Terres de Femmes

Étiquette : Prémices du désert


  • Mario Luzi | Diana, risveglio

    «  Poésie d’un jour  »



    Ainsi_quand_souvre_une_porte_font_irrupt
    Ph, G.AdC








    DIANA, RISVEGLIO (1944)



    Il vento sparso luccica tra i fumi
    della pianura,il monte ride raro
    illuminandosi, escono barlumi
    dall ‘acqua, quale messaggio più caro?

    È tempo di levarsi su, di vivere
    puramente. Ecco vola negli specchi
    un sorriso, sui vetri aperti un brivido,
    torna un suono a confondere gli orecchi.

    E tu ilare accorri e contraddici
    in un tratto la morte. Cosìquando
    s’apre una porta irrompono felici
    i colori, esce il buio di rimando

    a dissolversi. Nascono liete immagini,
    filtra nel sangue, cieco nel ritorno,
    lo spirito del sole, aure ci traggono
    con sé: a esistere, a estinguerci in un giorno.




    Mario Luzi, “Affetti”, Un brindisi, in Tutte le poesie, volume primo, Garzanti editore, Collana gli elefanti poesia [prima edizione 1988], 2005, pagina 132.







    DIANE, RÉVEIL



    Le vent épars luit à travers les fumées
    de la plaine, rarement la montagne
    rit en s’illuminant, des lueurs s’échappent
    de l’eau, quel message plus cher ?

    Il est temps de se lever, de vivre
    purement. Voici que vole dans les miroirs
    un sourire, sur les vitres ouvertes un frisson,
    un son revient qui déconcerte les oreilles.

    Et toi allègre tu accours et contredis
    tout à coup la mort. Ainsi quand
    s’ouvre une porte, font irruption, bienheureuses,
    les couleurs, l’obscurité en retour s’en va

    se dissoudre. Naissent de joyeuses images,
    dans le sang filtre, aveugle quand il revient,
    l’esprit du soleil, des brises nous entraînent
    avec elles : à exister, à nous éteindre en un seul jour.




    Mario Luzi, “Sentiments”, Une libation, in Cahier gothique, éditions Verdier, Collection “Terra d’altri”, 1989, page 97, in Prémices du désert, poèmes 1932-1956, Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2005, page 156. Traduit par Jean-Yves Masson.





    Mario Luzi  Cahier gothique





    MARIO LUZI


    Mario Luzi





    ■ Mario Luzi
    sur Terres de femmes


    Cahier gothique, VII
    Dove l’ombra
    En mer
    Il pensiero fluttuante della felicità
    Nature
    Près de la reine de Saba (note de lecture sur Trames de Mario Luzi + extrait)
    Primitiales (article sur Prémices du désert)
    Quanta vita
    [Vita o sogno ?]






    Retour au répertoire du numéro de décembre 2006
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mario Luzi | Primitiales

    Topique : Le désert
    Mario Luzi, Prémices du désert




    Ritratto_di_mario_luzi








    PRIMITIALES


        Le titre métaphorique Prémices du désert* annonce une aventure nouvelle. Prémices silencieuses, ascétiques peut-être, germinations à l’œuvre dans l’écriture poétique, de l’œuvre poétique à venir.

        Poésie du seuil, Prémices du désert occupe dans l’itinéraire poétique de Mario Luzi une place singulière. Il est le lieu d’une transition entre poésie du passé, celle de La Barca (1935) et poésie à venir, Voyage terrestre et céleste de Simone Martini (1994). Mais il garde dans l’intimité de sa trame les traces d’un hermétisme auquel le poète reste attaché. Parce qu’il est son mode d’être-au-monde. Et d’être-à-la-poésie. Une poésie qui procède de l’immergence pour aller vers l’émergence du sens.

        Construit sous forme de triptyque, le recueil respecte la chronologie de la composition, qui s’échelonne de 1947 à 1951. Cette période est marquée par une aggravation de la dépression de Mario Luzi. Que sa rencontre avec Cristina Campo ne parvient pas vraiment à dissiper. La tonalité dominante de la poésie luzienne de cette époque est celle d’une mélancolie désespérée, qui diffuse ses ondes de souffrance et de mort jusque dans le poème de clôture « Avril-amour », « ce temps qui souffre et qui fait souffrir ». « Avril-amour » n’est pas un chant du regain. Et même si « l’amour aide à vivre, à durer », le poète garde présent à la mémoire que « sa peine est de survivre à cet instant ».

