Terres de Femmes

Mois : avril 2011


  • Herberto Helder | [Je lève les mains]



    [JE LÈVE LES MAINS]




    Les hauts fonds des miroirs
    Photocollage, G.AdC





    Levanto as mãos e o vento levanta-se nelas.
    Rosas ascendem do coração trançado
    das madeiras.
    As caudas dos pavões como uma obra astronómica.
    E o quarto alagado pelos espelhos
    dentro. Ou um espaço cereal que se exalta.
    Escondo a cara. A voz fica cheia de artérias.
    E eu levanto as mãos defendendo a leveza do talento
    contra o terror que o arrebata. Os olhos contra
    as artes do fogo.
    Defendendo a minha morte contra o êxtase das imagens.




    Herberto Helder, Última Ciência, Lisboa: Assírio & Alvim, 1988, in Ofício Cantante, Lisboa: Assírio & Alvim, 2009.







    Je lève les mains et en elles le vent se lève.
    Des roses montent du cœur tressé
    du bois.
    Une queue de paon tel un ouvrage astronomique.
    Et dans la chambre en crue les hauts fonds des miroirs.
    Ou bien l’exaltation de l’océan des blés.
    Je cache mon visage. La voix regorge d’artères.
    Et je lève les mains pour défendre la légèreté du talent
    de l’effroi qui le gagne. Les yeux
    des artifices du feu.
    Pour défendre ma mort de l’extase des images.




    Herberto Helder, Science Ultime (Última Ciência, Assírio & Alvim, 1988) in Le Poème continu, 1961-2008, Gallimard, Collection Poésie, 2010, page 224. Préface de Patrick Quillier. Traduit du portugais par Magali Montagné et Max de Carvalho.





    HERBERTO HELDER


    Vignette Herberto Helder
    Source



    ■ Herberto Helder
    sur Terres de femmes

    O Amor em Visita



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Herberto Helder


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  • 11 avril 1987 | Mort de Primo Levi

    Éphéméride culturelle à rebours



         Le 11 avril 1987, Primo Levi met fin à ses jours dans sa maison de Turin. Le Système périodique venait tout juste d’être publié (mars 1987) chez les éditeurs français et allemands. Quelques jours avant sa disparition, Primo Levi affirmait encore : « Il y a Auschwitz, il ne peut donc y avoir de Dieu. Je ne trouve pas de solution au dilemme. Je le cherche, mais je ne le trouve pas. »













        En janvier 1985, Primo Levi rassemble en un seul volume une cinquantaine d’écrits précédemment publiés dans La Stampa. Ces essais qui portent le titre Le Métier des autres sont « le butin de dix années de vagabondage » d’un dilettante et d’un curieux. Il s’agit « d’occupations de territoire, d’incursions dans les métiers des autres, des braconnages en chasse gardée, des brigandages au pays de la zoologie, de l’astronomie et de la linguistique… »






