Terres de Femmes

Mois : avril 2025

  • Antoine Graziani / Rubrica

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    Visage de pierres

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    " le fragment
    pour l’ombre " 

    Photo: G.AdC 

     

     

    Ombre étroite

    sur le pierres écliptiques
    du gué

    tourment traversé
    nuitamment

    plus grande
    la demeure liquide

    la maison
    de la descente

     

     

    Montagnes
    l’entaille entre :

    a figurare l’imagine
    di –
    sole cinque vocali
    i raggi della stella
    te lie
    rayons d’autorité
    avieo

    et celles, autres,
    qui se séparent
    géminées dans la soif

    de nuit réduite
    à N diagonale
    signant le fragment
    pour l’ombre

    claudicante dans
    le torrent

     

     

    IMG_1889

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Antoine Graziani, « II, Torrents » in Rubrica, Clivages 1989. s.f.

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    ANTOINE GRAZIANI

    Antoine Graziani  portrait
    Source

    ■ Antoine Graziani
    sur Terres de femmes ▼

    Le Jour, in Coïncidences, Éditions Clivages, 2005, s.f.
    → La lumière (poème extrait de Nuit nue)me extrait de Nuit nue)
    → La mort Jean-Baptiste (poème extrait de Saint Jean-Baptiste)
    → [L’ombre des frondaisons] (poème extrait de Fugue)
    → v e r a n o (poème extrait de Translations)

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube) une rencontre-lecture avec Antoine Graziani (Versu Corti, Convergence de poètes vers Corte, 3 avril 2013)
    → (sur Wikipedia) une notice bio-bibliographique sur Antoine Graziani

  • Magda Cârneci / Fugă pentru instrumente necunoscute

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

     

     

    Sur les cimes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photos: G.AdC 

     

     

    1.

    Peste vîrfuri
                apa limpede a ochiului enorm şi tăcut
    privind înapoi, contemplîndu-se
                peste vîrfuri.

    1.

    Sur les cimes
                l’eau limpide de l’œil énorme et silencieux
    regardant en arrière, se contemplant
                sur les cimes.

     

    4.

    Peste vîrfuri, privindu-se,
    creierul îşi aminteşte, îşi mănîncă din sine,
                 calde utopii, culturi carnasiere,
    v-am acoperit cu splendoare şi purpură,
                 vise monstruoase, naratiuni distrugătoare,
    v-am hrănit cu carne, sudoare şi limfă,
    scenografii incendiate, istorii în formă de cruce,
                 v-am îmbrăcat în sînge şi aur,
    divifară privindu-se, creierul, autodafeu fastuos,
                 vaierul lui negru, delirul lui sacadat.

    4.

    Sur les cimes, se regardant,
    le cerveau se souvient, se dévore lui-même,
                torrides utopies, cultures carnassières,
    je vous ai affublées de splendeur et de pourpre,
                rêves monstrueux, narrations guerrières,
    je vous ai nourries de chair, de sueur et de lymphe,
    scénographies incendiées, histoires en forme de croix,
                je vous ai couvertes de sang et de bronze,
    se regardant du dehors, le cerveau, autodafé fastueux,
                on entend ses sanglots, son délire saccadé.

     

    7.

    Aud voci, văd strigăte şuierătoare, divine comedii
    răsar şi apun, universuri identice se surpă în sine,
    paradisuri, infernuri, locuri tenebroase de trecere,
        cloporte de eter ne macerează sinapsele ;
    ascult hohotul deşucheat al bătrînei apocalipse
        ce se repetă etern, neauzită şi neînțeleasă,
    cu o ciudată tandreţe, o tandrețe distrugătoare,
        încerc să vorbesc pe cînd limbile tac,
    cuvintele au rămas departe în urmă, înalte grămezi de nisip ;
         aud doar tăcerea insuportabilă
         a unei noi frumuseți
    pe care nimeni n-o vede, deşi e orbitoare,
         aud ecoul unei corzi neatinse de nimeni
    decît de propria ei singurătate.

    7.

    J’entends des voix, j’aperçois des mots scintillants, divines comédies
    se lèvent et se couchent, des univers identiques s’effondrent sur eux-mêmes,
    des paradis, enfers, ténébreux lieux de passage,
         des cloches d’éther nous macèrent les synapses ;
    j’écoute le grondement éhonté de la vieille apocalypse
         jamais entendue, qui recommence sans cesse,
    avec une étrange tendresse, une tendresse destructrice,
         j’essaie de parler tandis que les langues se taisent,
    les mots sont restés loin derrière, de hauts tas de sable ;
         je n’entends plus que le silence insupportable
        d’une nouvelle sorte de beauté
    que personne ne voit encore, bien qu’elle vous aveugle,
        j’entends le frémissement d’une corde
    touchée par personne d’autre que son immense solitude.

     

    MAGDA CARNECI

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Magda Cărneci, Fugă pentru instrumente necunoscute, Traduit du roumain par Linda Maria Baros avec l’auteure, Carnetele apropierii / Cahiers de l’Approche, quatorzième automne, 2024.

