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DISCOURS, 4
(extrait) Je peux me consumer de tout l’enfer du monde Jamais je ne perdrai cet émerveillement Du langage Jamais je ne me réveillerai d’entre les mots Je me souviens du temps où je ne savais pas lire Et le visage de la peur était la chaisière aux Champs-Élysées Il n’y avait à la maison ni l’électricité ni le téléphone En ce temps-là je prêtais l’oreille aux choses usuelles Pour saisir leurs conversations J’avais des rendez-vous avec des étoffes déchirées J’entretenais des relations avec des objets hors d’usage Je ne me serais pas adressé à un caillou comme à un moulin à café J’inventais des langues étrangères afin De ne plus me comprendre moi-même Je cachais derrière l’armoire une correspondance indéchiffrable Tout cela se perdit comme un secret le jour Où j’appris à dessiner les oiseaux […] Louis Aragon, « Le Discours à la première personne », 4, Les Poètes, poème, éditions Gallimard, Collection Blanche, 1960 ; Collection Poésie/Gallimard, 1976, pp. 193-194. Texte revu et corrigé par l’auteur en 1968 et 1976. ![]() |
LOUIS ARAGON ![]() Source ■ Louis Aragon sur Terres de femmes ▼ → (sur Terres de femmes) Le Voyage d’Italie ■ Voir aussi ▼ → (sur Terres de femmes) 8 avril 1973 | Mort de Pablo Picasso (+ poème « La Belle Italienne » de Louis Aragon) |
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