    Dans le grand r-servoir des  - pourquoi - sans r-ponse
    Ph., G.AdC





    XLI


    LES MOTS FOSSILES



        Lorsque, il y a bien des années de cela, j’ai lu pour la première fois Le Sergent de la neige de Mario Rigoni Stern, j’ai eu un haut-le-corps en tombant sur la question épique, obsessionnellement répétée dans la nuit et la glace du Don, « Sergentmagiù, ghe rivarem a baita ? ». Baita, le refuge, l’asile, le salut, la maison.
        Curieusement, le mot baita, courant dans l’ensemble de l’arc alpin, ressemble fort à l’hébreu bait, qui signifie précisément « maison ». La coïncidence avait déjà commencé à m’intriguer quand j’avais onze ans et que je déchiffrais un peu l’hébreu, que par la suite malheureusement j’ai largement oublié. Il me semblait évident que le terme alpin ne pouvait provenir que de l’hébreu, « la langue la plus vieille du monde », et je tirais de cette dérivation présumée une fierté enfantine : les Romains avaient eu beau défaire mes aïeux les Judéens et détruire Jérusalem, il n’en restait pas moins qu’un mot hébreu avait supplanté le mot latin correspondant.
        En somme, c’était une petite revanche. J’étais loin de soupçonner que je venais de tomber sur la confirmation de la théorie des aires chère aux linguistes, selon laquelle la présence d’un mot donné dans des aires périphériques témoigne de son ancienneté : c’est l’affleurement d’un langage qui, dans les régions intermédiaires, a été supplanté par des parlers plus novateurs.
        Pendant des années, j’ai gardé cette curiosité chevillée au corps, mêlée à une infinité d’autres, dans le grand réservoir des « pourquoi » sans réponse, jusqu’au jour où j’ai lu dans un dictionnaire qu’il s’agissait précisément d’un « mot alpin remontant au substrat paléo-européen allant de l’aire basque à l’ère égéenne » : sur quoi je me sentis pénétré d’une allégresse tout aussi puérile qu’autrefois.
        J’avais donc découvert un illustre fossile, une trace rarissime d’un passé linguistique antérieur à l’histoire, un vestige, qui sait, de l’âge d’or, d’un temps où tout le pourtour méditerranéen parlait la même langue, un temps d’avant la tour de Babel, d’avant que ne viennent du Nord les cruelles armées de Doriens, de Gaulois, d’Illyriens, pour semer la guerre et la confusion des langages ; le temps où un Basque pouvait dire « andiamo a baita » à un Égéen, et être compris de lui.
        Au cas où cela serait encore nécessaire, je dois avouer que j’évoque ici une mienne antique faiblesse, qui est celle de m’occuper à temps perdu de choses que je ne comprends pas, non pas pour me former une culture systématique, mais par pur amusement, par pur plaisir de dilettante. Je préfère tendre l’oreille qu’écouter, lorgner par les trous de serrure qu’embrasser du regard de vastes paysages solennels ; je préfère tourner et retourner entre mes doigts une simple tesselle que contempler la mosaïque entière. C’est pourquoi mes proches ont un rire indulgent quand ils me voient (ce qui est chose fréquente) avec un dictionnaire ou un lexique à la main au lieu d’un roman ou d’un traité : c’est vrai, je préfère le particulier au général, les lectures sporadiques et morcelées aux systématiques.


    Primo Levi, Le Métier des autres, Éditions Gallimard, 1992 ; collection folio | essais, 1992, pp. 282-283-284. Traduit de l’italien par Martine Schruoffeneger.





    ■ Primo Levi
    sur Terres de femmes

    27 janvier 1945 | Primo Levi




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  • Nohad Salameh | Les nudités premières



    Cache-cache
    Diptyque photographique, G.AdC






    LES NUDITÉS PREMIÈRES



    Rendez-moi les clefs de verre
    Et la blancheur de vos mouchoirs
    ― Que j’avance à bord d’une barque de feuillages
    Vers la maison où se penche une plage
    Lavée de mes opacités !

    Versez la source sur les parures et les fards
    ― Que je remonte aux nudités premières.
    Ne jetez ni le dehors, ni le dedans :
    Je reviens me mêler à ma propre naissance
    Sans témoin qui m’attende
    Hormis le temps.

    Évitez de pêcher au fond de mes miroirs
    Les fossettes d’une fille qui mûrit en bordure de son âge :
    L’ange et le démon y jouent à cache-cache
    Comme un serpent qu’apprivoise une pomme.




    Nohad Salameh, L’Épiphanie du retour in La Revenante, Voix d’Encre, 2007, s.f. Encres de Nadia Saïkali.




    La Revenante





    NOHAD SALAMEH

    Nohad Salameh 3




        « Comme en d’autres temps Nerval ou Germain Nouveau, j’étais parti pour l’Orient dans l’espoir d’y retrouver mon Aurélia /Lou/ Nadja aimée, puis perdue dans quelque destinée antérieure à laquelle je n’avais plus accès. Et cette femme, Nohad Salameh, poète et poème, m’attendait en personne, fidèle au rendez-vous, aussitôt identifiée à la Dame protectrice de Byblos.
        Nul n’ignore le rôle joué par cette très ancienne cité quant à la formation de l’écriture ; n’a-t-elle pas donné son nom à la Bible et, par extension, au livre ? Au milieu de ce cimetière de lettres s’acharnant désespérément à renouer leurs jambages sous la terre afin de reconstituer mots, phrases, livres, je reconnus le sourire de l’ange dans l’entrebâillement de la porte d’ombre d’où filtrait une indescriptible clarté. Les trois volumes des Alphabets du Feu sont le fruit de ce choc initial inlassablement médité et traduit en poèmes.
        Des années plus tard, je retrouverai Nohad à Paris, grâce à un enchaînement de miracles (« Celui qui ne croit pas aux miracles n’est pas réaliste…), et nous accomplirons ensemble d’autres voyages initiatiques, notamment à Ninive, Babylone (« la porte de Dieu ») et Bagdad. Dans l’intervalle, la guerre civile avait éclaté au Liban, et Beyrouth, divisée en secteurs ennemis, percée de meurtrières, était devenue un lieu de mort « saignant à la une au fond de l’encre des journaux », comme je l’avais noté dans Le Livre des amants, recueil vécu, écrit et imprimé à la lueur des tirs, durant mes séjours aux côtés de Nohad. »