     

     Voir aussi sur Terres de Femmes

    Anthologie poétique:   Magda CÂRNECI → Culte postmoderne

     

    Lectia-de-istorie-14

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Francis Coffinet / Je suis de la maison du songe

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Varan

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    © Gerard Lacz / Rex Featu/REX/SIPA

     

     

     

     

    Je garde dans mon rêve la mue d’un serpent.

    Je me tiens debout en guerrier immobile.

    J’ambre,

    comme le font les enfants

    qui grimpent si facilement

    dans l’arbre du sommeil.

    Je suis de la maison du songe,

    avec grande pratique de lémuriens et de varans. 

     

    **

     

    J’ai le cheminement

    lent                    lent

    lent de ces animaux

    qui ont vu croître la terre

    ceux du clan de la lave tiède

    si sûrs de leur merveille.

     

    **

    J’ai toujours avec moi quelques cônes d’enfance

    que je fais brûler contre ton corps. (p.195)

     

    **

     

    La mémoire filtre la boue des fleuves.

    Les horloges ne parviennent plus à entrer dans le temps,

    à peine se glissent-elles dans un doigt.

    On répète alors de très petits gestes :
                       un alphabet pour l’ongle

    datation du vivant par résonance
                              de l’os et de l’épine.

    On attend l’extraction physique d’un monde et d’une âme

    qui seraient contenus dans les nôtres. 

     

     

    SONGE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Francis Coffinet, Je suis de la maison du songe, Éditions Unicité 2020, pp.17, 71, 195, 203.

    Voir aussi sur   TdF 



  • Tatsuo Hori / Le vent se lève

    Lecture

     

     

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    Version originale en Japonais 

     

     

     

    Au mois d’avril Setsuko parut entrer dans une phase prolongée de convalescence. Plus l’amélioration était graduelle et lente, plus elle nous paraissait assurée, et plus nous reprenions, sans nous l’avouer, confiance.
            Sur ces entrefaites, un après-midi, alors que je venais de rendre visite à Setsuko, je la trouvai seule dans sa chambre, son père s’étant absenté. Ce jour-là, au lieu des vêtements de nuit qu’elle ne quittait presque jamais, elle avait mis une blouse bleue. Quand je la vis dans cet état, je m’employai de toutes mes forces à l’attirer dans le jardin. Une petite brise soufflait, mais elle était si douce qu’elle ne faisait que rendre l’air plus agréable. Souriant avec timidité, Setsuko finit par se laisser convaincre. S’appuyant contre mon épaule, elle s’avança d’un pas précautionneux à travers la porte vitrée et s’aventura sur la pelouse. Nous nous dirigeâmes vers les massifs d’arbustes qui longeaient la haie et où, dans un désordre foisonnant, entrecroisant leurs branches au point qu’on ne pouvait les distinguer l’une de l’autre, se mêlaient les espèces les plus variées, dont certaines étaient étrangères. Ici ou là dans ces fourrés, des bourgeons blancs, jaunes, mauve pâle semblaient maintenant sur le point d’éclore. Je m’arrêtai devant l’un de ces arbustes, me rappelant soudain que, l’automne dernier sans doute, Setsuko m’en avait appris les noms.
          « Ceci, c’est du lilas, n’est-ce pas ? lui dis-je, mi- affirmatif mi-interrogateur, en me tournant vers elle.
            -Je crois bien que non, dit-elle un peu ennuyée, posant légèrement sa main sur mon épaule.
            -Ah bon ? Alors, ce que tu m’as appris n’est pas exact ?
           -Je ne savais pas, j’ai répété ce qu’on m’avait dit. De toute façon, je ne trouve pas ces fleurs particulièrement belles.
           -Comment ! C’est au moment où elles s’apprêtent à fleurir que tu dis ça ! Mais alors, celles-là non plus… »
           Je montrai du doigt l’arbuste voisin.
           « Comment s’appellent-elles déjà ?
          -Les cytises ? demanda-telle à son tour.
    Nous étions maintenant devant cet autre arbuste.
        « Ce sont de vrais cytises. Tu vois, il y a deux sortes de boutons : les blancs et les jaunes. La variété blanche est, paraît-il, très rare. Mon père en est très fier. »
          Tandis que nous échangions ces enfantillages, Setsuko avait gardé sa main sur mon épaule et s’appuyait toujours contre moi, moins par fatigue que sous l’effet d’une sorte d’ivresse.
         Nous restâmes longtemps silencieux…comme s’il était possible de prolonger ainsi, même un instant, cette vie remplie de couleurs et de parfums des fleurs. De temps à autre, une douce brise s’échappait, telle une expiration contenue, à travers la haie. Elle venait, tout près de nous, soulever légèrement les feuilles des massifs et passait son chemin, nous laissant dans une solitude absolue.

     

    Le vent se lève

     

       

     

     

     

     

     

     

     

     

        Tatsuo Hori, Le vent se lève, Traduit du japonais par Daniel Struve, L'ARPENTEUR, ©Éditions  Gallimard 1993, pp. 23, 24, 25, 26.

