Terres de Femmes

Mois : janvier 2014

  • Eli Flory, La Barbe d’Olympe de Gouges

    par Angèle Paoli

    Eli Flory, La Barbe d’Olympe de Gouges
    et autres objets de scandales,

    Alma, éditeur, Paris, 2014.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Pochoir olympe de gouge
    Source








    « LE SOLEIL NI LA MORT NE SE PEUVENT REGARDER FIXEMENT »




    Alma éditeur cherche des talents. C’est ce qu’annonce, sur la Toile, le bandeau de la maison d’édition. Avec Eli Flory, et sa très décoiffante « galerie de portraits », La Barbe d’Olympe de Gouges et autres objets de scandale, la recherche est aboutie. Talentueuse, Eli Flory l’est assurément. Son dernier livre, qui allie avec brio fond et forme, se lit dans la jubilation. On rit des trouvailles de cette « scandaleuse » new-style, qui ose rajeunir et vivifier, dans une écriture quelque peu délurée mais nonobstant très tenue, nos chères icônes, sans pour autant vouloir les faire entrer de force dans un Panthéon post-moderne exclusivement réservé à la gent féminine.

    « Pas question, écrit Eli Flory en préambule, d’entrer dans ce livre comme dans un mausolée au fronton duquel serait inscrit ‘Aux grandes dames l’Humanité reconnaissante’ ».

    Que l’auteure se rassure, après cette première de couverture percutante par son côté « flashy », la porte non dérobée par laquelle je suis entrée dans cet étrange gynécée, c’est la table des matières. Elle donne le ton. Elle signe l’envol.

    La déclinaison anaphorique des huit titres est, à elle seule, irrésistible. « Elles font désordre / Elles font école / Elles font des affaires / Elles font des scènes / Elles font des histoires / Elles font tapisserie / Elles font le ménage / Elles font mauvais genre ». Et la curiosité est happée illico par le défilé des égéries dont l’auteure porte le flambeau et pour lesquelles elle a tant « aimé écrire ».

    Pour chacun des chapitres, en effet, s’égrènent des noms de femmes. Certains plus connus que d’autres. Mais qu’importe. Elles sont là, présentes, à égalité sous la plume vive d’Eli Flory. Femmes de lettres et de sciences, artistes, reines et cousettes, empoisonneuses et nonnains, dames de cour et putains, entremetteuses et espionnes… Elles traversent le temps et se côtoient dans l’aventure à laquelle elles ont été conviées. La Voisin voisine avec Violette Nozière et Catherine de Médicis. Lee Miller s’interpose entre Frida Kahlo et Mary Quant. Simone de Beauvoir trouve place entre Zelda Fitzgerald et François Sagan. Catherine II de Russie précède Olympe de Gouges qui précède Rosa Parks qui précède Billie Holiday… De cette joyeuse farandole, surgissent, comme au plus fort des grandes « manifs de 68 », les objets fétiches brandis par chaque révolutionnaire. On pourrait aussi penser, plus sagement, à ces puzzles pour enfant, dans lesquels il faut attribuer à chaque personnage l’objet qui le caractérise. Ainsi de la « barbe » pour Olympe de Gouges, de l’épée pour Ninon de Lenclos ; des voiles pour Isadora Duncan, de la toison pour Joanna Hiffernan, des cheveux courts pour Mathilde de Morny et des boules presse-papiers pour Colette ; de la pipe pour George Sand, de la guitare pour Sœur Sourire, de la lyre pour Sappho. Et pour Billie Holiday, un bien « étrange fruit ». Un chapitre se clôt avec Gabrielle Russier et sa Dyane ; un autre avec Brigitte Bardot et ses bébés phoques. Le dernier avec Maud Marin et son Dalloz. La liste est loin d’être close. Car elles sont cinquante-six à mener la sarabande. Et à entraîner le/la lecteur(trice) dans leur joyeux tohu-bohu. Car même si la mort est présente, crimes-suicides-sang-bûcher-poisons-échafaud… (les morts sont tout aussi variées que les vies et les attributs de chacune), Eli Flory s’arrange pour faire de l’écriture un véritable plaisir. Le style est vif, alerte, enlevé, enjoué. Le travail sur la polysémie, constant. L’érudition de la jeune agrégée de lettres, permanente. Dans un double « Effeuillage indicatif » — ouvrages généraux / ouvrages particuliers —, l’auteure dresse la liste des œuvres consultées et lues afin d’entrer au plus proche en connivence avec ses dames.

    Optant pour la brièveté et pour la rapidité du trait, l’auteure choisit de passer de l’une à l’autre de ses inspiratrices, faisant fi de tout souci chronologique. De sorte que les chapitres se suivent sans se ressembler. Chaque tableau est un tableau vivant, souvent cruel. Mais souvent aussi croustillant. Ainsi de ce final du chapitre quatre qui donne son titre au livre et coiffe l’ensemble des dames, « La barbe d’Olympe de Gouges » :


    Prison ne rime pas pour elle avec bâillon. Du fond de sa geôle, elle parvient encore à faire afficher dans Paris un pamphlet dénonçant les conditions de son incarcération. Le 2 novembre 1793, à l’aube, elle est jugée, sans l’avocat qu’on lui a refusé, et condamnée à mort par le Tribunal révolutionnaire pour avoir rédigé des écrits « attentatoires à la souveraineté du peuple ». De son côté, elle a fait son testament : « Je lègue mon cœur à la patrie, ma probité aux hommes, mon âme aux femmes. » Le lendemain, elle monte sur l’échafaud.