    Extrait d’un entretien de Daniel Leuwers avec Marc Alyn, in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto, Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, pp. 31-32.




    ■ Nohad Salameh
    sur Terres de femmes

    L’écoute intérieure
    L’envol immobile
    L’intervalle (+ notice bio-bibliographique)
    Marcheuses au bord du gouffre (lecture d’AP)
    Plus neuve que la mort (poème extrait du Livre de Lilith)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Nohad Salameh
    → (sur le site de l’éditeur Voix d’Encre)
    la page consacrée au recueil La Revenante de Nohad Salameh




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  • Marc Alyn | Proses de l’intérieur du poème



    La magnificence tragique de l-espace
    Ph., G.AdC







    PROSES DE L’INTÉRIEUR DU POÈME




    Quand les mots somnambules vont et viennent sur les parvis de la mémoire, dans l’intervalle, l’entre-temps, la césure éblouie, quel au-delà s’avance à leur rencontre avec sa lampe allumée en plein jour, comme l’Hermite des tarots ? À peine ouverte, la fenêtre déverse en nos yeux la fraîcheur des jacinthes d’eau et l’or en fusion de soleil alchimiste. Le temps pensif, sourcilleux, fait son bourdonnement de guêpe prise au piège d’une vitre, seul à durer parmi tant d’éternités en trompe-l’œil. Sur la laisse de mer, à la frange des grands textes, les poètes cheminent, laissant la trace de leurs pas au bord de la marée phosphorescente, dans la magnificence tragique de l’espace. La phrase panoramique remonte ses filets débordant d’archipels, de galaxies, de brouillons d’univers où la mort ne constitue guère qu’une faute de frappe, tout début naissant de sa fin. De vertige en voltige, du vol plané de l’étincelle à la respiration glorieuse de la flamme, nous progressons ainsi vers les confins tremblés de la parole, dépourvus de projet, libres dans le temps circulaire, faisant halte de loin en loin en de vastes clairières.



    Marc Alyn, « Proses de l’intérieur du poème » (Inédits, été 2010), in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto, Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, page 17 ; in « mots somnambules » [in « La durée circulaire »], Proses de l’intérieur du poème, Le Castor Astral, 2015, page 231.




    __________________________
    Note d’AP : en mars 2011 a paru aux éditions Le Castor Astral une importante anthologie des poèmes de Marc Alyn, La Combustion de l’ange, poèmes 1956-2010, préfacée par Bernard Noël.





    MARC ALYN


    Vignette Marc Alyn





    ■ Marc Alyn
    sur Terres de femmes

    D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
    Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)
    [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi] (poème extrait de La Parole planète)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
    → (sur Wikipedia.fr)
    un bel article consacré à Marc Alyn
    → (sur books.google.fr)
    Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol
    → (sur books.google.fr)
    Marc Alyn, Le Chemin de la parole | Poèmes choisis 1954-1994
    le site de la revue Phœnix




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  • Franck Venaille | Un paysage non mélancolique




    Un paysage mental
    Ph., G.AdC






    UN PAYSAGE NON MÉLANCOLIQUE.


    J’aime me protéger de la lumière en me réfugiant dans un cocon de brume ou de brouillard. Je ne vis bien que dans le mystère de l’ombre d’où, peut-être, mon attirance pour l’univers de l’espionnage tel qu’il est mis en scène par John le Carré. J’ai la sensation d’avoir, d’entrée de jeu, été mis dans l’obligation de cacher quelque chose, quoi ? Je ne le sais pas, bien que je me doute que la sexualité ait à voir avec cela. Longtemps j’ai caché à ma famille que j’écrivais. J’ai décidé d’être né à Ostende, de l’union du sable et de la mer. J’ai donc pris des risques. Pourquoi ? Probablement afin de me distancier du soleil algérien, celui des heures passées dans le djebel à attendre, pour assurer leur protection, le passage des convois civils et militaires. Claude Delmas écrit : On dirait que Venaille a peur du soleil, comme si celui-ci lui avait tapé sur la tête pendant son séjour dans le bled, comme s’il avait vu le crime à l’état brut, sans l’ornement d’une ombre. Cela doit être vrai. D’où l’appartenance au clan très fermé de ceux qui parlant du vent et le voyant tourner au nord, utilisent ce mot rare (cher à Pierre Grouix) qui, moi, me fait rêver : « nordir ». J’aime le ciel gris. Le froid. La pluie incessante et la présence bien réelle de ces cafés qui font face à la mer. Je sais que je me suis créé un paysage mental qui ne coïncide pas avec la réalité du pays (la Belgique, en sa partie flamande) mais qui, toujours, la respecte. Je ne trouve pas qu’il s’agisse là d’un paysage fait de douleur. D’ailleurs, je ne suis pas triste. Il me semble que c’est un sentiment (une sensation ? un état ?) que j’ai pu dépasser. Parfois je pense que, marchant face au vent, je suis semblable à un alphabet qui égare ses lettres. Dès lors il faut que je fasse avec celles qui demeurent à ma portée. C’est peut-être de là que provient mon souci de concision. L’écriture aura été la plus grande affaire de ma vie. Je n’ai vécu que pour elle, tentant toutefois d’échapper à la poésie. Pour cela j’ai été injuste. J’ai participé à un livre au titre sans équivoque : Haine de la poésie. En tout cas je me suis toujours méfié d’elle et, sur le fond, c’est un sentiment qui est encore mien. J’ai travaillé dur pour la conduire dans mes eaux, sur mes terrains, là où je souhaitais qu’elle fût. J’évoquais le vent du Nord. C’est un compagnon étrange chez qui cohabitent angoisse et peur. Les mots chuchotent, regardent, choisissent leur camp. Ils sont d’une même fratrie, ce qui n’empêche nullement qu’ils se fassent la guerre. Pour moi la poésie est ce qui ressemble le plus à ce combat fratricide de la langue contre elle-même.


    Franck Venaille, C’est nous les Modernes, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2010, pp. 11-12.






    Alphabet
    Ph., G.AdC





    FRANCK VENAILLE



    ■ Franck Venaille
    sur Terres de femmes


    [J’avais mal à vivre] (extrait de Ça)
    [Ce que je suis ?] (extrait de C’est à dire)
    Dans le sillage des mots
    [J’attendais] (extrait de Tragique)
    [On marche dans la fêlure du monde]
    [Quand la lumière née de l’estuaire]
    San Giovanni (extrait de Trieste)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur « Lettres d’Idumée », le blog de Marie Étienne)
    une lecture C’est nous les Modernes de Franck Venaille, par Marie Étienne (article « Un écrivain forain », paru dans La Quinzaine Littéraire n°1028 du 16 au 31 décembre 2010)
    → (sur Exigence : Littérature)
    une lecture de C’est nous les Modernes de Franck Venaille, par Tristan Hordé
    → (sur remue.net)
    « Voici ceux qui comptent pour moi », Franck Venaille, par Jacques Josse (lecture de C’est nous les Modernes)




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  • Natsumé Sôseki | Au milieu du printemps




    La traduction de mon -tat mental - mon arriv-e
    Ph., G.AdC






    [AU MILIEU DU PRINTEMPS]



        Mon crayon, qui était sans vie, s’est mis à bouger graduellement et, profitant de ce mouvement, j’ai réussi, au bout de vingt ou trente minutes, à composer ces six vers :


        Au milieu du printemps
        Ma mélancolie se mesure à la croissance des herbes parfumées
        Les fleurs tombent silencieusement dans mon jardin vide
        La cithare nue est posée sur le sol de la pièce déserte
        L’araignée est suspendue immobile à son fil
        La fumée forme des volutes comme un paraphe au-dessus de l’auvent
              [de bambou
    1


        En les relisant, je m’aperçois que chacun de ces vers pourrait être un tableau. J’en ai conclu que j’aurais dû, dès le départ, faire un tableau. Je me demande pourquoi il m’a été plus facile de composer un poème que de peindre un tableau. Arrivé à ce point, j’aurai moins de mal à exprimer le reste. Mais cette fois-ci, j’aimerais mettre en vers des sentiments ne pouvant donner lieu à un tableau. Torturé par mille hésitations, j’écris enfin :