     

     

  • Marianne Desroziers / UnicA ou le morcellement

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    LA VRAIE UNICA

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Unica Zurn (1916-1970)
    autrice et dessinatrice allemande,
    compagne de Hans Bellmer, schizophrène et suicidée.
    Source 

     

     

      UnicA : elle n’a   que ce mot-là à la bouche,   un mot
    simple en apparence   – 5 lettres, 3 syllabes – pourtant
    le mot s’échappe,   s’étire en volutes de fumée, le mot
    volette en papillon
       I : le corps du papillon
       Un et Ca : les ailes
       C’est un papillon jaune, un citron de Provence, le
    plus beau.

      Le papillon cherche un endroit où aller, il aimerait se
    poser sur la bouche   d’une petite fille,  dans un dessin
    de H., genoux écorchés, elle sent la fraise et la vanille,
    une odeur    de bonbon     colle     à ses vêtements, une
    fragrance    plus épicée grandit en son milieu, mélange
    de sous-bois et d’étang.

      Le papillon jaune     aime   les petites filles effrontées
    car elles seules   ont la grâce et la pureté,    elles seules
    expérimentent   la liberté du jeu,  ribambelle de petites
    filles sans l’esprit de l’Homme-Jasmin,   elles font des
    bêtises,  prennent des risques,    parlent à des inconnus
    croisés dans la rue, certains leur montrent   leur SEXE,
    elles s’en fichent, se moquent d’eux et de leurs  petites
    limaces, elles les font pleurer, elles en rient encore plus
    fort.

      Les petites filles    sont cruelles,    grimpent    partout,
    mettent   tout     à la bouche    même    si     ça   semble
    dégoûtant,    elles crachent    si nécessaire. Quand elles
    jouent à la VIE,   elles oublient   le jour et l’heure, tout
    occupées     à leurs jeux,    elles cuisinent     des festins
    pour    des amies imaginaires     avec  pour ingrédients
    terre/  cailloux/   feuilles/ fruits du tilleul/ vers de terre.
    Elles servent     les plats     dans leur plus belle dînette,
    mettant    les petits plats    dans les grands pour
    impressionner l’adulte invité.   Les petites filles savent
    y faire,   elles ne sont pas innocentes,   déployant    des
    trésors    d’imagination     pour charmer      les adultes,
    surtout    les adultes mâles.     Les petites filles veulent
    qu’on les aime – comme tout le monde.  Elles utilisent
    ce qu’elles ont :    leurs sourires enjôleurs,  leurs petits
    corps mignons,    leurs mots doux.   Elles imitent leurs
    mères. Les petites filles mènent le monde à la baguette,
    elles apprennent tôt   à manipuler,    à être capricieuses,
    coquettes, colériques.   La société les formate      dès le
    jardin d’enfants […]

       unicA s’appelle NorA
       unicA est le personnage construit par norA, son
    double artiste, son double écrivain
       norA est celle qui subit
       unicA est celle qui agit
       unicA a réussi
       unicA a effacé norA
       unicA veut la gloire
       unicA veut l’argent
       unicA : femme-oiseau, long cou gracile, flamant
    rose /héron/cygne
      unicA : femme-poisson aux mille reflets impossible à
    pêcher
      unicA : le silence
      unicA : un message crypté
      unicA : femme-arbre aux larges ramures pour mieux
    se cacher
      unicA : femme-serpent ondulante, aies confiance,
    dit-elle
      unicA : femme-nombre, 99
      unicA : femme lettre, M
      unicA : femme-enfant, nostalgie pour la contrée des
    vertes amours enfantines
      unicA : femme-miroir brisée en petits morceaux –
    dans chacun, un œil nous regarde

      unicA se souvient     de ce qu’elle a vécu,   invente ce
    qu’elle voudrait    vivre. Elle puise   dans ses lectures /
    observations/ conversations. Comme le facteur Cheval,
    elle récupère   de la vieille vaisselle. De ces rebuts elle
    fait un PALAIS.   Elle fouille dans les poubelles. Va de
    maison   en maison    récupérer      des vieilles choses :
    meubles/  bibelots/    vêtements,   drames personnels/
    secrets de famille,    violence     conjugale/    inceste,
    maladies honteuses/   filles perdues/      avortement/
    internement.    Elle écoute,    regarde, elle a  appris à
    décrypter les signes, elle sait décoder les attitudes, les
    larmes retenues,   la colère prête à sauter au visage du
    premier venu, les regrets    qui plombent le corps, les
    remords qui rongent l’âme, le désespoir qui fragilise,
    la résignation qui immobilise la volonté.

    Elle récupère     tout ça    dans un grand sac,    rentre
    chez elle,    s’installe  sur la table de cuisine, déballe
    tout, aux matériaux de seconde main, elle ajoute des
    souvenirs/ fantasmes personnels, commence le travail
    d’anagrammes/ patchwork/   mosaïque avec tous ces
    morceaux de vie épars.

     

     

     

    IMG_1857

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Marianne Desroziers, poésie, UnicA ou le morcellement, Préface Philippe Labaune, illustration Armelle Le Golvan,
    Éditions Sans Crispation, 2025, pp.71, 72, 73, 74.