        L’architecture générale du recueil est solidement charpentée. En trois parties d’égal équilibre. Chaque volet du triptyque s’échelonne sur sept poèmes. Et l’on serait tenté de lire, dans cette partition où règne l’hendécasyllabe, le sens caché d’un univers symbolique. Et pourtant…

        Le premier volet de Prémices du désert s’ouvre sur le poème « Nè il tempo », « Le temps non plus ». Poème qui donne à l’ensemble du recueil sa tonalité désespérée. Le texte s’enracine dans une région et dans une époque, « senza limiti » et « senza sole »; « sans limite » et « sans soleil ». Une région de la mémoire, prise entre la « nascita nostra senza origine » et la « nostra morte senza fine » ; « notre naissance sans origine » et « notre mort sans fin ». Mémoire moissonnée comme les terres de la « patrie désolée » et, comme elles, dévastées. Par l’exil et la perte. Par le renoncement et l’oubli. Ces sombres haleines, qui touchent toute chose, effacent toute chose de leurs souffles.


    « Regarde le temps désespéré de l’orange,
    celui bref de l’amandier,
    jours que j’emmène vers l’oubli…
    de moi il n’y a nulle trace dans les années,
    sinon à la façon dont racontent un voyage
    les empreintes sur le sable d’un désert »
    ,
    confie Mario Luzi, dans « Forse dice l’addio » (« Peut-être dit-il : l’adieu »**).


        C’est qu’au-delà de la mort naturelle des choses et des êtres, celle de la grand-mère à qui il s’adresse parfois, Mario Luzi a été confronté, comme tant d’autres, à l’épreuve de la guerre. Dévastations communes partagées, auxquelles s’ajoute  la tragédie propre au poète. La réduction en cendres de ses livres et de ses archives à la suite des bombardements de 1944.

        De cette époque funeste porte les stigmates la longue « Invocation » du premier volet. Des images surgissent et, avec elles, les villes défuntes, emportées dans la tourmente. « C’était dans le ciel stérile une rupture » ; « nous fûmes la pluie qui tombait de nuages noirs ». Des images qui tissent au fil du texte, dans une étrange litanie, un paysage où s’accrochent encore les « troupeaux » et « leur lenteur », « le baiser sur le pas de la porte » et « le pas dans la chambre ». Des images qui s’enchaînent par de subtils glissements, jusque dans la confrontation exacerbée des contraires : « nous fûmes la fixité dans le mouvement ».

         Semblable aux âmes égarées de l’Enfer de Dante, le poète cherche sa voie. Mais s’il erre, comme elles, dans une « forêt inextricable », il se différencie de ces silhouettes vagues en cela qu’il est ballotté par « le vent de la mémoire » qui « disperse et rassemble d’indicibles moi-mêmes ». Et le monde qu’il habite désormais est celui que régit « la sphère d’angoisse de Parménide ». Il ne reste au poète désorienté qu’à invoquer l’instance extérieure qu’il observe. Une instance mystérieuse, « porteuse de couleurs », qui n’a ni nom ni visage. Mais qu’il supplie de le rejoindre. Lui et avec lui, tous ceux que la souffrance a morcelés. Afin qu’elle vienne en aide à tous ceux qui sont enfermés, comme lui. Et comme lui, rigidifiés. Dans la souche d’un tronc d’arbre. Le ton de cette prière se fait pressant. Et la demande, précise :

    «  Viens, toi, porteuse de couleurs,
    éprouves-en, de tes mains prudentes, les épines,
    extirpe les ronces, soigne les écorces… »


        Le phrasé s’enfle et se gonfle jusqu’à l’acmé, jusqu’à la culminance, du leitmotiv final :

    « mais blesse-toi et saigne, toi aussi,
    souffre avec nous, humiliés dans un tronc. »


        Par trois fois (ohimé ! est l’interjection qui me vient ici à l’esprit), ces injonctions ternaires reviennent ponctuer le poème. À trois moments clés de cette invocation ! À lire et relire ce poème, je vois affleurer, sous la composition savante de la trame, la complexité foisonnante d’images christiques inversées. Déformées par de grimaçantes anamorphoses.