        Assis seul en silence
        J’aperçois une lueur au fond de mon cœur
        Il se passe trop de choses chez les hommes
        Comment pourrais-je oublier ce monde intérieur ?
        J’ai par hasard obtenu une journée de sérénité
        J’ai compris cent ans d’agitation
        Où pourrai-je garder cette nostalgie lointaine ?
        Sinon dans le ciel vaste où règnent les nuages blancs



        Je relis le poème du début à la fin avec intérêt, mais je suis insatisfait, si je pense que c’est là la traduction de mon état mental à mon arrivée. Je me suis dit : pendant que j’y suis, je vais faire un autre poème. J’ai gardé mon crayon à la main et j’ai regardé inconsciemment vers la porte. Une ravissante silhouette se découpe en passant dans l’espace d’un mètre laissé visible par la porte coulissante. Tiens…


    Natsumé Sôseki, Oreiller d’herbes [ 草枕 | Kusamakura, 1906], Éditions Payot & Rivages, 2007, pp. 83-84. Traduit du japonais par René de Ceccatty et Ryôji Nakamura.



    1. Poème écrit en chinois par Sôseki, tout comme le poème suivant.




    Sôseki





    NATSUMÉ SÔSEKI


    Vignette Natsume Soseki
    Source



    ■ Natsumé Sôseki
    sur Terres de femmes

    9 février 1867 | Naissance de Natsumé Sôseki



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur benzinemag)
    une note critique sur Oreiller d’herbes
    → (sur le blog Graskissen ― Oreiller d’herbes)
    une version bilingue des deux premiers chapitres d’Oreiller d’herbes




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  • 6 avril 1528 | Mort d’Albrecht Dürer

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 6 avril 1528, le peintre allemand Albrecht Dürer meurt à Nuremberg. Foudroyé par une mort subite, à l’âge de cinquante-sept ans.






    ALBRECHT DURER
    Image, G.AdC






        D’origine hongroise et paysanne, la famille du peintre s’était installée à Nuremberg en 1455. C’est dans le sillage des ses ancêtres et dans l’atelier de son père, que Dürer fait ses apprentissages d’artisan orfèvre. Apprentissages qu’il poursuit et perfectionne, dès le mois de décembre 1486, auprès de Michael Wolgemut, qui possède l’atelier le plus réputé de Nuremberg. Pendant trois années consécutives, Dürer est initié à l’art flamand, dans la tradition de Hans Pleydenwurff, maître de Wolgemut. En novembre 1489, son apprentissage terminé, Dürer entreprend un tour de compagnon de quatre années. Ce voyage le conduit de Bâle à Strasbourg où rayonne l’œuvre du peintre Martin Schongauer, dont Dürer apprend la mort, survenue le 2 février 1491. Dürer se rend à Colmar en 1492, afin d’y étudier les œuvres du maître. Il est reçu par Georg Schongauer, frère du peintre. Dürer passe l’année 1493 à Strasbourg. Où et pour qui travaille-t-il cette année-là ? Aucun document parvenu jusqu’à nous à ce jour ne le précise. Introduit dans les milieux humanistes de Bâle, Dürer poursuit ses activités graphiques. Les dessins de cette époque et les études de xylographies révèlent les influences de Martin Schongauer d’une part et du « Maitre du Livre de Raison » d’autre part, maître anonyme, en activité à Mayence à la fin du XVe siècle. De cette époque date le premier autoportrait de Dürer, Autoportrait dit aussi Portrait de l’artiste tenant un chardon (Musée du Louvre, 1493).






    Dürer, Louvre
    Albrecht Dürer (Nuremberg, 1471-1528)
    Autoportrait ou Portrait de l’artiste tenant un chardon, 1493
    Huile sur parchemin collé sur toile, 56,5 cm x 44,5 cm
    Paris, Musée du Louvre
    Source