     

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    UnicA ou le morcellement est un hommage rendu à l’artiste-poète Unica Zurn dont l’œuvre graphique et littéraire a séduit les surréalistes. Compagne de Hans Bellmer, elle fut internée à plusieurs reprises et mit fin à ses jours à Paris en 1970. Marianne Desroziers prend ici le parti d’en écrire un livre, ou disons-le, un poème, voire un récit où « tout serait inventé et où tout serait vrai »… « Quelque chose d’écrit qui serait comme la trace » qu’Unica aura laissé sur nos âmes, mais aussi nos corps. Un livre « sororal » qui, comme dans « Sylvia, ou la fille dans le miroir » (un hommage cette fois rendu à Sylvia Plath) nous fait pénétrer l’univers hors norme d’une femme fragmentée…

     ALCA ( → Agence  Livre  Cinema et Audiovisuel )

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  • Jean-Louis Rambour / Bleu Roi

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    600

    Dessin de Germain Roesz

     

     

     

     

    Sur la vitre nous effacions le ciel. Pourtant
    restaient des bandes de bleu roi, comme
    imprimées par le rouleau d’un peintre.
    c’étaient d’étroits lés de tapisserie encore posés,
    des lambeaux subsistant sur la vitre.
    Nous la gommions toujours des mêmes gestes
    mais toujours insistaient des silhouettes,
    du ciel demeurait un couple. Face d’homme
    presque noire, orage sur les arêtes du nez
    et la ride du lion. Orage des yeux de femme,
    ses yeux, ses cheveux, son sourire,
    sourire pourtant noir, foulard au cou
    pourtant noir, aisselle d’algues noires.
    Ciel découpé en couple et, de l’homme,
    la verge de bleu sombre, alimentée
    de sang bleu. Gestes pourtant répétés,
    nous ne pouvions effacer nos images,
    un papier carbone reproduisant nos âmes.

     

    IMG_1836

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Rambour, Bleu Roi, Dessins et peintures de Germain Roesz, Les parallèles croisées, Les Lieux-Dits 2024, p.64.

     


    JEAN-LOUIS RAMBOUR

     

    Jean-Louis_RAMBOUR

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph. © Jean-Louis Rambour

     

    ■ Voir sur Terres de Femmes

     Jean-Louis Rambour | poèmes-diapos


    ■ Voir aussi ▼

    Le Travail du monde, 100 poèmes-diapos, éditions L’herbe qui tremble, 2020
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean-Louis-Rambour
    → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble) la fiche de l’éditeur sur Le Travail du monde de Jean-Louis-Rambour

     

     

     

  • Friedrich Hölderlin / La Mort d’Empédocle

                                                                                                         << Poésie d'un jour

     

     

                                                      PAUSANIAS
    J’attends ton ordre.

                                                     EMPÉDOCLE
                                           C’était mon dernier ordre,
    Pausanias, mon règne ici s’achève.

                                                     PAUSANIAS
    Père, conseille-moi !

     

                                                  EMPÉDOCLE
                                            J’aurais sans doute
    bien des choses à te dire, mais je veux me taire,
    déjà ne se sert plus du dialogue des mortels, ne
    se plie à la vaine parole, ma langue.
    Vois-tu, ami ! tout change ; plus légère bientôt,
    plus libre, ma respiration, et de même que la neige
    sur les hauteurs de l’Etna se réchauffe, étincelle
    au soleil, se libère en ruisseaux du sommet, déploie
    en arc, où chute leur vague, l’aile de joie d’Iris,
    de même mon cœur ruisselle, déferle, et loin
    résonne ce que le temps pour moi amassait.
    Le pesant tombe, tombe, et limpide
    au-dessus éclôt, éthérée, la vie.
    Chemine avec courage, mon fils, sur ton front
    ma lèvre dépose des promesses,
    là-bas émergent de l’ombre les monts italiens,
    la terre romaine, fertile en prouesses, fait signe,
    tu sauras t’épanouir là où les hommes
    joyeusement s’affrontent dans l’arène,
    ô cités de héros, là-bas ! et elle, Tarente !
    Aux portiques fraternels où si souvent j’allais,
    avec mon cher Platon, enivré de lumière,
    quand pour nous, adolescents de l’École sacrée
    l’année et chaque jour apparaissaient neufs.
    Visite-le aussi, ô Fils, porte à l’ami ancien
    mon salut, auprès de son fleuve natal,
    des rives fleuries de l’Ilissos, sa demeure.
    Si ton âme alors n’aspire pas au repos, va
    plus loin, interroge mes frères d’Égypte.
    Là tu entendras le grave jeu des cordes
    d’Uranie, la modulation de ses accords.
    Eux t’ouvriront le livre du destin.
    Va ! n’aie crainte ! toute chose un jour revient.
    Déjà est accompli ce qui va devoir advenir.
                                    (Pausanias sort)

     

    Friedrich Hölderlin, LA MORT d’EMPÉDOCLE, Troisième version/ Acte I, scène II, Traduit de l’allemand, présentation et chronologie de l’œuvre par Jean-Claude Schneider, suivi de Fondement pour Empédocle, Traduction de l’allemand et annotations par Clément Layet, Postface de Clément Layet,
    Le Bruit du Temps,2025, pp.171, 172.

