Terres de Femmes

Mois : juillet 2009

  • Terres de femmes ― Sommaire du mois de juillet 2009





    TDF - juillet 2009
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS DE JUILLET 2009


    Terres de femmes ― Sommaire du mois de juin 2009
    Murale VI (Angèle Paoli)
    Murale VII (Angèle Paoli)
    Angèle Paoli/Guidu Antonietti di Cinarca/Murales (Angèle Paoli – G.AdC)
    Jeanne Bastide, Un silence ordinaire (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Hyam Schoucair Yared/J’accepte mon visage
    Seyhmus Dagtekin/Je voudrais
    Danielle Fournier/ton prénom
    Vangelis Kassos/Erysichton
    Giovanni Dettori/Nostos II
    10 juillet 1914/Apollinaire, Dessins d’Arthur Rimbaud
    11 juillet 1914/Lettre de Paul Morand à sa mère
    Fabio Pusterla/Au-delà des vagues
    12 juillet 1972/Œdipe Roi et Œdipe à Colone au Festival d’Avignon
    Livane Pinet/Traces
    14 juillet 1997/Yves Charnet, Notes fantômes (inédit)
    Judith Chavanne/Un rire quelque part
    Myriam Montoya/Je reviens au jardin de l’enfance
    17 juillet 1900/Isabelle Eberhardt à Marseille
    Margherita Guidacci/Cumana
    19 juillet 1957/Henry Miller écrit la préface de Justine de Lawrence Durrell
    20 juillet 1945/Mort de Paul Valéry
    Anne-Marie Garat, Hongrie (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Luis Mizón/L’exil
    23 juillet 1979/Mort de Joseph Kessel
    Cole Swensen/Une expérience simple…
    Pierre Guyotat, Ashby (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Claude Esteban/Bleu, bleu surtout
    Sur la silice des mots (Angèle Paoli)
    Benoît Conort/De l’ombre et de sa nuit
    29 juillet 1935/Walter Benjamin, Hachich à Marseille
    30 juillet 1989/Henri Bauchau, Jour après jour



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  • 30 juillet 1989 | Henry Bauchau, Jour après jour

    Éphéméride culturelle à rebours



    Hier soir- Conrad me telephone.Il faut revenir a l-initial.
    Tom Wesselman [ou Wesselmann] (1931-2004)
    Still Life 56, 1967-1969
    (installation en trois éléments)
    Cendrier et cigarette, 240 x 160 x 45 cm
    Collection Mamac, Nice
    Ph., G.AdC






    IL FAUT REVENIR À L’INITIAL


    30 juillet



         Hier soir, Conrad me téléphone. Il a lu le manuscrit précédent de mon livre et me dit : « Il faut couper résolument tout ce qui est commentaire. Ton livre est un grand poème, qui n’a pas besoin d’explications. Il faut aller directement au but. »
         Cette conversation très amicale a été aussi très éclairante et m’a fait réfléchir. Je ressens cet entretien comme une poursuite, vingt ans après, de mon analyse avec Conrad. En me disant « Il faut privilégier le poème », il a fait une interprétation qui m’a permis d’entendre ce que je savais déjà sans parvenir à me le formuler. Il m’a montré que le conscient a voulu faire un autre livre que l’inconscient. Il faut revenir à l’initial.


    Henry Bauchau, Jour après jour, Journal d’Œdipe sur la route (1983-1989), Actes Sud, Collection Babel, 2003, page 412.





    HENRY BAUCHAU


    Henry Bauchau
    Source



    ■ Henry Bauchau ▼

    sur Terres de femmes

    Diotime
    Passage d’Antigone
    Le sel (poème extrait de Blason de décembre)
    22 janvier 1913 | Naissance de Henry Bauchau



    ■ Voir aussi ▼

    le site du Fonds Henry Bauchau


    Pour entendre la voix de Henry Bauchau,
    se rendre sur le site Voix d’auteurs





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  • 29 juillet 1935 | Walter Benjamin, Hachich à Marseille

    Éphéméride culturelle à rebours



    La_rue_que_j-avais_contempl-e_si_souvent_est_comme_une_section_faite_au_couteau.
    Marseille : une rue du Vieux Quartier
    (Vieux Port)
    Source