    Les hommes qui voulaient offrir à cette femme une « lame à raser la barbe » en ont trouvé une à sa mesure. Robespierre, avant d’y passer à son tour, teste sur elle le couperet de la guillotine. La prophétie d’Olympe se réalise : « Il n’y a qu’au pied de l’échafaud que les hommes et les femmes sont égaux. » Au dernier moment, la révolutionnaire, qui a tout autant la passion de la coquetterie que celle de l’égalité, réclame un miroir : « Dieu merci, mon visage ne me jouera pas de mauvais tours ! » Un témoin anonyme le confirmera : « Jamais on n’avait vu tant de courage réuni à tant de beauté. »


    Retour à la première de couverture, dessinée par Vaïnui de Castelbajac, artiste à qui l’on doit — dans un style bon enfant et plutôt naïf — toutes les illustrations de l’ouvrage. Une bouche rouge-baiser émerge d’une inquiétante barbe noire. Alliant dans un même ovale (celui d’un visage rendu invisible par la surabondance du poil) mâle et femelle, cette illustration transgenre annonce — implicitement — ce qui, chez ces dames, a provoqué l’esclandre. Toutes à leur manière, avec les armes disponibles à leur époque, se sont battues pour conquérir la liberté revendiquée par leur sexe. Et le sexe, c’est bien connu, a « ses raisons que la raison ne connaît pas ». Du moins la raison des hommes. N’est-ce pas elle qui dicte à l’encyclopédiste Pierre Larousse sa définition de la femme comme étant « la femelle de l’homme » ? Ou à Norman Mailer ses accusations contre Simone de Beauvoir : « Ma femme a lu Le Deuxième Sexe en 1950 et cela a détruit mon mariage. » Les exemples fourmillent, qui vont dans le même sens. Les pires propos contre les femmes étant tenus par François Mauriac.

    Ainsi, pouvoir et sexe mènent-ils la danse. Ninon de Lenclos n’hésite pas, tout juste âgée de onze ans, à déclarer tout de go à son père : « Je vous informe qu’à partir d’aujourd’hui, j’ai décidé de ne plus être une fille, mais de devenir un garçon. » Et le père, ravi (ils ne sont pas légions à manger de ce pain-là !) d’obtempérer et d’habiller sa fille en mousquetaire. L’habit ne faisant pas le moine, il se met en devoir d’initier son jeune garçon à l’équitation et à l’escrime. Plus tard, fidèle à sa première vocation, Ninon écrivant à Boisrobert, l’un de ses nombreux amants, confirme : « Les hommes jouissent de mille libertés que les femmes ne goûtent pas. Je me fais donc homme. » Eli Flory, qui n’a pas peur des mots, se garde, quant à elle, d’un langage prude. Un langage derrière lequel se lit pourtant la tendresse. Même lorsqu’il s’agit d’évoquer la Grande Catherine, impératrice de toutes les Russies. Il y a bien assez de mauvaises langues qui ne se privent pas de dénoncer les mœurs volages et l’insatiabilité sexuelle de la souveraine. Et qui vont même jusqu’à dire que la « tsarine libérale et libérée n’aurait pas résisté à l’assaut de l’un de ses chevaux d’écurie. » Petite mort qui aurait entraîné « la grande, la vraie, celle d’où l’on ne revient pas… »

    La bouche rouge-baiser est-elle l’une de celles par qui le scandale arrive ? Ou de celles qui dénoncent le scandale dont elles ont été l’objet, mises au ban de la société ? Souvent pour bien peu de choses. À moins que cette bouche ne figure la bouche lippue de l’actrice hollywoodienne Mae West, « bouche rouge sang » chère à Salvador Dali et immortalisée par l’artiste dans un « canapé botoxé à la mousse de polyuréthane et recouvert de lycra rouge vif… ». Elle est peut-être tout simplement la bouche d’Eli Flory l’insoumise, qui prête sa parole et sa plume à toutes celles qui, depuis la lointaine Antiquité jusqu’à notre bel aujourd’hui, ont fait couler la bile sur leur passage et fait se dresser bûchers et échafauds. Il fallait l’humour d’une femme, sa tendresse, sa finesse, son intuition, son savoir, pour rétablir ces dames dans le droit fil de la vie qu’elles désiraient conduire, dynamitant au cours des époques et de l’Histoire « la cage que les préjugés attachés à leur sexe ou à leur état » avaient maintenu « cadenassée. »

    Scandale ? Dérivé du grec, le terme est employé à l’origine dans la langue ecclésiastique pour désigner la « pierre d’achoppement », l’obstacle qui fait tomber dans le mal. Le Grand Larousse de la Langue Française précise que la théologie distingue « scandale actif et scandale passif ». Le premier désignant « l’acte lui-même » et le second, « le péché occasionné ». Étrange définition, dont la clarté n’est pas la caractéristique première. Pour Pierre Larousse, cependant, cette définition relève de l’évidence même. Elle prend tout son sens lorsqu’il écrit, à propos de Catherine de Russie :


