Terres de Femmes

Étiquette : Marie Huot


  • Marie Huot | [Dans ma maison de Geronimo]




    [DANS MA MAISON DE GERONIMO]




    Dans ma maison de Geronimo
    les tables sont encombrées de livres
    de papiers et de corbeilles à raisins
    Sur les abat-jour des lampes
    j’épingle des papillons


    Je voudrais que quelque chose se passe
    Dans ma maison de Geronimo je me tais éperdument
    À qui parlons-nous lorsque nous nous taisons


    La cour s’emplit de feuilles mortes
    le vent a dénudé la tonnelle
    je fais de petits tas que je brûle au fur et à mesure
    mais rien ne pourra empêcher l’automne
    de consumer aussi mes mains mon visage


    Il est temps
    Je voudrais que quelqu’un me dessine
    au fond d’un bol de porcelaine
    cuise mon visage dans l’argile blanche
    puis l’oublie
    jusqu’à l’ébréchure
    quand gouttera un peu d’eau
    de ma joue divisée


    Autrefois c’était une maison dans les vignes
    Je dis ma maison de Geronimo
    mais nous disions alors villa Clorinde
    Émile et Eugénie l’avaient choisie pour une véranda
    mauve et verte qui brillait aux doigts de la maison
    Je crois qu’ils y voyaient des tables longues et du soleil
    dessus
    des enfants de tous côtés
    et un chien gris comme roulé dans la cendre
    des poules mon dieu oui des poules aussi


    Je dors en colombe la tête sous l’aile
    et dans mon sommeil je traverse chaque pièce
    l’une après l’autre très lentement
    Il y a une tortue en plastique sur une étagère
    et une sorte de baldaquin défraîchi
    je me demande comment d’autres petites pièces
    ont pu contenir tant de nuits d’épouvante


    Victorine et Joachim n’avaient qu’une cabane
    derrière la pergola
    un couvre-lit immaculé
    et un vase en cristal pour les pâquerettes
    Un train très lent passait en contrebas
    que l’on prenait pour des repas au bord de mer
    Il n’y aurait qu’une toute petite fille
    dans cette maison-là
    et un piano



    Marie Huot, Ma Maison de Geronimo, Al Manar éditions, Collection Poésie, 2017, pp. 11-12-13. Dessin et gravures Estelle Lacombe.






    Marie Huot  Geronimo




    MARIE  HUOT


    Marie Huot




    ■ Marie Huot
    sur Terres de femmes

    [Le cerf a retourné sa couleur] (extrait de Douceur du cerf)





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  • Marie Huot | [Le cerf a retourné sa couleur]




    Diane de Bournazel
    Un des quatre dessins de Diane de Bournazel
    illustrant le tirage courant de Douceur du cerf








    [LE CERF A RETOURNÉ SA COULEUR]



    Le cerf a retourné sa couleur à l’intérieur de lui.
    Il sait qu’on ne le mangera pas
    il vient au monde très lentement
    les paupières baissées sur un fil d’horizon.
    Il garde un mystère premier
    être est fragile
    être tremble sous la peau des biches
    être s’amenuise
    mais sur être on peut construire une joie.



    Marie Huot, Douceur du cerf, 14, Éditions Al Manar | Alain Gorius, 2013, s.f. Dessins de Diane de Bournazel.







    Marie Huot, Douceur du cerf





    MARIE HUOT


    Marie Huot




    ■ Marie Huot
    sur Terres de femmes

    [Dans ma maison de Geronimo] (extrait de Ma Maison de Geronimo)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des Découvreurs)
    une lecture de Douceur du cerf par Georges Guillain
    → (sur le site des éditions Al Manar | Alain Gorius)
    une page sur Douceur du cerf





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