        En 1494, quelques semaines après son mariage avec Agnès Frey, jeune fille issue d’une famille bourgeoise très en vue de Nuremberg, Dürer se rend à Venise, ville que fréquentent les riches commerçants nurembergeois. Sur le « Fondaco dei Tedeschi » se font les échanges entre Orient et Occident. Les commerçants allemands importent du Nord des matières premières, achètent les épices d’Orient et exportent les étoffes vénitiennes luxueuses. Dürer, fasciné de longue date par l’art vénitien, se lance avec passion dans la fréquentation assidue des ateliers. Il croque sur le vif, costumes et ruelles, scènes de la vie de tous les jours, étudie les œuvres des maîtres. Mantegna, Credi, Pollaiolo, Carpaccio, Bellini. Giovanni et Gentile Bellini, les artistes les plus renommés de la Sérénissime. Assimilant de nouvelles conceptions esthétiques, dont le traitement de la perspective, l’artiste travaille également sur le nu. L’anatomie et la musculature sont au centre de ses préoccupations. Ce séjour en Italie ne dure que quelques mois. Mais il est riche d’enseignements et d’expériences artistiques fondateurs. Au cours du périple du retour à Nuremberg, Dürer réalise des études de voyage. Des vues de villes, de paysages entrevus. La beauté des Alpes du Tyrol le délivrera de l’emprise du pays natal et même des attaches avec son temps. De cette période datent les aquarelles Paysage du Tyrol du Sud, vers 1495, Le Col alpin, L’Étang dans la forêt, La Vue d’Arco.

        De retour à Nuremberg, Dürer poursuit son travail de paysagiste. Il retrouve les thèmes familiers ― touffes d’herbes, racines et troncs, feuillages ― que l’on trouvera plus tard, dans ses grandes toiles. Cependant, jamais Dürer ne retrouvera la liberté de facture et la modernité qui caractérisent certaines de ces aquarelles.






    Dürer
    Albrecht Dürer, La Petite Maison à l’étang, vers 1495-1497
    Aquarelle et gouache, 21,3 x 22,5 cm
    London, The British Museum
    Source





    LA PETITE MAISON À L’ÉTANG


        Curieusement, avec La Petite Maison à l’étang ― vers 1495-1497 ―, Dürer semble renouer avec la tradition de son ancien maître Wolgemut. L’aquarelle représente un paysage familier des résidences d’été des riches Nurembergeois. Le centre de la toile est occupé par l’étang. Au second plan, un îlot surmonté d’une construction entourée d’arbres. Dans les eaux calmes et presque vides de l’étang viennent pourtant se refléter la tour et les arbres de l’îlot sur lequel elle se dresse. Prolongée par son reflet, la tour au toit pentu donne au paysage sa dimension verticale. L’ensemble du paysage est plat. Les rives de l’étang, sablonneuses, sont parsemées de touffes d’herbe. Dans l’angle gauche, une barque repose, abandonnée au silence et à l’immobilité du lieu. À l’opposé, dans l’angle droit de l’aquarelle, un ciel sombre s’effiloche, strate après strate. C’est peut-être le soir. La lumière est estompée. Les couleurs, des dominantes de bleu presque noir et de vert, sont froides. Quelques touches d’ocre ponctuent les marrons, plutôt foncés. Nul doute : on se trouve bien dans un paysage du Nord. Un paysage sans rien de réellement marquant. Un paysage d’eau tranquille et de miroir. Peut-être, dans sa simplicité, s’agit-il tout juste d’une esquisse de premier jet ? Comme le peintre aimait à le faire, en laissant courir son pinceau. Sans contrainte.

        C’est sans doute ce qui émeut dans cette aquarelle. La Petite Maison à l’étang est là, paysage mental, teinté de mélancolie. En contrepoint des paysages méditerranéens d’aujourd’hui.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




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  • Ana Blandiana | Nec plus ultra




    Me livrer - cette recherche
    Ph., G.AdC





    NEC PLUS ULTRA



    Mi s-a spus să te caut
    Şi eu însămi nu voiam decât căutarea.
    Nici măcar nu mă gândisem
    Ce m-aş face cu tine
    Dacă te-aş găsi.
    Te-aş pune în pământ ca pe o sămânţă?
    Te-aş hrăni ca pe-un animal domestic
    Socotindu-ţi foloasele blănii şi cărnii,
    Lânii şi laptelui?
    Sau, dimpotrivă, m-aş lăsa eu devorată
    Ca de o fiară?
    Sau ca printr-o pădure
    M-aş rătăci cu spaimă prin time?
    Sau ca într-o prăpastie
    M- aş lăsa să cad nebănuind adâncimea?
    Sau ca într-o mare
    M- aş înmormânta în peşti ?
    Mi s-a spus să te caut,
    Nu să te găsesc.