        Clé de voûte du recueil, « Invocation » est un poème mystérieux qui diffuse sur l’ensemble des Prémices du désert ses proférations hermétiques. Et laisse entrevoir sous les accents déchirés d’une voix prise entre les croyances abolies d’hier et les vérités figées d’aujourd’hui, la figure du poète. Figure éclatée et douloureuse. À l’image du chaos dont elle est issue.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    230505luzi




    _________________________________________________
    * Le recueil intitulé Prémices du désert dans la collection Poésie/Gallimard (2005) regroupe en fait plusieurs recueils poétiques de Mario Luzi. Dans l’ordre :

    La Barque (1935-1936)
    Avènement nocturne (1936-1939)
    Une Libation  (1940-1941)
    Cahier Gothique (1945)
    Poèmes épars (1945-1948)
    Prémices du désert (1947-1951)
    Honneur du vrai (1951-1956)




    Mario_luzi_firma480x300
    SOURCE




    La lecture que je présente ci-dessus s’appuie sur l’édition en langue originale des Œuvres complètes de Mario Luzi, rassemblées dans les deux tomes publiés par les Éditions Garzanti (1998 ; rééd. Gli Elefanti, 2005), mais porte exclusivement sur le recueil intitulé Primizie del deserto.

    ** Traduction française qui ne rend que faiblement le rythme ternaire du titre original et son ambiguïté. Une ambiguïté qui se dissout en partie dans la seconde strophe. Comme le souligne le traducteur Jean-Yves Masson, « le poème joue aussi sur l’absence de pronom sujet en italien ». Qui parle ?






    MARIO LUZI


    Mario_luzi



    ■ Mario Luzi
    sur Terres de femmes

    Diana, risveglio
    Dove l’ombra
    En mer
    Il pensiero fluttuante della felicità
    Nature
    Près de la reine de Saba (note de lecture sur Trames de Mario Luzi + extrait)
    Quanta vita
    Stupore d’ultramattutina luce
    [Vita o sogno ?]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site du Studi Mario Luzi « La barca »
    → (sur Recours au poème)
    Pour une poésie des profondeurs, par Paul Vermeulen
    → (sur FrancoSemailles)
    une notice bibliographique sur les éditions en français de Mario Luzi
    → (sur Treccani Scuola)
    une interview de Mario Luzi par Roberto Carnero
    → (sur YouTube)
    Mario Luzi lisant deux de ses poésies : Ottobre et Ignominiosamente





    Retour au répertoire du numéro d’octobre 2005
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de mes Topiques
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mario Luzi | Nature

    «  Poésie d’un jour »



    ici se préparent<br />
un grabat de pourpre et un chant qui berce » title= »ici se préparent un grabat de pourpre et un chant qui berce » src= »https://terresdefemmes.blogs.com/mon-weblog/images/luna.jpg » width= »230″ height= »343″ border= »0″  /></a><br />
<SMALL>Ph. D.R.<br />
<a href=Source






    NATURA


    La terra e a lei concorde il mare
    e sopra ovunque un mare più giocondo
    per la veloce fiamma dei passeri
    e la via
    della riposante luna e del sonno
    dei dolci corpi socchiusi alla vita
    e alla morte su un campo;
    e per quelle voci che scendono
    sfuggendo a misteriose porte e balzano
    sopra noi come uccelli folli di tornare
    sopra le isole originali cantando:
    qui si prepara
    un giaciglio di porpora e un canto che culla
    per chi non ha potuto dormire
    sì dura era la pietra,
    sì acuminato l’amore.




    Mario Luzi, La Barca, in Tutte le poesie, volume primo, Garzanti, Gli Elefanti, Milano, 2005, pagina 36.







    NATURE


    La terre et à elle accordée la mer
    et partout au-dessus, une mer plus joyeuse
    à cause de la rapide flamme des moineaux
    et du trajet
    de la lune reposante, et du sommeil
    des doux corps entrouverts à la vie
    et à la mort dans un champ ;
    à cause aussi de ces voix qui descendent
    s’échappant de mystérieuses portes, et bondissent
    au-dessus de nous comme des oiseaux fous de revenir
    en chantant au-dessus des îles originelles :
    ici, se préparent
    un grabat de pourpre et un chant qui berce
    pour celui qui n’a pu dormir,
    si dure était la pierre,
    et si tranchant l’amour.




    Mario Luzi, La Barque in Prémices du désert, Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2005, p. 69.





    MARIO LUZI


    Mario Luzi





    ■ Mario Luzi
    sur Terres de femmes


    Cahier gothique, VII
    Diana, risveglio
    Dove l’ombra
    En mer
    Il pensiero fluttuante della felicità
    Près de la reine de Saba (note de lecture sur Trames de Mario Luzi + extrait)
    Primitiales (note de lecture sur Prémices du désert)
    Quanta vita
    Stupore d’ultramattutina luce
    [Vita o sogno ?]





    Retour au répertoire du numéro de octobre 2005
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes