Terres de Femmes

Mois : avril 2011

  • Corse_3 2 avril 742 | Naissance de Charlemagne

    Éphéméride culturelle à rebours



    Charlemagne.2
    Figure de proue du vaisseau Le Charlemagne (détail)
    sculpture (ronde-bosse en tilleul décapé), 1851
    réalisée d’après un Portrait de Charlemagne
    par Louis-Félix Amiel (1802-1864), 1837
    Musée de la Marine, Salle des figures de proue, Paris
    Source






    CAROLUS MAGNUS



        Il est difficile, en l’absence de documents écrits, de dater de manière précise la naissance de Charles 1er. Sans doute le 2 avril 742 ou 747. Difficile aussi de situer les faits marquants de l’enfance de celui qui prendra plus tard le nom de Carolus Magnus ― Charles Le Grand ― ou encore de Charlemagne. Ce qui est sûr, c’est qu’il est le fils de Pépin, dit « le Bref », roi des Francs et de la reine Bertrade de Laon (Berthe, dite « au grand pied »). Petit-fils de Charles Martel, maire du palais, Charlemagne s’inscrit, comme son frère et rival Carloman, dans la dynastie des Carolingiens dont il est le second roi (768-814). À la mort de son père, en 768, Charles hérite avec son frère Carloman d’un vaste territoire qu’ils se partagent. Carloman obtient la Gaule centrale et méridionale. Charles reçoit un territoire plus vaste encore, qui s’étend de l’Aquitaine jusqu’en Germanie, en passant par la Neustrie et l’Austrasie. À la mort de Carloman (771), Charles inclut à son propre patrimoine l’ensemble des terres de son frère. Devenu seul roi de France, Charles va s’attacher à consolider l’unification de la Gaule. Une fois achevée la pacification de la Gaule, il s’attache à étendre son Empire au-delà des frontières. La Saxe, la Carinthie, la Lombardie, le duché de Spolète, la marche de Bretagne et la marche d’Espagne lui appartiennent. Mais l’Empire s’étend bien au-delà et à la fin du VIIIe siècle, Charlemagne est bel et bien l’empereur le plus puissant d’Occident.

        Éginhard, biographe de Charlemagne, a laissé de l’empereur des portraits précis. Il le décrit comme un colosse de 1m90, bien bâti et bien proportionné. Ses cheveux étaient courts et il portait une petite moustache tombante (il faudra attendre La Chanson de Roland pour voir apparaître la fameuse « barbe fleurie »), pareille à celle que l’on trouve sur les monnaies frappées à son effigie par l’atelier de Mayence. Il se dégageait de sa personne imposante une impression de grande autorité et de grande dignité. Élevé dans la langue germanique, Charles n’a pas fréquenté les livres durant son enfance et son adolescence. Peu instruit et souffrant de cette terrible carence, Charles s’entoure de gens cultivés et d’érudits qui lui font la lecture des grands textes. Ainsi de La Cité de Dieu de saint Augustin, texte fondateur, d’où il tirera l’essentiel de son idéologie politique. Parmi ses maîtres les plus prisés figurent Raban Maur, l’un des instigateurs de la renaissance carolingienne et Alcuin, membre de l’Académie palatine, maître de Charlemagne et son principal conseiller.





    QUIERZY-SUR-OISE ET A CORSICA



        Le lieu de naissance de Charlemagne est sujet à controverse. D’aucuns le font naître quelque part en Allemagne. D’autres en Neustrie, berceau du pouvoir familial (nord-ouest du royaume franc). Plus précisément à Quierzy-sur-Oise, dans l’Aisne. Quelle importance, direz-vous ? Hé bien justement ! Cette découverte récente, faite au hasard de mes lectures sur/à propos de la Corse et sur son histoire, a quelque chose de fascinant. Quierzy dans l’Aisne. Quel rapport ce petit village a-t-il avec la Corse ? Il aura fallu que je quitte la Picardie et que je revienne vivre en Corse pour que je découvre l’existence de Quierzy et le lien ténu mais pourtant bien réel qui le rattache à a Corsica. Et, du même coup, faire remonter les voies de l’imaginaire jusque sous les brumes lointaines de Picardie.

        C’est là, en effet, à Quierzy-sur-Oise, que se trouvait la résidence principale de Charles Martel. Et c’est dans le château de Quierzy-sur-Oise qu’eut lieu en 754 l’assemblée au cours de laquelle le roi Pépin « le Bref » céda la Corse au pape Étienne II. Le pape s’était rendu en personne en Neustrie pour participer à cette assemblée, appelée Promesse de Quierzy.

        La Corse faisait donc partie intégrante du patrimoine franc des Carolingiens. Elle se trouvait déjà au cœur des enjeux géostratégiques de Méditerranée. Et l’origine des droits pontificaux sur la Corse remonte bien à cet acte de 754. « Ce document marque précisément l’ouverture des rapports diplomatiques entre Pépin et la papauté »1. Il faut chercher les raisons de cette décision dans le désir de sauvegarder les régions dévastées par les invasions des Lombards. À commencer par la Corse. Viennent ensuite les villes de Pistoia et de Lucca. Mais ni la Sicile ni la Sardaigne, pourtant îles voisines, ne font partie de cette « donation ».

        Outre que ce document de Quierzy confirme la présence lombarde dans l’île — présence qui remonterait au milieu du VIIe siècle —, il atteste de l’importance de ces décisions d’ordre politique. Inquiétée par la progression de la présence lombarde en Méditerranée, la papauté se tourne vers les Carolingiens, seuls susceptibles de freiner cette redoutable hégémonie. Dans sa négociation avec le pape, Pépin demande que lui soit octroyé le titre de « Patrice des Romains ». Cet événement politique considérable signe l’alliance diplomatique du roi Franc avec la papauté. Autorité temporelle et autorité spirituelle se trouvent ainsi liées par cet acte fondateur. Pépin consolide cette alliance en se rendant en Italie pour recevoir du pape, en 755, la couronne de roi.

        Quelques années plus tard, en 774, Charlemagne, « roi des Francs », confirme ces donations et les étend en ajoutant l’exarchat de Ravenne, propriété de l’empire Byzantin. « C’est la marque que pour Charlemagne les rapports avec la Rome pontificale sont importants, que la Corse y tient sa place, et que les revendications papales sont prises au sérieux. »2

        Ces prises de position permettent à Charlemagne d’affirmer sa suprématie sur l’autorité du pontife :

        « Nous faisons connaître ainsi le plus clairement la puissance impériale, pour le grand bien de notre Sainte Église de Dieu »3, trouve-t-on écrit dans une lettre de 808, adressée par l’empereur au pape Léon III, successeur d’Hadrien.

        Au début du IXe siècle, la Corse et les Corses vivent sous l’autorité de Charlemagne et de ses représentants. Et l’histoire de la Corse carolingienne remonte bien à Charles Martel et à la Promesse de Quiercy.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    1.2.3 : citations extraites de l’ouvrage de Jean-Marie Arrighi et Olivier Jehasse, Histoire de la Corse et des Corses, Perrin/Colonna Éditions, 2008.




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  • Franco Fortini | Il presente




    A il sole dentre l acqua
    Ph., G.AdC





    IL PRESENTE



    Guardo le acque e le canne
    di un braccio di fiume e il sole
    dentro l’acqua.

    Guardavo, ero ma sono.
    La melma si asciuga fra le radici.
    Il mio verbo è al presente.
    Questo mondo residuo d’incendi
    vuole esistere.
                             Insetti tendono
    trappole lunghe millenni.
    Le effimere sfumano. Si sfanno
    impresse nel dolce vento d’Arcadia.
    Attraversa il fiume una barca.
    E’ un servo del vescovo Baudo.
    Va tra la paglia d’una capanna
    sfogliata sotto molte lune.
    Detto la mia legge ironica
    alle foglie che ronzano, al trasvolo
    nervoso del drago-cervo.
    Confido alle canne false eterne
    la grande strategia da Yenan allo Hopei.
    Seguo il segno che una mano armata incide
    sulla scorza del pino
    e prepara il fuoco dell’ambra dove starò visibile.






    B sur l ecorce du pin
    Ph., G.AdC





    LE PRÉSENT



    Je regarde les eaux et les cannes
    d’un bras de fleuve et le soleil
    dans l’eau.

    Je regardais, j’étais mais je suis.
    La vase sèche entre les racines.
    Mon verbe est au présent.
    Ce monde, reste d’incendies,
    veut exister.
                          Des insectes tendent
    des pièges longs comme des millénaires.
    Les éphémères se dissipent. Se défont
    gravés dans le doux vent d’Arcadie.
    Une barque traverse le fleuve.
    C’est un serf de l’évêque Baudus.1
    Il franchit la paille d’une cabane
    effritée sous maintes lunes.
    Je dicte ma loi ironique
    aux feuilles qui bourdonnent, au vol
    nerveux du dragon-volant.
    Je confie aux cannes fausses éternelles
    la grande stratégie du Yenan jusqu’à l’Hopeï. 2
    Je lis le signe qu’une main armée grave
    sur l’écorce du pin,
    elle prépare le feu de l’ambre où je resterai visible.




    1.Baudus : évêque imaginaire du Moyen Âge.
    2. Marche des armées révolutionnaires chinoises de Yenan à Pékin (1936).



    Franco Fortini, Ce mur (1962-1972) [Questo muro, Mondadori, Milano, 1973], in Une fois pour toutes*, Poésie 1938-1985, éditions fédérop, 1986, pp. 78-79. Poème traduit de l’italien par Bernard Simeone.




    * Note d’AP : recueil composé de Una volta per sempre, 1938-1973, Einaudi, Torino, 1978 et de Paesaggio con serpente, 1973-1983, Einaudi, Torino, 1984, et de trois inédits.






    FRANCO FORTINI

    Vignette FRANCO FORTINI
    Source



        D’origine juive par son père, Franco Fortini ― Franco Lattes de son vrai nom, Fortini étant le patronyme de sa mère, de religion catholique ―, naît à Florence le 10 septembre 1917. Diplômé en droit et en lettres, il travaille dans le département publicitaire d’Olivetti à Milan de 1949 à 1953. Il devient par la suite conseiller éditorial d’Einaudi à Turin, puis enseigne dans diverses écoles supérieures avant d’occuper, à partir de 1971, une chaire d’Histoire de la critique littéraire à l’Université de Sienne. Il participe à l’élaboration de nombreuses revues parmi lesquelles Il Politecnico ― en collaboration avec Elio Vittorini ―, la revue européenne Arguments ― en collaboration avec Edgar Morin et Roland Barthes ―, Officina, Quaderni piacentini, Ragionamenti et Paragone. Il écrit également dans divers quotidiens de la presse italienne. Fortini est aussi reconnu comme traducteur de Proust, Eluard, Brecht (que Fortini a été le premier à traduire), Goethe, Flaubert, Gide et Simone Weil.
        Franco Fortini est mort à Milan le 28 novembre 1994.

         Franco Fortini est l’auteur d’une œuvre importante qui comporte des récits, des essais et de nombreux recueils poétiques : Foglio di via e altri versi (1946), Una facile allegoria (1954), Poesia e errore 1938-1957 (1959), Una volta per sempre (1963 ; rééd. 1978), L’ospite ingrato, testi e note per versi ironici (1966), Questo muro 1962-1972 (1973), Il ladro di ciliege e altre versioni di poesia (1982), Paesaggio con serpente 1973-1983 (1984).



    ■ Voir aussi ▼

    L’ospite ingrato, rivista on line del Centro Studi Franco Fortini
    → (dans Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    d’autres poèmes extraits du recueil ci-dessus
    le site des éditions fédérop
    → (sur wikipedia.it)
    le très riche article (en italien) consacré à Franco Fortini

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  • Catherine Weinzaepflen | la terre est ronde



