de l’éditeur sur Caché dévoilé de Valérie Canat de Chizy
    → 
    le blog de Valérie Canat de Chizy


     

     

  • Adam Fathi / Le Souffleur de verre aveugle, ses jours et ses travaux

       << Poésie d'un jour

     

                                            Plume bleue

     

     

     

     

     

     

     

     

    Source 

     

                                                    La plume magique                                                                                                           

                                                                     

                                                                    1

     

    À la prochaine guerre (Peut-être ses tambours battent-ils déjà derrière la proche colline) je mettrai mon pipeau dans la main de chaque soldat. Je lui dirai : fais de ce pipeau un crayon. Écris au Général :
    « Ne nous verse pas un autre verre de sang fût-il le tien. Ne nous impose pas la perte d’une autre âme fût-elle la tienne. Ne commets pas pour nous un dernier crime parfait, fût-il celui de te tuer toi-même… »

     

                                                                     2

     

    À la prochaine guerre (Peut-être ses tambours battent-ils déjà derrière le rempart de la ville) je mettrai un crayon à la main de chaque soldat. Je lui dirai : Fais de ce crayon un roseau.
    Ne crois pas à la guerre pour la paix. Dis que tu as tué le monstre en n’allant pas à la guerre. Je ne mettrai pas de verrou sur ta bouche. Je ne te donnerai pas du feu à boire au lieu du vin. Je ne te ferai pas manger la pierre au lieu du pain.

     

                                                                      3

     

    À la prochaine guerre (Peut-être ses tambours battent-ils déjà derrière la clôture du jardin) je mettrai un roseau dans la main de chaque soldat. Je lui dirai : Fais une flûte de ce roseau. Rejoins l’orchestre de la terre.
    Écoute-la chanter :
    « La terre suera pour que nous paissions le froment d’amour et la guimauve des souhaits.
    Le casque du soldat deviendra nid, la matraque du policier archet de violon.
    Qu’importe que cela soit hors de mon lieu. Qu’importe que cela soit hors de mon temps… »

     

                                                                     4

     

    À la prochaine guerre (Peut-être ses tambours battent-ils déjà derrière la porte de la maison) je mettrai les enfants en cercles par terre, là où ils seront en sécurité, chacun tenant à la main une flûte. Je leur dirai : Faites une plume de chaque flûte, et dessinons ensemble des ailes aux racines et des cieux aux ailes. Regardons les rêves et les éléments jaillir en mille couleurs de cette plume magique. Écoutons le roulement des tambours disparaître derrière le poème.

     

    9789938877304_1_75

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Adam Fathi, Le Souffleur de verre aveugle, (Ses jours et ses travaux), traduit du tunisien par Mansour M’henni,
    « Rumeurs de Tunisie » in Rumeurs, Revue semestrielle, La Rumeur Libre Éditions n° 9, Juin 2021, p.178.

                 A D A M   F A T H I

    Adam Fathi

     

     

     

     

     

     

     

    Adam Fathi, de son vrai nom Fathi Gasmi, commence à publier au début des années 1980. Poète, éditorialiste, parolier et traducteur, il met fin en 1991 à sa carrière d’enseignant pour diriger plusieurs pages culturelles de l’opposition. Son œuvre poétique s’est enrichie par un patrimoine chansonnier où la chanson et le poème vont de pair. Entre 2001 et 2008 il anima à la radio et à la télévision plusieurs émissions culturelles.
    Il est l’auteur de plusieurs livres de poésie dont Sept lunes pour la gardienne de la tour (1982), Chant pour la fleur de poussière (1991). Il est en outre le traducteur en arabe de plusieurs livres dont Journaux intimes (Baudelaire-1992), De l’inconvénient d’être né (Cioran-2014). Son livre Le Souffleur de verre aveugle (2011) a obtenu le prix Abou el Kacem Chebbi en 2012.

          → Adam Fathi  /  Festival Voix Vives