     

    Holderlin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Salvator Rosa, La Mort d'Empédocle, huile sur toile,
    entre1665 et 1670. Collection privée.

     

  • Margherita Rimi / Era farsi / Entre les mains des mots /Traduction d’Irène Duboeuf

    Poésie d'un jour
    Traduction de Irène Duboeuf 

     

     

     

    Disgrafia esempio bis(1)(1)

     

     

     

     

     

    " … dalla disgrafia delle tue ossa …"  photo: Google image 

     

     

    Da intitolare

     

    alla Sicilia

     

    I

    Mi dicono di scriverti più in bella
    ma io ti conosco così
    dalla disgrafia delle tue ossa

    dalle radici di mandorlo di notte a questo vento
    da dove esiste tutto questo mare

    E tutte le parole che hanno perso
    che qualcuno fa brillare

    Tu l’hai detto :
    « da una sillaba scoperta »

     

     

    II

    Cominciano. Stanno cominciando.

    Alcuni ci sono. Ci sono

    altri

    Una storia deve venire

    Tutta vera-questa-tutta sbagliata

    Mezza vera-questa-mezza sbagliata.

     

    Isola

          a Leonardo Sciascia

     

    I

    Ecco come si avvicina il tempo
    in tempi che non valgono la pena
    Cosa mi tocca dire :

    Una parola. Una lingua che già so.

    E ad ogni giro
    e conto di leggi calcolo di mano
    cambio di verità e di ragione.

    Cosa mi tocca fare :

     

    II

    Forse era vero
    Da questa parte si cade allo scoperto
    dove si conta tre-quattro e per un’altra vita

    Da questa parte :

    « Battimuro » « Battipaura »

     

    ERA FARSI

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Margherita Rimi, Era farsi, Autoantologia 1974-2011, Prefazione di Daniela Marcheschi, Marsilio Editori, 2012.

     

     

    _______________________________

     

    À intituler

                        à la Sicile

     

    I

    On me dit d’embellir ce que j’écris
    mais c’est ainsi que je te connais
    par la dysgraphie de tes reliques

    Des racines de l’amandier dans la nuit jusqu’à ce vent
    qui donne vie à cette mer

    Et tous les mots que l’on a perdus
    que quelqu’un fait briller

    Tu l’as dit :
    « à partir d’une syllabe découverte »

     

    II

    Ils commencent. Ils sont en train de commencer.

    Il y en a quelques-uns. Il y en a d’autres.

    Une histoire doit être

    Complètement vraie – celle-ci – complètement fausse

    À moitié vraie-celle-ci à moitié fausse.

     

     

    La mer couleur de vin - copie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    -La mer couleur de vin – / Leonardo Sciascia
     Image : G.AdC 

    Île

                       à Leonardo Sciascia

    C’est ainsi que le temps se rapproche
    d’une époque qui n’en vaut pas la peine.
    ce que je peux dire :

    Un mot. Une langue que je sais déjà.

    Et chaque fois
    c’est un énoncé de lois un calcul sur les doigts
    un échange de vérité et de raison.

    Ce que je peux faire :

    II

    Peut-être était-ce vrai
    De ce côté on tombe à découvert
    là où l’on compte « trois-quatre » et pour une autre vie

    De ce côté :

    « Bat-le-mur » « Bat-la-peur »

     

    IMG_1835

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                Margherita Rimi, Entre les mains des mots, Traduction de l’italien : Irène Duboeuf, Éditions du Cygne 2025,pp.38, 39.

     

    MARGHERITA  RIMI

    Margherita Rimi 3
    Ph. © Dino Ignani
    Source

    ■ Margherita Rimi
    sur Terres de femmes ▼

    → “Nero”, Le voci dei bambini, Poesie 2007-2017, Mursia Editore, Collana Argani, 2019,
    → La carezza (extrait de Nomi di cosa-Nomi di persona)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur larecherche.it) une notice bio-bibliographique sur Margherita Rimi
    → (sur Poeti del Parcoune lecture (en italien) des Voci dei bambini par Anna Maria Curci -+ extraits)


     

  • Esther Tellermann / Selon les sources / Lecture d’Angèle Paoli

    Esther Tellermann, Selon les sources,
    Poésie Flammarion 2024,
    Lecture d’Angèle Paoli

     

     

     

     

     

     

     

        

    EMERAUDE

    ← Aquatinte numérique de → G.AdC

     

     

    L’« émeraude » du poème.

