Terres de Femmes

Mois : juillet 2023

  • Terres de Femmes / Pause d’été 2023

     

    TDF PAUSE ETE 2023 BIS

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    POUR TDF _Fotor

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photographies et montage de Guidu Antonietti di Cinarca 

    ANGELE NB     Angèle Paoli

  • Terres de femmes n° 223―juillet 2023

     
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    du numéro du mois de juillet 2023

     

    TDF JUILLET 2023

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

     

    Responsable de la rédaction :  Angèle Paoli
    Coordination éditoriale et mise en pages  Yves Thomas  ( † 2021 ) 
    Direction artistique et mise en images : Guidu Antonietti di Cinarca:  (G. AdC ) 
     
     

     

     

  • Catherine Pont-Humbert | Noir printemps

    << Poésie d'un jour

     

     

     

     

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    " Les mots … "

    Photomontage d’inspiration typographique  /   G.AdC
    en hommage à → Yves Thomas 

     

     

     

     

    LES  MOTS PARFOIS 

     

    Les mots parfois ouvrent des chemins ensoleillés
    Éclairent les mystères
    Trouent l’opacité

    Les mots parfois s’assoupissent à mes côtés
    Sur le bord de la route

    Les mots parfois parlent en dormant
    Chuchotent à l’oreille de la terre

    Les mots parfois glissent au rythme de mes pas sur le chemin

    Les mots parfois
    Éblouis par une flaque de soleil
    Font silence sur la beauté du monde

     

     

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    Catherine Pont-Humbert, Noir printemps, La rumeur libre 2023, p. 40

     

    Catherine Pont-Humbert

    Source

     

    ♦ Voir  sur TdF:

              → Les Lits du monde, La Rumeur libre Éditions, 2021

              ♦ Voir aussi : 

              Légère est la vie parfois, Jacques André éditeur, Collection Poésie XXI n°61, 2020

              → La Rumeur Libre

              → Wikipédia 

             → RCJ

                       

  • Michael Bishop | Revue NU(e)81 | La Grande Arborescence

     

     

                                                 Le Numéro 81 de la revue NU(e), coordonné par le poète Michael Bishop est en ligne sur → Poesibao.

                    Création de la poète → Béatrice Bonhomme, la revue NU(e) est disponible sur le site de  Florence Trocmé et également  → ICI.

     

     

    NUE Bishop

     

  • Jean-Louis Giovannoni | Tout corps entame

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Jean-Louis-Giovannoni-Tout-corps-entame_

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Source 

     

     

     

     

    à Anna Coudart

     

    L’ombre se déporte peu à peu
    -corps parti on ne sait où

    Au soleil couchant
    Les formes s’allongent
    La nuit les confond.

    Vouloir rejoindre.

    La rive
    Nous éloigne

    Autant nager vers le large.

    Tu aimerais rejoindre
    Les derniers rayons du soleil.

     

    La matière
    Colle à la peau
    Et tu ne peux t’en dégager.
    Ce que tu écartes
    Pousse à nouveau.

    Nos mains ne vont
    D’un corps à l’autre
    Que peu de temps.

    Elles ne savent aller profond.

    Continue de nager dans la fraîcheur du soir
    Il ne te reste que cela.

     

    L’air circule
    Se délite
    Comme le sable.

    Sois assuré
    Les draps
    Sont des frontières
    Qu’on ne peut franchir.

    Océan intact autour de toi.

    Nos mains ne peuvent.

    Le Perchoir
    2012/2022

    Jean-Louis Giovannoni, « Nos mains ne peuvent » in Tout corps entame, Gravures de Philippe Duthilleul, Æncrages &Co/ Écri(peind)re, 2023, pp.43,44,45.