    HACHICH A MARSEILLE


         Marseille, le 29 juillet. ― À 7 heures du soir, après avoir hésité longuement, pris du hachich. J’étais allé à Aix le jour même. Je suis couché sure mon lit avec l’absolue certitude que je ne serai dérangé par personne dans cette ville qui compte des milliers d’habitants où nul ne me connaît. Voici qu’un petit enfant pleure et précisément me dérange par ses cris. Je pense que trois quarts d’heures sont déjà écoulés mais il n’y a cependant que vingt minutes. Ainsi je suis allongé ; je lis et je fume. En face de moi toujours cette vue dans le ventre de Marseille. La rue que j’avais contemplée si souvent est comme une section faite au couteau.
         À la fin je quittai l’hôtel, l’effet ne semblait pas se produire ou semblait devoir être si faible que la prudence de rester chez soi pouvait être négligée. ― Première station, le café coin Canebière et cours Belsunce. Vue du port, le café de droite, donc pas mon habituel. Alors seulement se fait sentir une certaine bienveillance, l’attente de voir des gens s’avancer vers soi avec affabilité. Le sentiment de solitude se perd bien vite. Ma canne commence à me causer une joie intime. On devient tellement délicat : crainte qu’une ombre tombée sur le papier ne puisse le blesser. Le dégoût disparaît ; on lit les affiches sur les urinoirs. Je ne m’étonnerai pas si un tel ou un tel venait vers moi. Mais puisqu’on n’y pense pas, cela ne me fait rien non plus. Pourtant il y a trop de bruit ici pour moi.
         Et voilà que commencent à s’annoncer les prétentions que couve le mangeur de hachich quant au temps et à l’espace. Que ces prétentions soient absolument royales, c’est connu. Pour celui qui a mangé du hachich, Versailles n’est pas trop grand ni l’éternité trop longue. Et, dans le cadre immense d’une nouvelle vie intérieure ― de la durée absolue et de l’espace illimité ― il se fait volontiers complice d’un humour plein de volupté et bienheureux.


    Walter Benjamin, Hachich à Marseille in Écrits français, Éditions Gallimard, Collection folio essais, 1991, pp. 105-106.





    ■ Walter Benjamin
    sur Terres de femmes

    9 décembre 1926 | Walter Benjamin, Voyage en Espagne
    6 janvier 1930 | Walter Benjamin, Rencontre avec Léon-Paul Fargue
    4 février 1930 | Walter Benjamin, Adrienne Monnier
    Gisèle Freund | Rencontre avec Walter Benjamin in « La galaxie de Gisèle Freund »





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  • Benoît Conort | De l’ombre et de sa nuit

    «  Poésie d’un jour  »




     la t-te pr-s du creux de l--paule -pouse sa forme.
    Aquatinte numérique originale, G.AdC







    DE L’OMBRE ET DE SA NUIT



    I


    il y a qui l’accompagne

    une ombre d’elle nue elle

    épouse sa forme toute sa forme

    une jambe jetée par-

    dessus le cœur

    et la tête

    près du creux

    de l’épaule épouse

    sa forme toute sa forme

    épouse une

    veine tressaille l’ombre son ob-

    jet aux mouvements liée

    aux mouvements                   l’ob-

    jet

    imperceptible                       &nbsp            de la phrase.




    Benoît Conort, De l’ombre et de sa nuit, Textes inédits, Revue Nu(e) 41, 2009, page 78.






    BENOÎT CONORT


    Benoît Conort
    Source




    ■ Benoît Conort
    sur Terres de femmes

    [sous une claie de roseaux] (extrait de Sortir)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Benoît Conort
    → (sur remue.net)
    La nuit du rhapsode : Benoît Conort





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  • Corse_3 Sur la silice des mots


    Agave br-l-e d--pines dures . la vague sculpte ton d-sir
    Diptyque photographique, G.AdC





    SUR LA SILICE DES MOTS


    Une tourterelle dans les tamaris
    le torrent s’aveugle sous le midi
    des pierres

    et son dos nu
    de chair livide qu’étrille le soleil
    élytres sèches de sa peau
    agave brûlée d’épines dures

    tu mords le sable ensommeillé
    la vague sculpte ton désir
    nénuphar rouge
    algue anémone de mer

    tu es celle qui chante
    déraison de ta jeunesse
    couvée sous
    immortelles cendrées

    parfum de poivre vert

    chaleur huile de l’été
    touffeur des palmes
    en cercles immobiles

    tu attends
    que naisse à l’horizon
    une autre forme de lumière

    une puce d’eau traverse
    lichen encore
    traces silencieuses sur
    la silice des mots.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