     

    « Dans l’amitié poétique » signée par Esther Tellermann, je reprends la lecture de son dernier recueil, Selon les sources. Je l’avais laissé de côté sciemment, sachant combien sa poésie m’engage et combien en même temps qu’elle me fascine, elle me résiste. Il arrive un moment où cela brûle, me brûle et je me lance à lecture perdue dans les poèmes d’Esther, dans son Histoire, dans son voyage. Quitte à me livrer à une approche très personnelle, laquelle n’engage que moi. Et sans doute aussi la poète, derrière et sous mes propres mots. Car c’est à un voyage, qu’elle nous invite ici encore, dans le prolongement des œuvres antérieures. Un voyage à rebours le long d’un fleuve de l’Europe, du delta à la source, du Danube à l’Ister cher à Hölderlin. À une longue migration dans le temps, depuis ses origines. À la fois douloureuse et sensuelle, guerrière et amoureuse. Mystérieuse et indéchiffrable. Secrète et voilée, explorée et exposée à demi-mots. Une Histoire sauvage et insensée, inventée par les hommes, effacée par les hommes. Une légende confrontée à un combat incessant entre profane et sacré. Prise dans les rets d’une éternelle résignation :

    Nous vivions
    dans les ravins
    où sont les mauves.
    Morts nous bercent
    parfois
          ce fut ainsi
    comme simplement
    se défont les
    mains
           comme
    un rivage se
            retire. 

    La langue d’Esther Tellermann est elliptique. Elle nomme mais ce faisant, elle suggère, lève à peine le voile davantage qu’elle ne dit ne traduit n’expose. Entraînant à sa suite, dans cet étrange sillage, qui accepte de la suivre. Faisant surgir l’invisible derrière le visible. Les symboles derrière les mots qui les portent. La poésie derrière l’abondance des images. Elle est langue codée ou cryptée. Comme le sont certains livres auxquels nous opposons nos résistances. Elle fait « signe » cette langue, liée au Livre et au sacré, éminemment poétique, nouée aux tessitures des voix et aux tissages des textes. Au « talit » de Jacques Derrida peut-être aussi. Selon la légende et les récits, selon les croyances, selon les phylactères et selon les « ferveurs ». « Selon les sources ». Indéchiffrables et secrètes comme les psaumes qu'elles nourrissent. Celles auxquelles la poète et les siens se réfèrent sans les nommer ; ou que l’on invoque. Selon les témoignages et les attestations qui se manifestent en cours de chemin. Selon « des fragments visibles ». Il arrive que la lectrice – conviée dans le mystérieux compagnonnage que déroule la poète dans son souffle – se perde elle aussi, entre les rivages les déserts les montagnes les marais, au milieu des 7 continents. En un centre existentiel qui se dérobe et qui, pourtant, guide la poète tout au long de sa quête cyclique. Immémorielle.

    Cette étrange épopée à travers le temps et l’espace se déroule en deux parties, la première n’occupant qu’une vingtaine de pages, la seconde, une centaine. Les ponts existent entre ces deux parties, tant sur le plan des images récurrentes qui les façonnent que sur le plan de la forme des poèmes. Une forme dense et condensée à laquelle tout lecteur d’Esther Tellermann est habitué. Il est d’emblée question d’attente, de légende, d’archipel et de centre. En deux strophes et en quelques vers très brefs (8), La poète plante un univers dans lequel se profile une genèse, fondée sur une naissance – incomplète (première strophe) – à laquelle vient s’ajouter de manière hypothétique « la touffe de gentianes » à laquelle est lié le temps. La flore, dans sa diversité, fleurs et arbres, corolles et pétales, est omniprésente dans les poèmes qui constituent ce singulier voyage. Jusqu'à l'humble liseron ; jusqu'aux fleurs saxifrages et aux mousses nourries par les volcans.

    À cette « idée de végétal » vient s’associer en contrepoint le monde minéral, qu’il soit naturel ou culturel. Schistes, micas et sables ; tombes et temples, rinceaux et murailles. « Les argiles » et « les autels. » Ainsi se noue l’attelage entre les mots et les mondes, les figures et leurs représentations. Le poème, dans son ensemble, au poème d'ouverture.

    Nous attendions
    le nom de la légende.
    Au centre de la
         mer
    émergea l’archipel.

    Il faudrait ajouter
         à l’image
    le temps
    la touffe de gentianes.

    De ce poème initial vont naître les suivants, dans la succession de nuits et de jours, de manifestations éruptives, géologiques et volcaniques, et de venues au monde des plantes et du minéral ; puis celui des humains, croyances et combats. Où l’on retrouve – modifiée par la poète – la célèbre formule de la Genèse : « Il y eut une nuit / Il y eut un matin ». Ici :
    « Il y eut encore / des chemins », répétée par deux fois, en fin de poème d’abord puis en ouverture du poème suivant. Ces répétitions qui se lisent d’un poème l’autre et lient souvent un poème à un autre, sur deux pages en regard, jouent un rôle incantatoire omniprésent. Tant dans la progression de la marche des migrants ou du peuple non nommé qui avance dans son histoire, à la recherche de preuves et de rituels, de narratif et de gestes, que dans la lecture qui me pousse à poursuivre ma propre quête, bercée et portée par la musique intérieure du recueil. La geste de la création se poursuit, dans un présent de narration inattendu, avec sa succession d’événements, de brisures, de rites. « De césures et de strates ». Déjà au cœur de cet avènement se manifestent la « fracture », la violence, le désastre à venir. « Les pluies noires », les sacrifices et le sang. L’ensemble accompagné d’un langage qui s’inverse, s’éclope, se dérobe. Émerge dans la solitude comme des écueils en pleine mer :

       Mots étaient à
          rebours
    ne libéraient
        leur ombre. 