    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source

    Voir sur →  Tdf 

  • Sylvie Marot | Physalis

     << Poésie d'un jour

     

     

     

     

    Fourrures de dasyure

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " Elle note les pas de danse "

    Aquatinte de  → G.AdC

     

     

     

     

     

    Dans le puits de sa vie résident des pensées en flocon. Elle recense
    les souhaits reclassés. Derrière ses yeux secs, elle ne cesse de
    ressasser les souvenirs sépia. Seuls quelques mots sont laissés à son
    répertoire. Les mots superflus ont reflué d’eux-mêmes comme des
    enfants sages sans vanité. Bisogna morire. Bisogna morire.

    Tout avait toujours été trop tard.
    Et sur le tard, la sagesse ne lui avait rien appris.
    À six ans déjà, Emma abandonnait les romans commencés. Parfois,
    elle esquissait la couverture. Souvent, elle s’en tenait aux titres.
    -Leur liste, longue et intrigante, faisait œuvre de rêves.
    Elle n’a jamais cru qu’il s’agissait de paresse mais plutôt de
    paralysie. Elle était empêchée.

    Elle a attendu de ne plus l’aimer pour le revoir.
    Elle n’a pas le souvenir de l’avoir vu autrement qu’en songe.

    Il y revêtait les costumes étranges d’animaux.
    -Des voilures d’éphémère
    des carapaces de scarabée
    des pelures de tatou
    des fourrures de dasyure
    des peaux d’ânes.

    Elle note des notes qu’elle perd, qu’elle jette,
    qu’elle égare, qu’elle déchire.
    Elle note les pas de danse
    sans parvenir à relire ses notations.

    Elle étiquette les objets qui perdent leur nom.
    Elle astique et désétiquette. Elle déchiquette et frotte.

    -Non
    non elle ne sait plus à quoi sert ce bout de papier.

     

     

     

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    Sylvie Marot, Physalis, La Crypte, (le pays qui grandit), Image de couverture Sylvie Marot, 2023, pp.75,76,77,78.

     

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    SYLVIE   MAROT

    Sylvie_Marot__2015
    Source

    ■ Sylvie Marot
    sur Terres de femmes ▼

    → Lisianthus (note de lecture d’AP)

    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions de La Crypte) la fiche de l’éditeur sur Lisianthus
    → (sur Recours au Poèmeune note de lecture de Marie-Josée Desvignes sur Lisianthus
    → (sur lelitteraire.com) une note de lecture de Jean-Paul Gavard-Perret sur Lisianthus
    → (sur lelitteraire.com) un entretien de Sylvie Marot avec Jean-Paul Gavard-Perret (1er jan­vier 2016)
    → (sur Lire le Japonune note de lecture sur Lisianthus

     

  • Bernard Chambaz | La vie d’après Williams

    << Poésie d'un jour 

     

    William carlos william

     

     

     

     

     

     

     

    Image de G.AdC 

     

     

     

     

    : la fierté du pays ; le printemps, l’été, l’automne et la mer
    ; à mon tour
    de tenter ma chance
    mais je commence en plein hiver :
    et si la mer est loin
    si cet hiver bat des records
    pluie pluie pluie pluie pluie pluie pluie
    même le dimanche
    la Seine monte centimètre par centimètre
    ici à Ivry
    elle a déjà submergé les berges
    j’entends le clapotis
    léger le ressac plus sourd des mètres
    cubes de liquide
    contre les dépôts de ciment et de béton
    l’eau recouvrira bientôt
    le ruban d’asphalte qui a remplacé les petits pavés ronds
    enfoncés surf leur lit de sable
    à coups de marteau
    par les ouvriers de la voirie
    mais qu’est-ce qui déborde – à part ma gratitude ?
    réponse : c’est toujours le temps
    il n’y a plus qu’à nager à contre-courant
    sans plus se tracasser
    avec cette vieille fredaine pourtant tellement intempestive
    du commencement
    et de la fin

                               *

    William Carlos Williams ce n’est pas seulement
    les asphodèles notre mariage
    des petits riens
    c’est aussi Paterson
    la ville ouvrière où il vécut
    et pour Paterson il s’était inspiré de Dublin
    dans le sillage d’Ulysse
    autant dire personne
    ni rien d’autre que trente siècles au moins
    derrière nous et demain devant
    -oui avec les citrons oui
    la rosée oui un chien oui l’imperfection de tout
    les lapins une colonne le flux
    du Traité de la nature humaine oui
    avec vos seins parfumés
    une célébration avec ajouts
    et retraits –
    et puis il faut bien reconnaître que Ulysse et Ulysse
    ce sont quand même la Grèce
    et que la Grèce est notre bien commun
    comme la mer et la neige
    l’amour ou l’amour de l’amour
    ou appelez ça comme bon vous semble
    vieillesse ou jeunesse ou vieillesse
    quand Williams commence à publier son Paterson il a soixante-trois ans

                                *

    pas de chute d’eau
    à Ivry – quelques
    papillons communs et des confettis de couleur
    le jour de la fête de l’enfance
    en juin-
    beaucoup de péniches et de cheminées
    dans le quartier du Port
    des usines en veux-tu
    en voilà
    les briqueteries les tuileries les journaliers
    qui tirent des brouettes
    remplies de briques de tuiles de sable de gravier
    une charronnerie où réparer une roue
    ou le moyeu
    la compagnie des Lampes qui brille
    au firmament industriel
    juste au-dessus de l’usine des eaux
    devenue le dépôt d’œuvres d’art
    de la ville de Paris
    la réserve des es plâtres et de ses tableaux
    pas de chute
    mais des remous autour des piles du pont Nelson Mandela
    et qui d’autre cette nuit pour plonger
    puisque
    Tout mérite d’être tenté
    et qui sait
    encore
    qui est le Marcel Boyer du quai Marcel-Boyer
    quand on pose le pied
    à Ivry-sur-Seine ?

     

     

    CONTRE-ALLÉES COUV

     

     

     

     

     

     

     

     

    Bernard Chambaz, La vie d’après Williams in « Contre-Allées », Revue de poésie contemporaine, Printemps 2023, pp.2, 3, 4, 5.

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    BERNARD  CHAMBAZ

    Bernard-chambaz

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Encres vagabondesun entretien avec Bernard Chambaz (propos recueillis par Brigitte Aubonnet, mai 2015)

     

  • Claudine Bohi | Un couteau dans la tête

    Claudine Bohi Un couteau dans la tête
    Éditions l’Herbe qui tremble 2022

    Lecture de Patricia Cottron-Daubigné

     

    CLAUDINE BOHI BY G.AdC

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Portrait de  Claudine Bohi  par  G.AdC 

     

     

     

    Le titre interpelle. Claudine Bohi ne nous a pas habitués à des expressions aussi violentes. L’exergue choisi par l’autrice confirme cette impression :

     

    « Un livre doit être la hache pour la mer gelée qui est en nous » (Kafka).

    Nous entrons dans un livre où quelque chose des fondations d’une existence est en jeu.

    Cette expression « un couteau dans la tête » parcourt tout le recueil, formule obsédante qui dit bien son impact répété dans la vie des protagonistes. De la guerre à l’inceste.

    L’histoire s’origine dans la guerre 14-18. Un jeune homme, jeune soldat, doit, sous la menace de ses chefs achever ses compatriotes agonisants, avec un couteau. Violence définitive dans cet homme qui sera « un monstre » – dit sa fille qu’il a violée -, couteau dans la main, sexe dans le corps, et enfin dans les mots, pour poser tout cela, à distance.

    On entre là dans l’inimaginable de la guerre. Je songe au roman d’Erich Maria Remarque, À l’Ouest rien de nouveau, récit dans lequel le narrateur revenant dans sa famille se trouve totalement étranger à la vie normale, perdu dans la violence qu’il a vécue, comme vidé de lui-même.