    Les bananiers 1
    Ph., G.AdC





    LA TERRE EST RONDE




    les bananiers encore à 10 000 kilomètres de distance
    Ouest ici à Los Angeles
    Sud ceux de l’enfance en Afrique
    et ce livre de Lespiau reçu à L.A.
    les avions oui les avions, Opération Lindbergh le titre du livre
    un livre dans lequel je lis page 3 « la parole hélice… Hawaii, Maui, Kaholawe, Oahu, Lanai… »
    manque Kauai (que je découvrirai dans 3 jours)
    comment la concordance de cet envoi et mon voyage ?
    il est ce soir (28 juillet 2002) 1 heure du matin autour des bougies
    ils dorment
    l’humidité de la nuit et la silhouette des bananiers aux hautes feuilles déchiquetées sur un ciel jamais noir (les néons de L.A.)
    un avion (le bruit) sur ce ciel gris de nuit et le toit des maisons en silhouettes noires (un noir dense comme jamais le ciel de la mégapole) j’écris à la bougie (piscine invisible dans l’obscurité) sur la nappe humide où nous dînions deux heures plus tôt
    cette discussion inopinée sur l’impérialisme américain
    mon enfant (15 ans) montant au créneau j’en reste encore surprise
    « comment Pearl Harbour pourrait justifier Hiroshima ? »
    cette terrible obstination des Français, ils répondent
    crétinerie de tout nationalisme et le monde va
    je veille, les bougies se consument dans la rapide lenteur du temps et la pensée de Galilée
    J. surgit de sa chambre
    silhouette dénudée dans la maison où même les animaux dorment (chien et chats)
    sexualité empêchée comme la pensée de cette nation
    ils ont leur drapeau accroché sur la façade de leur maison entre jasmin et bougainvillées, et leur pensée vaine
    un avion encore
    lumière fixe plus 2 clignotantes qui miment les étoiles (250 personnes à bord)
    tout est si ridiculement dérisoire



    Catherine Weinzaepflen
    Texte inédit
    pour Terres de femmes (D.R.)






    Les bananiers 2 (1)
    Ph., G.AdC






    CATHERINE WEINZAEPFLEN




    ■ Catherine Weinzaepflen
    sur Terres de femmes


    Avec Ingeborg (lecture d’AP)
    Celle-là (lecture d’AP)
    L’Odeur d’un père (lecture d’AP)
    [Quand j’ai onze ans] (extrait de L’Odeur d’un père)
    Le Rrawrr des corbeaux (lecture d’AP)
    Huit [avec Jean-Jacques Viton](extrait du Rrawrr des corbeaux)
    8 juillet 1593 | Naissance d’Artemisia Gentileschi (+ un extrait du roman Orpiment)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site du cipM)
    une page bio-bibliographique sur Catherine Weinzaepflen (+ deux extraits archives sonores)






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  • TdF n° 77 ― avril 2011


    LOGO TDF AVRIL 2011
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS D’AVRIL 2011


    Terres de femmes ― N° du mois de mars 2011
    Catherine Weinzaepflen | la terre est ronde Anthologie poétique Terres de femmes (84)
    Franco Fortini | Il presente
    2 avril 742 | Naissance de Charlemagne
    Kiki Dimoula | Temps allongé
    Ana Blandiana | Nec plus ultra
    6 avril 1528 | Mort d’Albrecht Dürer
    Natsumé Sôseki | Au milieu du printemps
    Franck Venaille | Un paysage non mélancolique
    Marc Alyn | Proses de l’intérieur du poème
    Nohad Salameh | Les nudités premières
    11 avril 1987 | Mort de Primo Levi
    Herberto Helder | Je lève les mains
    Pascal Quignard, Medea (lecture d’Angèle Paoli)
    Jean-Claude Villain | Déleste-toi
    Fabio Scotto | Regard sombre
    Orietta Lozano | Eloísa
    Jorge Luis Borges | Labyrinthe
    Fabio Scotto | A Riva | Sur cette rive (lecture d’Angèle Paoli)
    19 avril 1995 | Évelyne Encelot, D’une vie l’autre
    Nathalie Riera | Là où fleurs où flèches
    Philippe Beck | Pages vertes
    Fabienne Raphoz | Procellariiformes
    22 avril 1766 | Naissance de Madame de Staël
    Laure Cambau | Pèlerin
    Jacques Ancet | Dans l’indéfini
    25 avril | Mario Rigoni Stern | Signes de printemps
    Anna Akhmatova | Le poète
    Béatrice Bonhomme-Villani | Passage du passereau
    Marie Étienne | L’aigrette
    29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo
    | parfois elle tend le bras | (Angèle Paoli)
    Terres de femmes ― N° du mois de mai 2011

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