    Au milieu du tumulte, le « nous » se berce d’illusions, cherche refuge dans les rituels. Mais l’esprit a disparu :

        Avions vidé
         la lettre et
                  le vœu
         d’innocence. 

    Dès lors, l’être originel est supplanté par le faire. La race caïnite des bâtisseurs prend le dessus, organise, superpose, calcule, construit. Tout se met en place pour que disparaissent dans l’oubli « les strates d’argile » ; pour que l’abondance de biens et l’or recouvrent désormais « l’exactitude » de la terre originelle. Pour que la résignation l’emporte devant l’exigence des faits. Du passé ne restent que des traces, devenues indéchiffrables. De cet univers exigeant mais tranchant et douloureux, surgissent les nombres. Dont la présence obsède déjà les « premiers voyageurs ». Les nombres rythment le poème et conduisent les hommes. Le 4 d’abord – « je ne pus /ouvrir la perle / coudre les bassins / me reposer dans/ta blessure / aller encore/plus bas… » ; et plus avant dans l’exploration des signes, « les 4 génuflexions » ; mais aussi le 5 – « Au milieu du / cinquième jour » ; ou plus implicitement dans cette affirmation : « Nous nous épousions / un jour de semaine, avec la couronne /et le sang. » Le 3 cherche sa place. Présence qui fait effraction : « la source/ avec la floraison/ le collier de corail/ sous la chaux/ la brindille… ». Ou encore: « Qui ce jour consacre / les nourritures/ écorche /les certitudes/ imprime la trace? ». Ce 3 dans lequel se glisse le « je ». Un « je » en quête d'indices de présence. Se métamorphose en 4 noms. Ce qui, si l'on inclut le « je », aboutit au chiffre 5. Ainsi surviennent Héléna, Ariane, Ophélie, Béatrix. Ces quatre héroïnes associent leur énigme à l'énigme originelle du « je ». Leur mystère et leur effluve. Leur geste, égarée dans leur chant. Elles ajoutent à l'Histoire d’autres légendes et d’autres mythes. Héléna (princesse de Sparte ?), Ariane (sœur de Phèdre, princesse mortelle séduite par Thésée ? « Ariane , ma sœur, de quel amour blessée… »), Ophélie (Shakespeare – Hamlet ?) -, Béatrix (Dante ?). Promesse de noces aussi dans lequel le « je » tente de s’immiscer. Ne serait-ce que par l’imagination :

    « J’inventais des noces. / Vous étiez /Héléna/ ou lui/ gouverné / par l’étoile / célébrant / les narrations/ et les rouleaux. » (47) // « Ce jour/j’inventais/ des noces/ Héléna ou vous/gouverné. (54)

    Plus que des icônes, ces sœurs en infortune forment une constellation dont la présence et les métamorphoses, de l’une à l’autre, rafraîchissent et le souvenir réconforte. Une alliance sororale, de destins et de rêves, de désir et de quête. Il faut progresser encore pour lever le voile (partiellement) sur le « gouverné ». Par qui ? Par Héléna ou par Dieu ? Ce pourrait être un Prince ; un puissant … un scribe peut-être… « Un jour il / y eut celui / qui fut gouverné. Il façonnait/ les plâtres/ répétait la légende/ afin qu’elle soit / devenir/ entre toi/ crécelles de secondes/ emplies d’antiennes / de mains ouvertes. » Ce pourrait être aussi un architecte, un constructeur de temples et un prêtre. Les trois ensemble n’étant pas incompatibles. Versés qu’ils sont dans l’interprétation des signes du ciel et capables de les mettre en œuvre sur terre.

    « Sur les façades
    on racontait
    le songe
         du sacrifice.
    Puis l’on construisit
         le temple.
    Sur le parchemin
    on put dater
          votre tourment
    au regard des 3
          solitudes

    le corps se fit
         plus léger
         dans l’ascèse.

    Le « je » cherche à témoigner de ce qui se voit et se perçoit. À rendre compte de son désir et de la source qui le génère. Des « impulsions » se manifestent par l’entremise des femmes qui soudent « les 3 solitudes ». « Nous dûmes / contourner les nuages/ Héléna votre / pulsation » (62) ; « Afin qu’un/ fut / 3/ je regardais / votre / échancrure / vous fit sourdre / des chemins /et des pierres. / Béatrix vous /impulsiez ses / lignes avec les / frontières/ les rêves d’étangs/ et de feuilles. » C’est un « je » amoureux, sensible, assoiffé. En quête d’une étreinte perdue éperdue ; un « je » souvent elliptique, qui s’efface et ne se dit que dans la désinence verbale :

     Voulais vous
    couvrir des
    chasubles des rois

           vous clouer
           à ma peau . 

    Se lit en filigrane un aveu qui cherche le lieu de son emprise. Qui se berce dans le souvenir et dans le manque. « Je me rappelle/ un profil une /main le détail/ de la voix. Je vous prolongeais /dans le songe /et l’attente… » Parmi tous ceux qui marchent dans le temps et dans l’espace émerge une figure, dont il est difficile de cerner les traits.

    Me manque votre
        ciselure.
    Vous étiez
    la fille
    celui que
    dessine le vent…

    et quelques pages plus loin :

    On attesta […]

    encore des
    printemps      avec
    la fille     et
    les passages.

    De la relation complexe que tisse la poète avec son passé, son histoire qui est aussi sans doute celle des siens et de tant d’autres, reste le désir d’une perfection pressentie ou peut-être vécue, une « ciselure » enfouie dans les strates de la mémoire. Une perfection dont il ne reste que les « copeaux » et qu’accompagne la « déchirure ». Le temps du détachement est venu, d’avec les autres, d’avec les désirs et les ferveurs du passé, auxquels on avait cru. Un futur se dessine qui s’affirme et se précise :

     Je partirai
    un soir de
         semaine
    dans la sève
    et l’écume.  

             ***

     Je partirai
        un soir de
        semaine
        dans la lisière
    de chaque blessure.  

    Dès lors, face à l’impossibilité de nouer des liens entre les « pôles », il ne reste qu’une décision à prendre. Se défaire de tout ce qui avait fait signe jusqu’alors – icônes refrains rouleaux rites…- et ne garder que cette « ciselure ».

    L’« émeraude » du poème.

    ________________________________

     

    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

    ________________________________

     

     

    Selon les sources

     

    ESTHER   TELLERMANN

    Esther Tellermann

    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes ▼

     

    Selon les sources, poésie, Éditions Flammarion 2024
    → Nos racines se ressemblent, Traduction et Reflets de Michael Bishop,
       Éditions VVV Editions, 2022
    → Corps rassemblé (lecture d’AP)
    Corps rassemblé, éditions Unes, 2020, pp. 91-94. Vignette de couverture de Claude Garache.
    → [Jours firent de toi ma teinture] (poème extrait d'Afin qu’advienne)

    → Carnets à bruire in Europe, revue littéraire mensuelle, juin-juillet 2011, n° 986-987
    → Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    → Éternité à coudre (lecture d’AP)
    → [Un écho    un roman] (poème extrait d’Éternité à coudre)
    → Voix à rayures (poème extrait du Poème Meschonnic)
    → Première version du monde (lecture d’AP)
    → Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
    → [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
    → Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    → [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    → [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
    → [Onde] (poème extrait de Voix à rayures)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue de littérature et de critique Le Nouveau RecueilL'indécise exactitude de la terre : Esther Tellermann, par Michaël Bishop
    → (sur Remue.net) François Rannou / « D’où un homme est-il visible ? » | une approche de la poésie d’Esther Tellermann
    → (sur Recours au poèmeune lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP

  • Emmanuel Merle / Brasiers

    << Poésie d'un jour

     

     

     

    LICHEN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo: G.AdC 

     

     

     

     

    Le lichen, c’est ta soif

    Lorsque le sentier devient pierrier,
    que tout n’est qu’écoulement instable,
    les pierres plus larges que le pied,
    alors ton pas bondit,
    élastique, ton corps pèse moins.

    Les pierres te choisissent.

    Elles ouvrent un passage
    et tu te hâtes, poussé
    par ce qui se referme derrière toi.
    Presque tu marches sur l’eau.

    Les algues microscopiques
    qui colorent le lichen se souviennent
    d’une mer ancienne, énorme et vivante.

    L’eau, c’est toi.

    Ta soif rencontre dans la montée
    le saignement clair et hasardeux
    qui suinte sous la rocaille.

    La peau des pierres, hydratée,
    le sentier, là, comme une veine gonflée.

    La peau de la pierre est merveilleuse,
    le lichen recouvre son intimité.

    Tu marches,
    le lichen, c’est ta soif.

     

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    Emmanuel Merle, « Juillet, le sang de l’été » in Brasiers, Peinture de couverture (détail)©Emmanuel Merle, La rumeur libre ÉDITIONS, 2025, pp. 27, 28.

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     EMMANUEL   MERLE 

    Emmanuel-Merle

    Source 

    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes ▼

    → Avoir lieu, L’Étoile des limites, Collection Parlant Seul 2023 (Lecture d’Angèle Paoli)
    → Emmanuel Merle, Avoir lieu, Vignette de couverture : Philippe Marie, L’Etoile des limites, Collection Parlant Seul 2023
    → Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    → Démembrements (lecture d'Angèle Paoli)
    → Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Dernières paroles de Perceval (lecture d’Angèle Paoli)
    → [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    → Amère Indienne
    → [Cape Cod]
    → Le Chien de Goya (lecture d’Angèle Paoli)
    → Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    → Migrant (extrait d’Habiter l’arbre)
    → [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    → [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait de Olan)
    → Tourbe (lecture d’AngèlePaoli)
    → [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    → [Une promesse, dis-tu]
    → Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature]) une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle