Terres de Femmes


16 janvier 1950 |
Lettre de Giuseppe Ungaretti à Jean Paulhan

Éphéméride culturelle à rebours



16 janvier [1950]

Le 16-1-1949*

Roma, Piazza Remuria, 3
(Italie)



Très cher Jean,

    Mandiargues vient de m’envoyer un mot, et il me dit que tu es souffrant, et que tu allais te reposer à la campagne. Tu dois avoir un peu plus soin de toi. Ta vie est précieuse non seulement pour nous qui t’aimons ; mais pour ton travail. Je suis déçu à l’idée que très probablement tu seras absent de Paris quand j’y passerai. J’avais surtout accepté de faire ce voyage en Belgique pour le plaisir de me retrouver avec toi. Mais ce qui compte c’est ta santé.
    En passant par Paris je téléphonerai chez toi. Je serais heureux, si possible, de passer un moment avec Germaine.
    Mandiargues me parle du Lamento cairino qu’il aurait traduit et qu’il t’aurait donné. Ça n’est pas un poème de moi ; mais un chant de pleureuses arabes du Caire que j’ai transcrit. Il se pourrait même qu’il soit déjà connu en France par d’autres voies. Je l’avais inséré dans le petit livre parce qu’il me donnait avec force le sentiment arabe de la vie ― une détresse sans la moindre lueur en présence des ravages de la mort. Mais il ne faudrait pas se tracasser si Canzone est intraduisible. Il est presque impossible de traduire d’une langue à l’autre, surtout si le travail met en jeu des problèmes de prosodie. Je peux attendre une publication sans peine, et même y renoncer.
     J’espère en février te faire parvenir la grande édition de la Terra promessa. De mon côté j’attends avec impatience ton livre avec Dubuffet.
    Ma page sur Perse, où une phrase a été omise par mégarde dans la traduction, tu voudras la revoir de la manière que tu jugeras la meilleure. Je voudrais la revoir aussi, avant la parution. Ces histoires d’hommages sont les plus agaçantes à mettre au point.
    Je sais que tu seras vite en très bonne santé, et nous vous embrassons.


Ungaretti


* Giuseppe Ungaretti a écrit 1949 (il est courant de se tromper en début d’année), mais le contenu de la lettre ne laisse aucun doute, la date est bien 1950.



Cahiers Jean Paulhan, 5, Correspondance Jean Paulhan-Giuseppe Ungaretti, 1921-1968, Éditions Gallimard, 1989, pp. 425-426.





GIUSEPPE UNGARETTI


Giuseppe_ungaretti



■ Giuseppe Ungaretti
sur Terres de femmes

10 février 1888 | Naissance de Giuseppe Ungaretti
7 février 1915 | Giuseppe Ungaretti
16 février 1917 | Giuseppe Ungaretti, Naufragi
9 juillet 1932 | Giuseppe Ungaretti, Carnets italiens
29 janvier 1933 | Giuseppe Ungaretti, Carnets italiens
12 septembre 1966 | Giuseppe Ungaretti, Dialogo
2 juin 1970 | Mort de Giuseppe Ungaretti (+ notice bio-bibliographique)


■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur ina.fr)
une exceptionnelle émission d’Archives du XXe siècle sur Giuseppe Ungaretti en deux parties (16/05/1971 – 57min49s) et (23/05/1971 – 45min13s)
→ (sur You Tube) une interview (en italien) de Giuseppe Ungaretti par Pier Paolo Pasolini (extrait du film
Comizi d’amore, 1963-64)







Pour voir/écouter Giuseppe Ungaretti disant à voix haute « Sono una creatura » (+ Ungaretti parle d’Ungaretti, en italien ; vidéo de la RAI), cliquer
ICI




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Commentaires

2 réponses à “
16 janvier 1950 |
Lettre de Giuseppe Ungaretti à Jean Paulhan

  1. Avatar de Jean-Marie

    Bravissimo ! Félicitation aux patients curieux qui ont débusqué sur la toile ce merveilleux bout d’entretien !
    mille grazie,
    J.-M.

  2. Avatar de Angèle Paoli
    Angèle Paoli

    Merci, cher Jean-Marie ! Mais je demande comment fichtre un « patient curieux » aurait pu débusquer un bout de cette correspondance (et non pas entretien) entre Ungaretti et Paulhan sur la Toile !!! Personnellement, je n’en ai jamais vu la trace. Cet extrait est directement repris, comme je l’indique, des Cahiers Jean Paulhan, dont je dispose dans ma bibliothèque. Une occasion pour moi de rappeler que Terres de femmes ne fait pas de copier/coller. Cela fait partie en quelque sorte du « cahier des charges » et de l’éthique de Tdf. Félicitation donc aux « passants curieux » qui, désormais, débusqueront sur la toile ce merveilleux bout de correspondance.
    Je vous embrasse très amicalement, mon cher Jean-Marie.
    PS Avez-vous pris connaissance par ailleurs de mon courrier perso ?

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