    Ana Blandiana, Stea de pradă, Cartea Românescà, Bucarest, 1985, in Ana Blandiana, Un tempo gli alberi avevano occhi, Donzelli Poesia, Roma, 2004, pagina 124.






    NEC PLUS ULTRA



    Mi è stato detto di cercarti
    e io stessa non volevo che cercare.
    E non ho mai pensato
    a cosa fare di te
    nel caso ti trovassi.
    Ti affiderei alla terra come un seme?
    Ti nutrirei come un animale domestico
    soppesando il valore della pelliccia, della carne,
    della lana, del latte?
    O, al contrario, mi lascerei sbranare
    come da una fiera?
    O come in una foresta
    mi smarrirei sgomenta in te?
    O come in un burrone
    mi lascerei cadere senza saperne il fondo?
    O come dentro un mare
    nei pesci mi seppelirei?
    Mi è stato detto di cercarti,
    non di trovarti.



    Ana Blandiana, Stea de pradă, 1985, in Un tempo gli alberi avevano occhi, Donzelli Poesia, Roma, 2004, pagina 125. A cura di Biancamaria Frabotta e Bruno Mazzoni.






    NEC PLUS ULTRA



    On m’a commandé de te chercher
    Et mon unique désir c’était de me livrer à cette recherche.
    Je n’ai même pas songé
    À ce que je ferais de toi
    Si je te trouvais.
    Te mettrais-je en terre comme une semence ?
    Te donnerais-je à manger comme à une bête domestique
    Dont on prévoit d’utiliser la fourrure, la viande,
    La laine et le lait ?
    Ou bien au contraire me laisserais-je dévorer
    Comme par une bête fauve ?
    Ou alors me perdrais-je en toi
    En tremblant de peur, comme dans une forêt ?
    Ou comme au fond d’un précipice
    Me laisserais-je ensevelir par les poissons ?
    On m’a commandé de te chercher
    Pas de te trouver.



    Ana Blandiana, Étoile de proie, Ateliers du Tayrac, Collection « Tripes » n° 4, 12230 Saint-Jean-du-Bruel, 1991, page 24. Traduit du roumain par Hélène Lenz.





    ANA BLANDIANA

    Ana Blandiana




    ■ Anna Blandiana
    sur Terres de femmes

    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Ana Blandiana (+ le poème « Berçeuse »)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Atelier LiterNet)
    d’autres poèmes (traduits en français par Luiza Palanciuc) extraits du recueil Autrefois les arbres avaient des yeux d’Ana Blandiana (Anthologie [1964 – 2004], Cahiers Bleus / Librairie Bleue, 2005)
    → (sur Les Belles Étrangères)
    une bio-bibliographie (en français) d’Ana Blandiana
    → (sur le site Notre Europe)
    Rencontre avec Ana Blandiana, poétesse roumaine (entretien du 30 octobre 2008 à télécharger)
    → (sur Poesie.net)
    Anna Blandiana par Jean-Pierre Rosnay
    → (sur Romanan Voice)
    115 poèmes (en roumain) d’Ana Blandiana



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  • Ο πληθυντικός αριθμός



    Ο πληθυντικός αριθμός


    Ο έρωτας,
    όνομα ουσιαστικόν,
    πολύ ουσιαστικόν,
    ενικού αριθμού,
    γένους ούτε θηλυκού ούτε αρσενικού,
    γένους ανυπεράσπιστου.
    Πληθυντικός αριθμός
    οι ανυπεράσπιστοι έρωτες.

    Ο φόβος,
    όνομα ουσιαστικόν,
    στην αρχή ενικός αριθμός
    και μετά πληθυντικός:
    οι φόβοι.
    Οι φόβοι
    για όλα από δω και πέρα.

    Η μνήμη,
    κύριο όνομα των θλίψεων,
    ενικού αριθμού,
    μόνο ενικού αριθμού
    και άκλιτη.
    Η μνήμη, η μνήμη, η μνήμη.

    Η νύχτα,
    όνομα ουσιαστικόν,
    γένους θηλυκού,
    ενικός αριθμός.
    Πληθυντικός αριθμός
    οι νύχτες.
    Οι νύχτες από δω και πέρα.