    Dans la première partie de son livre, Claudine Bohi dit l’horreur de ce qu’a été contraint de faire ce grand-père. Comme il a fallu peser les mots pour écrire cela ! On sent, malgré les événements qui suivront, toute l’empathie que l’autrice a pour ce jeune homme que la guerre détruisit totalement sans le tuer. Et ce n’est ni pour justifier, ni pour expliquer l’inceste qui suivra, mais pour tenter de comprendre un homme, en profondeur. De comprendre ce que chacun vit et qui le mène là où il va, si rien ne l’a aidé à éliminer la violence subie. Le rouge du sang et la colère dévastent tout :

    « ce couteau nu
    tout au fond de ces chairs
    sanglantes

    où meurent tes camarades

    ce dur couteau obligé à ta main
    et le fusil du capitaine te guette
    si jamais tu dis non

    ce couteau-là tu l’as conservé

    au milieu de ton crâne
    il s’est planté fiché
    (…) »

    Ce que la guerre fait aux hommes est la réflexion que génère ce livre.

    Dans ce récit, Un couteau dans la tête, c’est – par propagation de cette violence initiale – l’inceste qui est nommé, qui détruit ses victimes et les proches. Violence propagée dans la tête de tous :

    « ce couteau dans ta tête
    secrètement porté

    il s’enfonce partout
    s’enfonce dans ta vie

    s’enfonce dans tes yeux
    et dans tes mains de père

    et dans tes mains d’amant
    dans toutes tes mains d’homme
    (…) »

    « il continue sa guerre
    (…)
    la blessure est profonde
    qui ne se connaît pas
    (…)
    de père en fille
    jusqu’en petite fille »

    Le couteau qui tranche, ce sont aussi les mots répétés de la mère violée, détruite, « tous les hommes sont des monstres », mots venus de l’enchaînement des drames qu’elle vit, détruite, détruisant à son tour.

    Le sujet est répandu. Il occupe fréquemment l’espace médiatique, au point que, involontairement, nous le reléguons en place de faits divers à moins que, par effet de voyeurisme, nous ne nous y intéressions quand le monde des « people » est concerné.

    Mais quand une poète comme Claudine Bohi s’en empare, c’est autre chose qui se passe : le terrible tragique est posé là sous nos yeux, sans pathos, sans lamento, avec la seule force de ce qui se joue. Dire pour l’arracher, ce couteau planté dans la tête. Dire pour mettre fin aux violences qui s’enchaînent. Dire, comme l’ont fait jadis les grands poètes tragiques grecs.

    Un couteau dans la tête est un livre puissant.

    Claudine Bohi ouvre ce recueil par un hommage à la langue poétique :

    « Il n’y a sans doute que la parole poétique, celle où les mots sont aussi musique,
    pour que puisse enfin surgir ce qui laissa sans voix. (…) »

    Et sans doute a-t-elle eu raison. Car c’est grâce à elle, à la maîtrise qu’en a l’autrice, que ce livre atteint son efficacité : force, délicatesse, partage. On a déjà pu le mesurer aux citations données plus haut.
    Je pourrais citer aussi de nombreuses pages où le rythme subit comme une accélération essoufflée, dans la scène de l’inceste, dans le martèlement de la parole maternelle, dans le départ du père.

    « Elle a cinq ans de boucles blondes
    et de caresses

    un soir d’hiver où il ne neigeait pas

    simplement froid dessus
    jusqu’à fendre les pierres

    elle s’en souvient encore

    elle a mal à son père
    elle a froid à son père

    il est parti au loin
    il est parti partout »

    C’est à chaque fois de l’irrespirable. Cette poésie a à voir avec le blues, la musique pour dire et atténuer la douleur, dans le partage et les effets lancinants.
    Il y a aussi le travail des couleurs. Le rouge du sang qui de réel devient métaphorique ; le blanc du mutisme, tant d’années à ne rien dire (malgré tous les livres écrits, qui s’approchaient peu à peu de cela), le blanc du brouillard – qu’a vu l’enfant, quelle horreur est fichée dans sa tête, qu’a-t-elle vécu ? -, le blanc de la neige qui recouvre (mais est-elle si pure ?), le blanc du regard qui veut se vider.