    « Le grand scandale de son règne […], ce sont ses galanteries plus qu’orientales, cette suite prodigieuse, cette kyrielle d’amants qui se succèdent à l’infini, sans interruption ni cesse et jusqu’au dernier jour. Sous ce rapport, elle a dépassé Louis XV ; scandale bien plus grave encore chez une femme ; là est véritablement la tache indélébile que les panégyristes les plus enthousiastes ne pourront effacer. »


    Au cours du temps, se dégageant de la gangue théologique, le terme de « scandale » tend à voir son sens s’affaiblir. Quoi qu’il en soit, Eli Flory a raison de signaler la plasticité de cette notion (néanmoins connotée dans sa coloration moralisante), mais aussi son côté stimulant et tant soit peu « aguicheur ». Et l’auteure d’ajouter, toujours dans le préambule, que ces femmes n’ont en réalité eu d’autre préoccupation que l’activisme (« scandale actif » ?) qui les a poussées à se battre pour se forger leur propre vie. Raison suffisante pour qu’une femme, écrivain de surcroît, s’intéresse à elles, se penche un peu plus avant sur leur histoire, leur rende une part de leur vrai visage. Et leur restitue, à bon droit, la première place qu’elles ont souvent occupée. Est-ce aussi là que le bât blesse ?

    Christine de Suède, « première femme à être sacrée en 1650 roi des Suédois, des Goths et des Vandales. » / Madame de Pompadour, née Poisson : « première femme du peuple à se hisser si haut. » / Marie Sklodowska — devenue Marie Curie —, « première femme à diriger un laboratoire, première à utiliser le terme de ‘radioactif’, première à obtenir le prix Nobel, première scientifique à l’obtenir deux fois. »

    Et qu’en est-il de Joanna Hiffernan ? La belle Irlandaise, amante du peintre Whistler, n’est-elle pas le modèle qui a inspiré à Courbet sa Vénus de Milo ? Seule de sa catégorie à exhiber, sans retenue aucune, sa nature acéphale. Et ce, à la barbe du Second Empire scandalisé qui blêmit d’effroi « dans le tête-à-tête avec un sexe qui le dévisage, renvoyant le voyeur là d’où il vient : à l’obscène de sa conception. » Il y a fort à parier que, si le duc de la Rochefoucauld s’avisait de revenir parmi les vivants, il s’exclamerait à nouveau, face au « Paysage anthropomorphe » de L’Origine du monde : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement ».




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    ________________________________
    Note d’AP : cet ouvrage sera disponible en librairie à compter du 13 février 2014.






    Eli Flory, La Barbe d'Olympe de Gouges





    ■ Olympe de Gouges
    sur Terres de femmes

    7 mai 1748 | Naissance d’Olympe de Gouges



    ■ Voir aussi

    → (sur se site d’Alma éditeur)
    la fiche de l’éditeur sur La Barbe d’Olympe de Gouges





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  • Fabienne Raphoz, Terre sentinelle

    par Angèle Paoli

    Fabienne Raphoz, Terre sentinelle,
    Éditions Héros-Limite, janvier 2014.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Joan Miro L'Oiseau Solaire  (Fondation Miro  Barcelone)
    Ph., G.AdC








    « MIDI / JE REJOINS / L’ÉLÉGIE / DU JE / COMMUN »




    Après Jeux d’oiseaux dans un ciel vide, Fabienne Raphoz publie Terre sentinelle, à nouveau aux éditions Héros-Limite. Les « tampons » d’abeilles (ou de mouches) en jaune et violine (un seul tampon violine pour treize jaunes) qui papillonnent en couverture (sur la première et la quatrième), augurent d’emblée d’un voyage au cœur de la Nature. Et pour qui aime la nature et « tous les animaux de la terre » qu’elle nous offre, le plaisir du voyage est assuré. Un voyage léger, aérien. Ponctué, dans le feuilletage du livre, de taches, de bulles, de pointillés de constellations, d’ébauches d’alvéoles. Mais aussi de traits et de ponctuations d’oiseaux. Le serpent d’un cours d’eau ondule sur une page — tous les dessins sont d’Ianna Andreadis — tandis que quelques clichés miniatures en noir et blanc font leur apparition sur d’autres pages. L’ombre chinoise d’une tête caprine — une antilope bleue&nbsp— clôt le recueil dont le contenu se répartit en onze chapitres aux titres parfois mystérieux. Ur / Mozambique / Arva / Luco. À la fin de l’ouvrage, une nomenclature où sont énumérés les noms des animaux cités dans l’ouvrage, de A à Z. D’abeille à zèbre. Sans oublier l’eurycère de Prévost, l’hippotrague bleu, le maki catta… Et la vanga sittelle, un oiseau « fabuleux ». Terre sentinelle veille. À la protection des espèces, à l’évolution des formes, à leur diversité infinie. Immense. Terre de richesse, terre de calligrammes.

    Sur la page, la mise en espace varie. Les poèmes, minimalistes et souvent éclatés, appellent la respiration. Les grands blancs qui aèrent la page sont là pour cela. Certains poèmes suivent les ondulations capricieuses de l’Arve. Dont l’Ypsilon du bassin de déjection dessine son empreinte féminine au fond de la vallée. Le flux des mots — leur déboulement sur la page — mime les éboulis. À l’arrivée, l’Arve se prend au jeu du miroir :


    « et si

    schistes

    gypses

    cargneules

    moraines


    tous

    les

    é

    bou

    lis

    bou

    lent

    dans le lit

    d’Ar

        V

         a »



    La disposition des textes dans la page — alternance ou/et juxtapositions de poèmes et de proses —, leur typographie, s’adaptent à la forme que prend le discours : définitions (cluse, castor, torrent…), proverbes, contes populaires, extraits de traités géographiques, études, citations…

    Ainsi, au bas de la page 58, trouve-t-on, en corps de note, la définition du mot cœlacanthe :



    « Cœlacanthe sp., Latimeria sp.,
    Poissons à nageoires charnues
    (Sarcoptérygiens)
    Cœlacanthiformes, Latimeriidae »



    Et, à l’identique, page 59, en vis-à-vis de la définition du mot cœlacanthe, celle du dragon des mers :



    « Dragon des mers commun, Phyllopteryx
    taeniolatus,

    Poissons à nageoires rayonnées (Actinop-
    térigiens), Syngnathiformes, Syngnathidésés »



    Intitulée « L’évolution des formes s’étend à la couleur », la troisième section de l’ouvrage propose — en bas de chaque page — le nom d’un énigmatique animal ainsi que sa définition. Un peu plus loin, dans la même section, des listes tout aussi mystérieuses composent la page : « Proposition pour une nouvelle classification des syrphes vespichromes et / ou vespiformes ». Syrphe ? Mouche de la famille des syrphidés, de l’ordre des diptères, me dit le Petit Larousse. Suivent trois séries de listes de noms latins.


    Vespichrome / vespiforme. Il y a de l’abeille dans l’air. Cela se confirme avec le texte intitulé « Éloges », qui annonce l’existence de 35 noms français d’espèces d’abeilles. Elles ont un nom à faire rêver, les abeilles : « Mélipone des Mayas » (serait-ce elle qui aurait inspiré à Nisan Takahashi le dessin animé Maya l’abeille ?) / Mélipone des Kayapos / Mélipone des Isaias… Et l’on découvre, non sans un étonnement amusé, qu’il existe aussi, côté mâle, toute une Tribu Bombini, dans laquelle se cachent un Bourdon de Charlus, un Bourdon de Chaucer, un Bourdon de Jünger… Mais aussi un Bombus humilis d’Emily (Dickinson ? Que fait donc ici la poète de Amherst au milieu de tous ces mâles, invertis ou non ? Nous ne le saurons pas !)


    Ainsi, poètes et écrivains ont-ils chacun leur abeille :



    « abeille coucou de Virgile… / …de Michelet / …de Maeterlinck / …de Valéry »



    Pourquoi tout cela me rend-il euphorique ? Je l’ignore, à vrai dire ; sinon que ce savant effeuillage d’insectes, d’animaux en tous genres, accompagnés de tout leur complexe appareillage de familles, de genres, de sous-genres… et d’hommes de lettres, a quelque chose de totalement jubilatoire.


    Ailleurs, d’autres listes créent sur les pages toute une géographie de noms propres. La Terre veille sur ses habitants, veille sur les lieux qu’ils peuplent. Terre sentinelle livre de multiples définitions, les unes extraites d’un Précis de Géomorphologie, les autres d’une Revue de Géographie alpine, mais également de guides et de précis portant sur la Haute-Savoie :



    « Une étymologie :


    L’ARVE, affluent du Rhône est ordinairement noté Arva.

    Arva serait un nom préromain voire préceltique, on lui donne

    la signification d’eau courante.


    D’après Adolphe Cros, Étymologie des noms de lieux de la Savoie, Chambéry, 1935. »



    Et l’Arve de décliner, dans la section intitulée « de la gnature d’Arva » (« de la naissance d’Arva » ? mais aussi aphérèse de « signature » ?), toutes les formes de sa présence.


    Certains des ouvrages cités remontent à 1914. D’autres, plus loin encore dans le temps. Dix ans avant la Révolution Française. Comme ce récit de voyage, signé Horace-Ferdinand de Saussure. Alpiniste et naturaliste, ce contemporain de Jean-Jacques Rousseau, ancêtre du linguiste suisse de même patronyme Ferdinand de Saussure, est l’auteur de Voyages dans les Alpes, précédés d’un essai sur l’histoire naturelle des environs de Genève (1779). C’est que Fabienne Raphoz, ornithologue et érudite, connaît sa Haute-Savoie jusqu’au bout des phalanges. Autant dire à la perfection. Et rien, dans son approche, n’échappe à sa vigilance et à son savoir. Tout l’intéresse. Tout la passionne. Et voilà que la lectrice attentive se prend dans les rets de ce savoir et s’immerge dans la lecture des notices, notules, extraits, définitions et autres textes en écho avec la poésie.


    Et la poésie dans tout cela justement ? Elle est bien là, nonchalante dans la page, qui rebondit d’un mot à l’autre, creuse ses silences, dessine ses espaces. Et revêt toutes sortes de morphologies. Elle apparaît en filigrane, discrètement, à travers les noms des poètes qui se glissent parfois au détour d’une page. Ainsi du poète espagnol José Ángel Valente, dont le questionnement continue d’interroger la poète Fabienne Raphoz :



    « What killed the dinosaurs? se demande — en anglais

    dans le texte — José Ángel Valente — poète

    dans son Paysage — avec des oiseaux

    jaunes ?


    Qu’est-ce que j’entends ?