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  • Claude Esteban | Bleu, bleu surtout

    Topique : Bleu
    «  Poésie d’un jour  »


    Très loin dans mon souvenir- la trace des mots perdus . fen-tre- .bleu- bleu surtout.
    Ph., G.AdC







    BLEU, BLEU SURTOUT



    Ce matin, je ne voudrais écrire que la clarté du ciel et tous les mots qui me viennent en mémoire sont encore lourds de la nuit passée et me trahissent. On imagine les signes verbaux comme une sorte de réserve toujours disponible où l’on puise à son gré et qu’il ne reste donc qu’à les assembler avec plus ou moins de justesse, selon ses goûts et peut-être la force de son génie. Mais c’est ne rien savoir de la nature propre du langage, des énergies qui le traversent, de cette vie mystérieuse dont il est le réceptacle et qui ne s’accorde à nous que par instants. Car les mots, et les plus familiers, dès lors qu’on les sollicite à des fins précises, résistent et parfois se refusent. Ils ont mille façons surprises, et si nous feignons de l’ignorer et de poursuivre, ils nous entraînent alors dans leurs labyrinthes et nous abandonnent aux ports du silence. Je voulais dire seulement cette clarté du ciel, et, sans que je puisse en déterminer le motif, s’interpose, tel un écran, une myriade de notions noires. Et que brouillards, ténèbres, murailles, carapaces prennent le dessus, investissent mon esprit, paralysent mon désir d’écrire simplement la pure luminosité du ciel, et ce n’est que plus tard, quand j’aurai renoncé à ma tâche, que je discernerai, très loin dans mon souvenir, la trace des mots perdus : cristal, fenêtre, arbre, bruyère, bleu, bleu surtout.



    Claude Esteban, La Mort à distance, poèmes, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2007, page 73.




    _____________________________________
    NOTE : ce 26 juillet est la date anniversaire de la naissance de Claude Esteban (mort à Paris le 10 avril 2006).






    CLAUDE ESTEBAN


    CLAUDE ESTEBAN



    ■ Claude Esteban
    sur Terres de femmes

    Les ronces m’ont déchiré
    un poème extrait du recueil La Mort à distance
    → (sur Semenoir)
    lire au soleil Claude Esteban…







    Yblue
    Source


    ■ Anthologie du bleu
    sur Terres de femmes


    Nicolas Charlet | La Trilogie du bleu
    Michèle Dujardin | Et bleu est je
    Claude Esteban | Bleu, bleu surtout
    Alain Freixe | Bleu plié au noir
    Olav H. Hauge | Le pays bleu
    Valère-Marie Marchand | Le Grand Bleu
    Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu
    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad
    Dominique Sorrente | Je t’envoie ma chanson des jours bleus
    All blues
    → (Série Instables a cappella)
    Bleu plexiglas
    Bleu de Prusse
    → (Série Instables a cappella)
    Blues déjantés
    L’ombre portée du palmier bleu
    Plume de geai bleu
    → (Série Instables a cappella)
    Les sons cris du piano bleu
    2 janvier 1957 | Exposition Yves Klein à Milan





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  • Pierre Guyotat, Ashby

    Pierre Guyotat, Ashby,

    Éditions du Seuil, juin 1964,

    Collection folio, 2005.

    Préface de Bernard Comment.





    Ashby
    Photo de couverture d’Ashby
    © Pigeon Productions SA/Getty Images (détail)

    ELLE, C’EST DRUSILLA


         « Elle prit ce château, cette forêt, elle me prit. »

         Ainsi commence Ashby. Par cette géniale antanaclase qui donne d’emblée la tonalité majeure du roman de Pierre Guyotat. Et le pouvoir absolu à la maîtresse du jeu.
         Elle, c’est Drusilla. Mante, amante et maîtresse, marquée dès l’enfance par le feu. Feu des flammes du château où ont péri ses parents, feu de la passion amoureuse qui brûle en elle et la conduit, dès ses jeunes années, aux rives du mal. Peut-être Drusilla porte-t-elle, à son insu, les stigmates de son homonyme antique, l’incestueuse Drusilla, sœur de Caligula ? Peut-être le désir de destruction qui lui dicte ses actes, lui vient-il de la tragédie dont elle porte la trace, légère mais indélébile ? Lady Drusilla, « cygne sauvage », « insecte puissant et vorace » règne sur le château d’Ashby et sur les âmes qui l’habitent. La première proie à tomber entre les beaux bras blancs de Drusilla, c’est son cousin. Angus. Fils de Lord Ashby et héritier du château, Angus, pris dans les rets de Drusilla, sent pousser en lui « comme une fleur vénéneuse, une plante amère » à laquelle il ne sait ni ne peut résister. Séduit par les pouvoirs de la belle démone, Angus cède aux rituels maléfiques dans lesquels celle-ci l’entraîne. Sous l’emprise l’un de l’autre, les deux enfants se livrent sans retenue à leurs fantaisies érotiques. Viennent tournoyer autour du jeune couple quelques figures satellitaires dont la cruauté de Drusilla vient à bout. Car toute intrusion étrangère dans le château rompt le pacte des deux amants, les éloigne l’un de l’autre, entraînant Drusilla dans le courant d’autres sombres désirs. Avec leur mariage, la relation amoureuse des amants d’Ashby évolue. Drusilla, qui ne se résigne pas à vieillir ne se résigne pas non plus à renoncer aux plaisirs de la séduction. Quant à Angus, il assiste, complice délesté de toute forme de jalousie, aux libertinages amoureux de celle qu’il continue d’aimer passionnément. Loin de délivrer Angus, la mort de Drusilla le plonge dans la voie que Drusilla lui a ouverte. Le château d’Ashby devient le théâtre de mille turpitudes et cruautés auxquelles succombent domestiques et amis. Jusqu’à la mort de lord Angus.

         Roman de formation amoureuse, Ashby est un roman de jeunesse, le second de Pierre Guyotat. Écrit en 1963, au retour de la guerre d’Algérie, et publié en 1964, ce roman de forme brève est un alliage subtil de classicisme et de modernité. Classicisme dans le traitement du décor et le stéréotype de certains personnages ― Lord Ashby et son épouse, mademoiselle Fuhlalba, la gouvernante. Le décor principal est celui du château d’Ashby, livré aux fantasmes des deux enfants et à leur folie. Les courses effrénées dans les landes sauvages du Northumberland évoquent celles d’Heathcliff et de Catherine Earnshaw. Mais les scènes finales font soudain basculer le récit, jusqu’alors empreint d’une grande fraîcheur, dans un univers lourd de cruauté et de désastres, proche de celui de Sade.
         La modernité du roman tient à son écriture. Pierre Guyotat pratique la variation des points de vue et les « décrochements de temps ». Le style, incisif et fort, la prose souvent très poétique, éloignent Ashby des romans noirs anglais dont il est peut-être un ultime surgeon.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Guyotatpierre2
    Source

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  • Cole Swensen | Une expérience simple…

    «  Poésie d’un jour  »



    Le cours du temps diff-re d-une pi-ce - l-autre.
    Diptyque photographique, G.AdC







    UNE EXPÉRIENCE SIMPLE POUR VOIR
        SI QUELQUE CHOSE N’EST PLUS




    Si, là, maintenant, tu voulais l’atteindre,
    le pourrais-tu ? Le cours du temps diffère
    d’une pièce à l’autre.
    L’objet est là
    ou bien n’est pas
    tributaire de la lumière disponible.
    Aujourd’hui ne fait que répéter la forme.
    Dans le creux calme et chaud de l’heure
    le soir, en parachute ascensionnel.
    Quoiqu’ils disent,
    si seulement tu pressais les mains
    assez fort l’une contre l’autre
    les doigts reliés
    à un point précis du cerveau.




    Cole Swensen, in 49+I Nouveaux poètes américains, Un bureau sur l’Atlantique et Éditions Royaumont, 1991, page 260. Poèmes choisis par Emmanuel Hocquard et Claude Royet-Journoud. Traduction de Françoise de Laroque.






