Terres de Femmes

Mois : avril 2025

  • Sophie Marie van der Pas / Quelque chose s’en va

    <<  Poésie d'un jour

     

     

     

     

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    "Mon vocabulaire se perd sur la page"

    Photo: G.AdC

     

     

     

     

    Y a-t-il une île au bout de la nuit ?
    Tu es en attente de naissance
    Dans le ventre de l’espace.
    Tu vois la fine lame du jour
    Projetée sur le sable
    Cercle parfait d’une matrice
    Centre du temps.
    Entre le pont et le point
    L’île retient les clairs-obscurs
    Ciel et terre se regardent
    Comme des jumeaux
    Tu es la pointe du compas
    Tournant autour de moi.

    Est-ce le poème qui se retourne
    Dans le chaud de la vie ?
    Est-ce toi sans prénom
    D’une poussée sanglante
    Qui retrouve l’origine d’un lieu
    A moitié nuit, à moitié jour ?
    Tu restes à la lisière
    D’un arc du soleil
    Dans l’accompagnement du monde
    Où tu ne sais aller.

     

    Quelque chose s’en va
    Que je savais.
    Mourir est une énigme au-delà de
    l’impasse
    Tu es derrière moi à me chuchoter
    Des mots que seul tu savais me dire.
    La poignée de la porte ne grince pas
    Tu l’ouvres avec simplicité
    De ta main sûre.
    Quelque chose revient
    Que j’attendais.
    Mon vocabulaire se perd sur la page
    Allons prendre l’air de la mer.

     

    SOPHIE MARIE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sophie Marie van der Pas, Quelque chose s’en va, ©Illustrations Valérie Groené, Collection Grand ours, L’Ail des ours /n°28, 2025, pp.49, 55, 63.

     

     

  • Dorian Masson/ Ils disent qu’il y a un remède

                                                                                                               << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    PIANO

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    "Les accords inversés hurlent en triomphe"

    Photcollage : G.AdC 

     

     

     

    RENDEZ-VOUS APRÈS LA FIN DU MONDE

     

    Quand toutes les fleurs auront fané
    Que tout l’or sera perdu
    Et que le Monde aura brûlé
    Je t’offrirai des mots
    Tous ceux qu’il me reste
    Pour te rappeler ces nuits
    Où nous ne dormirons pas
    Et la douceur des matins
    Où il n’y avait rien à dire

     

    ZÉRO

    On est partis de rien
    Et des années plus tard
    On n’est pas beaucoup plus                                 loin.

     

    UN PROBLÈME LÀ-HAUT

    Les octaves noires s’effondrent
    Les accords inversés hurlent en triomphe
    Et toute la mégalomanie du monde
    Se pose sur mes épaules
    Que toutes les fleurs fondent
    Que les cœurs des amants se gèlent
    Que les pétales prennent feu
    Et que les larmes se fanent
    Que les balcons s’écroulent
    Et que les poèmes s’emmurent
    Que le bois des violons craque
    Et que le souffle des cuivres meure
    Les soupirs se sont éteints
    Et la saveur a cessé de couler
    Car ce qui restait de l’amour
    Est mort.

    IMG_1733

    Dorian Masson, ILS DISENT QU’IL Y A UN REMÈDE, poèmes, Éditions de Corlevour I Revue la forge 2025, pp.30, 32, 81.

     

    Dorian Masson BIS

     

     

     

    Voir la note de  →   l'éditeur 

     

     

  • Monique Lucchini / De votre absence

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    Bleus

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image G.AdC 

     

     

    Je me souviens       vous avoir parlé    dans la blancheur   de
    cette nuit.   Si loin et si près,    la neige emportant    ma voix
    au-delà de la frontière invisible des sentiments. Saviez-vous
    qu’à cet instant précis où le pressentiment devient certitude,
    le temps s’interrompt comme une parenthèse  qu’on ne peut
    refermer. Celle de la révélation du silence de votre voix que
    plus jamais je n’entendrai. De notre souffle qui peu à peu va
    disparaître dans l’épaisseur   de cette neige   vierge  de toute
    humanité.   Je me souviens    alors    vous avoir vue       dans
    l’épaisseur de la nuit. Vous avoir vue    comme jamais   je ne
    vous avais vue. Je me souviens vous avoir vue dans le miroir
    de la peur qui l’habitait. Celle de l’oubli.

    Maintenant    je vous vois.    Je vous vois    dans cette
    chambre    au fond d’un couloir.   Je vous vois pour la
    première fois. Je veux dire que je vous vois dans la vérité de
    votre nudité. Abandonné Si loin déjà.   Dépossédée de
    cette singulière pudeur qui vous habitait. Je vois votre
    corps. Votre corps qui, même décharné, bouscule encore
    l’ordre des choses. Je vous vois dans l’éblouissement de la
    réalité de votre identité.

    De votre visage et de vos    mains je ne garde     que cette
    blancheur translucide, cette transparence     d’une finesse
    irréelle. Le bleu pâle de vos yeux. Vos yeux qui rient. Qui
    s’étonnent. Vos yeux que jamais je n’ai vu(s) pleurer.

     

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    Monique Lucchini, De votre absence, Éditions Musimot, Couverture et illustrations, Francine Copet, 2019, pp. 32, 33, 34.