    La question, l’adresse, puis au-delà de l’adresse,

    la question. »



    Puis, en réponse, en page de droite, isolé en tête de page, cet aphorisme :



    « La variation propose le milieu dispose »




    Nicolas Pesquès (l’exergue extrait de La Face nord de Juliau, cinq mais aussi le vers « L’alouette cerf-volant dévida son plain-chant »), Philippe Beck (Poésies didactiques), Stéphane Bouquet (Amours suivants), tous poètes contemporains proches de Fabienne Raphoz, signent à tour de rôle leur présence. Mais aussi André du Bouchet, Eugène Guillevic, George Oppen, Cole Swensen, Robert Duncan. Et aussi des peintres. Yves Klein et Caspar David Friedrich.


    Au commencement, il y a la passion de la poète pour l’évolution. Et, de même qu’il y a chez Nicolas Pesquès l’obsession de cerner le « jaune de Juliau », il y a chez Fabienne Raphoz l’obsession de dire la couleur du monde. Celle du bleu qui domine dans la nature en évolution. Le bleu des rémiges des oiseaux, celui des astérides et des vélelles, celui de la mer et des forêts :



    « Bleu fait mâle

    demoiselle oiseau


    qu’encoeure l’or

    des filles


    au fil furtif

    à force



    d’éternité »



    ou encore, pour évoquer le cnidaire pélagique Velella vellela, ces filaments de bleu :



    « Bleu flotte

    médusé


    en colonie

    singulière




    œuvre vive

    de verre

    soufflé »



    De qui d’autre parle-t-elle ? s’interroge le lecteur. Sinon d’elle-même à travers les passions qui l’animent ? Et si elle parle d’Arva, n’est-ce pas d’elle (ou de sa naissance) qu’elle parle ? Même si, suivant le sillon creusé par le poète André du Bouchet, Fabienne Raphoz écrit, dans la section intitulée « de la gnature d’Arva » :



    « j’écris aussi loin que possible de moi »



    Et pourtant, pourtant poursuit-elle :



    « et pourtant
    parlant partant




    d’elle




    ne parle
    que de moi
    — fleuve

    Arva; »



    Trois pages plus loin, la poète confie :



    « j’écris le mot SOURCE
    pour que surgisse en moi
    la naissance d’Arva »



    et le fleuve, dès lors, entre passerelles et ponts, « divague à son gré » sur la page, jusqu’à l’ultime Ypsilon du torrent. S’ouvre alors la neuvième section du recueil : « Luco ». Quatre pages à peine. La poète y énonce ce qu’elle n’est pas. Naturaliste. Sous forme de répétition anaphorique, elle énumère, tout ce qu’elle a connu :



    « j’ai connu la garenne de Saint-Martin-des-Champs

    et les lapins aux cul-blanc

    j’ai connu la mare aux têtards

    et les métamorphoses… »



    et, actualisant son propos, annonce/énonce :



    « aujourd’hui onze mars je voudrais faire savoir


    que le magnolia explose
    que la canne couve
    que le troglodyte se découvre
    que les jonquilles s’ouvrent
    que les fleurs de crocus se fanent
    que le pigeon mort flotte
    que le colombin tient la garde
    que les abeilles abeillent »



    Mais la neige met fin soudain, à la fois à l’énumération et au processus de vie / de mort



    « et la terre
    Sentinelle


    s’interrompt. »



    Au commencement de l’écriture, il y a ce souci récurrent d’éloigner le « je » de la page. Une détermination de la même famille que celle qui dicte ces vers à Stéphane Bouquet, dans son recueil Amours suivants :



    « j’aime bien les mouches et tous les insectes qui ne sont pas

             tenaillés par le désir

         de dire je dans l’espèce. Imagine un monde sans première

                  personne où tout

       commencerait avec toi et avec ils. Bourdon abeille libellule

                  grillon éphémère »



    Et la poète de reprendre en écho, dans l’ultime section du recueil, « L’intimité du monde » (dont les vers de Bouquet sont l’exergue) :



    « oublie je
    écoute le grillon
    sous la pluie
    écoute les merles
    qui sont cinq


    oublie je


    offre »



    Pourtant, c’est bien dans « L’intimité du monde » que le poème prend son envol, délesté de toutes les balises du savoir qui jalonnent le recueil. L’interrogation est au cœur des mots pour peser ce que le poème peut dire :



    « dire le nom des choses
    et quelque chose
    se dénoue »



    Parfois le sentiment des limites se fait terriblement sentir et, avec elles, celui de l’incapacité à dire :



    « (d’ici)
    est-ce que le poème
    peut dire
    le secret

    — du grenier ?
    est-ce que la question

    — qui précède
    est toujours
    le poème ? »



    Ainsi, il y a des plaies que ni le merle ni le loriot ne parviennent à cautériser. Peut-être, certains jours, le chant des oiseaux et les mots du poème — leur accord provisoire —, permettent-ils de dépasser la peur et la « tristesse simple » / « de ce qui est perdu ». Le « je » retrouve alors droit de cité sur la page :



    .




    midi

    je rejoins

    l’élégie

    du je

    commun




    .





    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Fabienne Raphoz, Terre sentinelle, Éditions Héros-Limite, 2014.





    FABIENNE RAPHOZ


    PORTRAIT DE FABIENNE RAPHOZ
    Image, G.AdC



    ■ Fabienne Raphoz
    sur Terres de femmes


    [Qui voit ?] (extrait de Terre sentinelle)
    Géologie (extrait de Blanche baleine)
    « Leçons semblables aux oiseaux » (note de lecture d’AP sur Jeux d’oiseaux dans un ciel vide)
    Procellariiformes (extrait de Jeux d’oiseaux dans un ciel vide)
    Parce que l’oiseau (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BLDD, Belles Lettres Diffusion Distribution)
    <une fiche sur Terre sentinelle [PDF]





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  • Leopoldo Marechal | Madrigal en silva




    Rose naviguante
    Ph., G.AdC







    MADRIGAL EN SILVA




    Si entre las Islas Bienaventuradas
    está la tuya, Hermosa,
    pondré timón y velas a la rosa.


    Mi hermano, el viento de las ocho espadas,
    no abatirá la flor, si se lo pido,
    ni el mar que aguijonea sus boyadas,

    boyero encanecido,
    para que bogue sin dolor y cante

    la rosa navegante.


    Aventa el humo, allana tus senderos,

    provincia nemorosa,
    si quieres que laudables marineros
    no lloren el naufragio de la rosa.







    MADRIGAL EN SILVES




    Si ton île, ma Belle, se trouve parmi
    les Îles Bienheureuses,
    à la rose mettrai voile et timon.


    Le vent, mon frère, avec ses huit épées,
    ne tranchera la fleur, à ma demande,
    ni la mer, vieux bouvier,

    qui harcèle ses bœufs,
    pour que vogue heureuse et que chante

    la rose navigante.


    Évente la fumée, aplanit tes sentiers,

    ô mon pays boisé,
    pour que les louables marins
    ne pleurent pas la rose naufragée.




    Leopoldo Marechal, Poèmes, Centre culturel argentin, Collection Nadir (15), Paris, 1985, pp. 78-79. Introduction, sélection et traduction de Bernard Sesé.





    LEOPOLDO MARECHAL


    Leopoldo Marechal 2
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la Fondation Leopoldo Marechal)
    une bio-chronologie (en français) de Leopoldo Marechal [PDF]
    → (sur A media voz)
    une notice bio-bibliographique et une sélection de poèmes de Leopoldo Marechal
    → (sur poesi.as)
    une sélection de poèmes de Leopoldo Marechal
    → (sur Poemas del alma)
    plusieurs poèmes de Leopoldo Marechal
    → (sur YouTube)
    Leopoldo Marechal disant « Descubrimiento de la Patria », poème extrait de Heptamerón





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  • Nuno Júdice | Deus




    Un point qui brille
    Ph., G.AdC








    DEUS




    À noite, há um ponto do corredor
    em que um brilho ocasional faz lembrar
    um pirilampo. Inclino-me para o apanhar
    — e a sombra apaga-o. Então,
    levanto-me: já sem a preocupação
    de saber o que é esse brilho, ou
    do que é reflexo.
    Ali, no entanto, ficou
    uma inquietação; e muito tempo depois,
    sem me dar conta do motivo autêntico,
    ainda me volto no corredor, procurando a luz
    que já não existe.




    Nuno Júdice, Meditação sobre Ruínas, Quetzal editores, Coleção Poesia, 1994 ; Edição/reimpressão 1999.







    DIEU




    La nuit, il y a dans le couloir
    un point qui brille comme
    un ver luisant. Je me penche pour le saisir
    — et l’ombre l’efface. Alors,
    je me lève : déjà sans la préoccupation
    de savoir ce qu’est cette lueur, ou
    de quoi elle est le reflet.
    Là, cependant, persiste
    une inquiétude ; et longtemps après,
    sans me rendre compte du vrai motif,
    je retourne dans le couloir, cherchant la lumière
    qui n’existe plus.




    Nuno Júdice, Méditations sur des ruines in Un chant dans l’épaisseur du temps, suivi de Méditations sur des ruines, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 1996, réimp. 2001, page 144. Traduit du portugais par Michel Chandeigne.





    NUNO JÚDICE


    Nuno_judice1
    Source




    ■ Nuno Júdice
    sur Terres de femmes

    Désir (poème extrait de Geometria Variável)
    Lisboaxaca (poème extrait de Guia de Conceitos Básicos)
    Semiología (poème extrait de o movimento do mundo)
    Un thé dans la véranda (poème extrait de Naviguer à vue)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur BiblioMonde)
    une notice bio-bibliographique sur Nuno Júdice
    → (sur Recours au poème)
    cinq poèmes de Nuno Júdice
    → (sur La Pierre et le Sel)
    une page sur Nuno Júdice
    → (sur lepetitjournal.com )
    un portrait de Nuno Júdice
    → (sur le site de la Fondation Calouste Gulbenkian)
    une bio-bibliographie (en portugais) de Nuno Júdice
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Nuno Júdice dits par l’auteur





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  • Corinne Le Lepvrier | [Je me suis arrêtée, je tourne à vide]




    Le ciel transpercé de nuages
    « Où est-ce que ça vit ce qu’on écrit ? »

    Image, G.AdC








    [JE ME SUIS ARRÊTÉE, JE TOURNE À VIDE]





    Je me suis arrêtée, je tourne à vide.



    Ciel et oiseau qui traînent.



    C’est eux certaines fois qui m’empêchent de dormir.