        Née en 1955 à Kentfield, près de San Francisco (Californie), Cole Swensen s’attache, dans son travail de création poétique, à « créer des ambiguités qui compromettent et/ou transgressent les limites de la signification des mots, du langage et du corps. Ces deux objectifs peuvent fusionner en dissolvant simultanément leurs limites, ouvrant et multipliant ainsi les capacités respectives de sens. »






    COLE SWENSEN


    Portrait de Cole Swensen
    Image, G.AdC




    ■ Cole Swensen
    sur Terres de femmes

    17 août 1427 | Cole Swensen, Première mention des Bohémiens en Europe
    12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca
    L’acte du verre
    Le nôtre (lecture d’AP)
    If a garden of Numbers (extrait de Le nôtre)
    Une trilogie française (lecture de Nicolas Pesquès)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes inédits de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur Poezibao)
    une notice bio-bibliographique sur Cole Swensen ;
    → (sur en.Wikipedia)
    une notice sur Cole Swensen ;
    → (sur poets.org)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure ;
    → (sur le site de Poetry Foundation)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure ;
    → (sur YouTube)
    Cole Swensen : interview in The Continental Review





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  • 23 juillet 1979 | Mort de Joseph Kessel

    Éphéméride culturelle à rebours





    PORTRAIT DE JOSEPH KESSEL
    Image, G.AdC





         Le 23 juillet 1979, meurt à Avernes, dans le Val d’Oise, Joseph Kessel. « Russe de naissance et juif de surcroît » (selon ses propres paroles), Joseph Kessel, aventurier et homme d’action fut aussi journaliste. Homme de lettres, couronné par l’Académie française en 1962, Kessel est l’auteur de nombreux récits « vibrants de vie ». Parmi les titres les plus célèbres figurent L’Équipage (1923), Belle de jour (1928), Vent de sable (1929), Fortune carrée (1930), La Passante du « Sans-Souci » (1936), Mermoz (1938), L’Armée des ombres (1946), Les Bataillons du ciel (1947), Les Amants du Tage (1954), Le Lion (1958) et Les Cavaliers (1968).





    FORTUNE CARRÉE

    EXTRAIT


         ― C’est pourtant simple. Vous voyez bien ces risées à fleur d’eau. C’est la trace du vent. Vous voyez bien qu’elles viennent de plus en plus du Sud. Il n’y a plus aucun doute : le vent change. Avec un bateau très fin, on remonte aisément dans le vent. Avec le mien, non. Il dérive trop fort. Alors, à chaque virement de bord, on perd, pendant la manœuvre, presque tout ce qu’on a péniblement gagné dans la bordée précédente.
         ― Je vois, je vois, dit le bâtard Kirghize. Je suis à cheval, je gravis une piste trop escarpée pour qu’il l’aborde tout droit. Je fais des détours qui ont cette piste pour axe. Le tout est de savoir le temps que je mettrai pour arriver au sommet.
         ― C’est à peu près ça. Maintenant, mettez-vous où vous voudrez, mais dégagez le mât, le palan d’écoute et la barre.
         Déjà le mousse avait renfermé dans leur caisse la marmite et les boîtes de conserve vides qui servaient de verres et de plats. Déjà, les matelots étaient debout, scrutaient attentivement la mer et montraient sur leurs visages mobiles qu’ils comprenaient la signification de cette légère poussière d’eau qui palpitait au ras des vagues et qui venait du Sud.
         Philippe et Igricheff quittèrent l’ombre de la grand-voile et s’allongèrent côte à côte à tribord entre le roof et le bastingage. Ainsi, la bôme dans le va-et-vient de la manœuvre passerait au-dessus d’eux. Le soleil était si cruel que le bâtard kirghize couvrit son torse et sa tête. Mordhom, debout à la barre, nu jusqu’aux reins, exposé pleinement à ce feu terrible et à sa réverbération, sourit. Dans ce domaine, au moins, il avait sur Igricheff l’avantage de l’insensibilité. Mais il oublia vite Igricheff et fut tout à la marche de l’Ibn-el-Rihèh.
         Sa main, qui percevait la moindre réaction du bateau, déplaçait la barre avec une délicatesse extrême. Chacun de ses mouvements réussissait à réduire, dans toute la mesure du possible, et à l’instant nécessaire, l’obstacle mouvant que formait le courant aérien et, par là, à secourir l’effort des voiles qui était toute son espérance. Il sentait l’avance du boutre dans sa chair, dans ses nerfs, depuis la plante des pieds, posés sur le pont ardent, jusqu’à l’épaule où se répercutaient les réflexes du gouvernail. Chaque encablure gagnée était pour lui une victoire physique. Quand la bordée arrivait à sa fin et qu’il hurlait l’ordre de virer de bord, il lui semblait qu’il pouvait compter les secondes que prenait la manœuvre aux battements de ses artères.
         De ses yeux étincelants, de ses cris, il excitait sans cesse l’équipage. Il savait bien que ses matelots n’en avaient pas besoin, qu’ils étaient faits à lui comme il était fait à eux, mais il lui fallait libérer l’acharnement de lutte dont il était plein. Sa fièvre gagna En-Daïré, les frères Ali et Abdi lui-même. Ils ne connaissaient pas les projets exacts de leur maître, car Mordhom avait pour règle de ne jamais rien confier à ses matelots. Mais ils avaient fait assez d’expéditions semblables pour comprendre qu’il fallait gagner le détroit à la nuit, le traverser rapidement et se trouver au matin dans des eaux solitaires. Avant même que Mordhom eût lancé les ordres, ils les devinaient à l’expression que prenait sa bouche. Alors, ils bondissaient ainsi que des démons propices, tous leurs muscles noirs jouant avec une harmonie si parfaite qu’ils paraissaient lissés par le vent. Et chaque fois, ils entonnaient le même chant strident et rompu, comme la peine des hommes sur la vaste mer.


    Joseph Kessel, Fortune carrée, Julliard, Éditions Pocket, Collection « Références » dirigée par Claude Aziza, 1995, pp. 181-182-183.



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  • Luis Mizón | L’exil

    «  Poésie d’un jour  »



    Je suis un murmure de la lumi-re
    Ph., G.AdC






    L’EXIL


    IV


    Je dissimule mon existence
    sous la forme timide du lichen
    de la méduse
    de ce qui pourrait être
    un regret vivant ou son contraire

    je nage dans l’eau profonde d’une grotte
    je suis un battement rouge dans le ciel
    la grossière lumière de l’aube
    me montre les sabres
    d’un tigre d’écume
    je nage dans la mer jusqu’à l’horizon

    je suis un murmure de la lumière
    je le sais
    un tremblement des mots
    une pierre vivante
    un œil à l’affût je le sais

    notre exil
    n’est point différent
    de celui des étoiles
    la parole qui nous sauve tombe
    toujours dans nos mains
    comme une pièce d’argent
    dans la main de l’enfant plongeur
    notre exil se referme
    comme les doigts de ma main sur la tienne.






    Sono  .la grossolana luce dell-alba
    Ph., G.AdC






    L’ESILIO


    IV


    Dissimulo la mia esistenza
    sotto la forma timida del lichene
    della medusa
    di ciò che potrebbe essere
    un rimpianto vivente o il suo contrario

    nuoto nell’ acqua profonda di una grotta
    sono un battito rosso nel cielo
    la grossolana luce dell’alba
    mi mostra le sciabole
    di una tigre di schiuma
    nuoto nel mare fino all’orizzonte

    sono un mormorio di luce
    lo so
    un tremito di parole
    una pietra vivente
    un occhio in agguato lo so

    il nostro esilio
    non è affatto diverso
    da quello delle stelle
    la parola che ci salva cade
    sempre nelle nostre mani
    come una moneta d’argento
    nella mano del bimbo tuffatore
    il nostro esilio si chiude
    come le dita della mano sulla tua.



    Luis Mizón, L’esilio, La casa del respiro [La Maison du souffle], Poesie, La Vita Felice, Milano, 2008, pp. 30-31-32. Traduzione dal francese di Mia Lecomte. Introduzione di Tahar Ben Jelloun.





    LUIS MIZÓN


    Luis Mizón
    Source



    ■ Luis Mizón
    sur Terres de femmes

    [Derrière la garde-robe]
    La Maison du souffle
    Un troupeau de vaguelettes



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón





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