    « la petite fille s’endort
    dans le lit de la mère
    (…)
    un soir d’hiver
    où il ne neigeait pas

    le souvenir est blanc
    le geste est effacé

    où sont allés les mots
    où passa la parole

    où part la petite fille
    d’où elle ne revient pas »

    Mais la couleur qui , selon moi, domine au moment où je clos cette note, c’est la blondeur de la petite fille qui est celle du père, avec les mêmes yeux bleus, une image de la douceur trahie, abîmée, mais énoncée de manière répétée avec une telle tendresse, un tel enveloppement, les mots comme des bras d’amour, que je veux croire que ce livre est, pour l’adulte devenue, le sourire possible.

    « une petite fille dorée blondie
    comme un soleil en son premier matin »

     

    Patricia Cottron-Daubigné

     

     

    Claudine Bohi sur   →   Tdf 

     

     

  • Olivier Vossot | fils

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    Le vide est passé en moi.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " Je garde l’œil plaqué  contre la plaie silencieuse. "

    Aquatinte de  G.AdC 

     

                                                                                                           

     

     

     

    De quelle lenteur je me détache. Des mots ne sont pas les miens.
    Nous sommes l’ombre l’un de l’autre. Invisible, l’enfant en moi
    n’a pas d’autres mains que ses yeux.

    Les instants déroulent leurs volets clos derrière les fenêtres. Des
    images me reviennent, d’autres me regardent. Je garde l’œil plaqué
    contre la plaie silencieuse.

    Le passé prend corps à mesure que je déroule ma propre solitude,
    que je gravis le chemin abrupt. Je sens l’aggravation des ombres,
    le vertige. Il n’est plus temps de rebrousser chemin et à peine
    possible de me retourner. Le vide est passé en moi. Quelques mots
    dérisoires pour le combler, des gestes ou des prières. Je ne peux
    guère que deviner là où rien ne se donne. Main sur la pierre, les
    yeux clos.

    Le véhicule s’éloigne. La maison, derrière nous, rapetisse dans
    la nuit, éclairée de sa seule fenêtre. Lui, sur le siège passager, ne
    laisse rien paraître. En une seconde, grosse de terreur, je vois la
    nuque suintante, la figure difforme se retourner au carreau et me
    voir, savoir que c’est moi. Il m’était impossible de le quitter. J’ai
    compris qu’il était en moi. Le matin ne filtrait pas encore à travers
    les lames du volet.

    Dans le jardin, le jeu n’était qu’une attente de plus. Les murs
    blancs, silencieux, des soupirs dont on exige qu’ils portent tout le
    poids et se contiennent. L’ombre est lourde des fruits qui n’ont pas
    mûri. Du cri ancré en moi, comme si tout devait encore être vécu.
    Les terreurs laissées pour morte, les pensées niées arrachées à ce
    que je vivais. Enfant, je ne pouvais les fuir, ni fuir en elles.

    Je ne voulais pas voir. Je voulais que cela meure. Qu’il boive plus
    vite. Que le sommeil l’avale plus vite et qu’enfin en moi tout
    s’endorme.

    J’ai étouffé l’enfant. Le mal avec la racine.

    J’aperçois sa fêlure à lui, ma fragilité. Contigües l’une à l’autre. La
    plaie s’assèche. Je la regarde, muet, comme je regarde grandir mon
    propre fils.

    Dans les yeux de mon père ce n’est plus lui que je voyais. Jamais
    il ne quittait sa détresse pour la mienne. Les instants sans lien.
    Chaleur d’été sans issue. Comme l’intuition d’une patience qui
    n’est pas celle d’un enfant.

     

     

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    Olivier Vossot, « fils » III, in fils, Édition La Crypte 2023, pp. 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100.

     

    Olivier Vossot sur → Tdf