    Où les phrases sont tout à la fois détachées et solidaires
    les unes des autres.



    Plus aucune visibilité, plus visible à moi-même.



    Les statistiques sont là : nous mourrons davantage
    lorsque le temps est mauvais.



    Avec ce vent de mer j’ai peine à t’entendre.



    On n’a pas pris la précaution que tu me montres où
    sont les autres morts.



    Où est-ce que ça vit ce qu’on écrit ?



    Je trouve pas : je cherche quelques mots qui diraient
    encore plus grand que ta vie : quoi papa ?



    Je pressentais ce lien indicible entre aimer et mourir ;
    je l’avais lu.



    C’est avec retenue que j’évoque les oiseaux : je ne
    voudrais pas me tromper.



    Nous n’écrirons jamais (plus loin) que la feuille, que la
    vie ; lits où nous aimons, où nous mourrons.



    La mémoire incertaine et volatile.



    Le ciel transpercé de nuages ; ce moment où ça parle
    (de toi) sans toi.




    Corinne Le Lepvrier, Pourquoi la vie est si belle ? (avec Néo et un peu d’oiseaux —pour aider—), Éditions LansKine, 2013, pp. 24-25.





    CORINNE LE LEPVRIER


    Corinne Le Lepvrier 2
    Source




    ■ Corinne Le Lepvrier
    sur Terres de femmes


    Compte de femmes (lecture d’AP)
    Sophie Eustache, Corinne Le Lepvrier | El blâd el medina le pays la ville (extrait des Allantes)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Corinne Le Lepvrier
    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Corinne Le Lepvrier





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  • Paul Valet | La liberté




    Jusqu'à l'oubli de mes cendres.
    Ph., G.AdC







    LA LIBERTÉ





    À l’orée de la liberté
    L’herbe se fait haute
    Parfumée
    Tendre
    Infranchissable


    La plaine d’où je viens
    A des yeux sans paupières


    Comment caresser
    Toutes les ailes qui m’habitent
    Avec des mains de proie ?


    J’ai perdu peu à peu
    Jusqu’à l’oubli de mes cendres.




    Paul Valet, Table rase, Mercure de France, 1963, in Jacques Lacarrière, Paul Valet | Soleils d’insoumission, Éditions Jean-Michel Place, Collection Poésie, 2001, page 60.







    Paul Valet PAUL VALET


    Paul Valet
    Source




    ■ Paul Valet
    sur Terres de femmes


    Raison vacante (poème extrait de Paroles d’assaut)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    Paul Valet, la poésie à l’os
    → (sur remue.net)
    Paul Valet, par Jacques Josse
    → (sur le tiers livre)
    soleils d’insoumission : Paul Valet (+ quelques repères biographiques)
    → (sur le site de Guy Darol)
    une page sur Paul Valet





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  • Éric Sautou | [comme le héron je descends de ma fenêtre]


    Ce sont dans le miroir
    Ph., G.AdC








    [COMME LE HÉRON JE DESCENDS DE MA FENÊTRE]




    comme le héron je descends de ma fenêtre
    je n’ai pas un cœur tout neuf n’ai pas de plumes sur le dos
    dans la fenêtre la lune il y a des chevaux
    des ânes des chevaux



    nous arrivons dans le soir nous en rêvions
    que reviennent les fleurs (étoiles de jadis)



    je vois dans le noir (dans l’eau noire
    qui garde mon secret)
    le chemin familier



    le roi s’approche à mon chevet
    je voyage d’île en île (dans un jardin de fleurs) ma maison
    le chêne à l’intérieur les marches d’escalier
    les pierres au fond de l’eau
    (ou la mélancolie)
    ma maison morte ce matin le chemin
    le roi s’est relevé
    s’est métamorphosé



    fleurs sauvages épanouies
    les arbres dévastés
    il pleut sur les reflets
    ma maison est un lac
    ce sont dans le miroir
    le monde et les couleurs
    des enfants tête-bêche
    ont écrit sous le ciel
    nous allons disparaître
    est-ce que je reviendrai



    Éric Sautou, Les Vacances, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2012, page 52.






    Vacances Sautou





    ÉRIC SAUTOU


    Sautou 2
    Ph. Sébastien Solidon
    Source





    ■ Éric Sautou
    sur Terres de femmes


    À son défunt (lecture d’AP)
    Beaupré (lecture d’AP)
    [c’était ça simplement ça] (extrait de Beaupré)
    [Lire les poèmes] (extrait de Jours viendront)
    La vie éternelle, I (extrsait d’Une infinie précaution)
    La Véranda (lecture d’AP)
    [assise et seule assise] (extrait de La Véranda)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Éric Sautou
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Éric Sautou





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  • Maria Desmée | [La forme que prend le mot]




    L'ossature des mots
    Ph., G.AdC







    [LA FORME QUE PREND LE MOT]




    La forme que prend le mot
    est une chose impalpable.
    Seul l’objet qu’il désigne
    peut devenir obstacle

    Une parole blanche contre
    l’ossature des mots
    à la croisée des vents le faucon
    se moque de la rugosité de la pierre

    Portes du vent, souffle qui porte
    dans le troupeau des herbes hautes
    Porte dans le feulement qui lèche l’os
    l’incandescence du désir



    Maria Desmée, Diagonale du désir, Éditions Mazette, 2012, pp. 13-15-17. Avec 22 monotypes de l’auteur.





    Diagonale du désir 2





    MARIA  DESMÉE


    Maria Desmée
    Source



    ■ Maria Desmée
    sur Terres de femmes

    À l’infini (extrait de De quelle nuit)
    [No way to sleep this night] (extrait de Paris, New York, Cleveland)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Encres vagabondes)
    une page sur Diagonale du désir
    → (sur le site de la Maison de la Poésie de Namur)
    une note de Béatrice Libert sur Diagonale du désir





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  • Fabienne Raphoz | [Qui voit ?] [Terre sentinelle]





    Loriot --- vers les débris du bleu
    Image, G.AdC








    [QUI VOIT ?]





    Qui voit ?

        pas moi


    le chant

    précède                        l’oiseau








    Celui des steppes sourit plus jaune que le Ravisseur ; l’Émeraudine & l’Améthystine
    font la jungle & le ciel ; la Tambourette le nuage & le sous-bois ; la Masquée l’Afrique
    & l’Arabie ; le Bateleur rythme le tout ; aigles & colombes aiglent & colombent indeed





    ciel sol

    itude

    de vents contraints

    l’empaillade a vécu

    vivra

    paisible le bras

    fleuve d’une mère

    quand rynchée rit des rives

    et piété décryptée

    dans le viseur

    sans visée


    qu’un oujda







    L’alouette cerf-volante dévida son plain-chant

    un bourdon-relais flappe ici du vexille

    quand coucou foliocole haut l’acacia





    la jungle agglutine

    — encore un peu —

    l’à-pic

    loriot                       s’émeraude

    en tête

    plus grave

    vers les débris

    du bleu






    Fabienne Raphoz, « Je parle Mozambique » in Terre sentinelle, Éditions
    Héros-Limite, Genève, 2014, pp. 65-66-67.






    Fabienne Raphoz, Terre sentinelle, Éditions Héros-Limite, 2014.





    FABIENNE RAPHOZ


    PORTRAIT DE FABIENNE RAPHOZ
    Image, G.AdC



    ■ Fabienne Raphoz
    sur Terres de femmes

    Géologie (extrait de Blanche baleine)
    « Leçons semblables aux oiseaux » (note de lecture d’AP sur Jeux d’oiseaux dans un ciel vide)
    Procellariiformes (extrait de Jeux d’oiseaux dans un ciel vide)
    Parce que l’oiseau (note de lecture d’AP)
    Terre sentinelle (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BLDD, Belles Lettres Diffusion Distribution)
    <une fiche sur Terre sentinelle [PDF]





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  • Marie Ginet | Invasion de nuages




    Marseille en dérive cette pluie qui t'étreint d'où vient-elle
    Ph., G.AdC








    INVASION DE NUAGES




    Marseille haute pression
    la pluie mouille tes rues
    tes collines tes tuiles
    tes stades bleus et blancs
    tes vieilles peaux de la corniche
    tes amandiers tes grues tes abribus

    Des migrants se tassent
    dans tes entrepôts de béton perforés
    taules qui suintent gouttes à gouttes

    Des femmes gibier marchent dans tes rues
    une petite fille qui les bras tendus dans la solitude
    tourne plus vite que la terre…
    une autre qui danse au lavoir de la rue de Rome

    Marseille en dérive
    cette pluie qui t’étreint d’où vient-elle ?

    A-t-elle connu Dunkerque
    toutes fumées dehors ?

    S’est-elle levée du terrain vague,
    à la lisière de la falaise et des dunes balayées de vent ?

    Est-ce ma pluie de frontière belge qui ce matin
    mouille tes églises et les voiles de ton vieux port ?

    Le présentateur météo le prétend…
    qui raconte invasion de nuages
    survolant dans la nuit : Versailles somptueuse
    Nevers mousse lente Orcival indicible
    Valence Vallée du Rhône via le golfe du Lion

    J’épouse les gouttes d’eau
    pour agrandir ton silence humide




    Marie Ginet, Marseille terrain vague, La Revue des Archers (publication littéraire semestrielle), n° 23, décembre 2013, page 126.





    MARIE GINET


    Marie Ginet. 2
    Source



          Marie Ginet alias Ange Gabriel.e se passionne pour la poésie et pour l’oralité, et a rejoint le mouvement slam en 2001. Elle a animé des rencontres littéraires avec Bernard Noël, Charles Juliet, Salah Stétié, Valérie Rouzeau, et propose depuis septembre 2009 une émission radiophonique hebdomadaire « Les voix du slam », diffusée sur dix-huit radios du Nord de la France. En mars 2010, les éditions de l’Agitée ont publié Souffles nomades, un livre album préfacé par Jean-Pierre Siméon. Formée à l’animation d’ateliers d’écriture à l’ALEPH de Paris, elle a animé des dizaines d’ateliers auprès de détenus, de jeunes en difficulté, de retraités et de passionnés de littérature,… Elle s’attache à faire découvrir et aimer la poésie contemporaine, et encourage la création et la prise de parole par/pour toutes et tous.





    ■ Marie Ginet
    sur Terres de femmes

    [Être de quelque part. Ou juste en venir] (extrait de Dans le ventre de l’Ange et autres cachettes)
    Une scie contre les barreaux (extrait de Pulsation)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Plus vaste que nous



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    une recension de Souffles nomades de Marie Ginet, par Dominique Sorrente





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