    Le Pluriel


    L’amour,
    Substantif, très substantiel,
    Nom singulier,
    Genre ni féminin ni masculin,
    Genre désarmé.
    Au pluriel
    Les amours désarmé(e)s

    La peur,
    Substantif, singulier au début
    Puis pluriel :
    Les peurs.
    Les peurs
    Devant tout désormais.

    La mémoire,
    Nom propre des tristesses, singulier,
    Singulier rien d’autre
    Et invariable.
    Mémoire, mémoire, mémoire.

    La nuit,
    Substantif,
    Genre féminin,
    Singulier.
    Pluriel
    Les nuits.
    Les nuits désormais.





    Traduction de Michel Volkovitch, in Kiki Dimoula, Le Peu du monde, Poésie/Gallimard, 2010, pp. 24-25.







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  • Kiki Dimoula | Temps allongé


    Comme un serment pi-tin-
    Ph., G.AdC








    ΑΝΑΣΚΕΛΟΣ ΧΡΟΝΟΣ



    Χαμομηλάϰι ϰαὶ γρασίδι
    στὰ μέσα ϰαὶ στὰ ἔξω χώματα
    χλόη χαιρετιστιϰὴ
    χρησμòς ἐξαπλώσεως
    πρασινομαντεία.
    Μεγάλη ἡ προσφορὰ τῆς ἀνανθίσεως
    ϰαὶ μοιάζει εὔϰολη ὑπόθεση
    τò τύλιγμα τῆς γύμνιας.
    Τί πανιϰò ἡ τόση ἄνθιση
    μή ϰαὶ δέν βρεῖ στὰ δέντρα θέση.
    Xαμομήλια, γρασίδι ϰι ἀγριολούλουδα
    ρηχή μαλαϰωσιὰ σὰν τοῦ βελούδου
    ϰαὶ τοῦ ὅρϰου — μὴν πατᾶτε τοὺς ὅρϰους.

    Тεράστια ϰύματα ἀγρῶν
    ἔρχονται ἀπò τὰ βάθη τῆς ὑπαίθρου
    βουλιάζουν ϰρινάϰια
    λεμονανθοὶ ἀναφαίνονται,
    μοναχοανθοί,
    παλμώδης διάπλους Ἀπριλίου.
    Τὸ ϰόϰϰινο τῆς παπαρούνας
    φάρος ποὺ ἀναβοσβήνει.
    Tεράστια ϰύματα ἀγρῶν
    ἔρχονται ἀπὸ τὰ πελάγη τῆς ὑπαίθρου.
    Κι ἀπò τὰ βάθη τοῦ ϰαιροῦ ἔρχονται
    ϰαὶ σϰᾶνε χαμομήλια, γρασίδι, μοναχοανθοὶ
    στὰ συρτάρια μου, ἀγριολούλουδα
    στ’ἀγριοσυρτάρια μου.
    Xαρὰ θεοῦ τὰ ϰλειδωμένα ἐϰεῖ μέσα πράγματα
    ἀνταλλαγμένα, ἀνταλλάγματα ϰι ἀλλαγμένα
    θυμητικῶν φτεροϰοπήματα
    σύρσιμο προσφωνήσεων ἐϰεῖ μέσα
    ψίθυροι ψίθυροι: ψιμύθια τῆς σιωπῆς
    τῆς ἀγριοσιωπῆς,
    μαῦρο βλαστάρι ἡ μελάνη
    τῶν γραμμένων, τῶν ξεγραμμένων, τῶν γραφτῶν
    τῶν ἀγριογραφτῶν.
    Χρονολογίες μαϰροπρόσωπες
    ποὺ νήστεψαν τò μέλλον ϰι ἅγιασαν
    πετᾶν τὰ ράσα τους
    ϰι ἀνθίζουν ἐγϰόσμιο ἀνάσϰελο χρόνο,
    χρόνο ἀγριολούλουδο
    ἀγριοσυρταριῶν.

    Τετράπαχο γρασίδι στὰ συρτάρια μου
    ρηχὴ μαλαϰωσιὰ σὰν τοῦ βελούδου
    καὶ τοῦ πατημένου ὅρϰου
    καὶ ρίχνει ϰάτι ξάπλες
    μὰ ϰάτι ξάπλες ἡ φωτογραφία σου.




    Κική Δημουλά, Το τελευταίο σώμα μου, Ποιητική Συλλογή, ἐκδόσεις Κείμενα, Ἀθήνα, 1981.






    TEMPS ALLONGÉ



    Herbe et camomille
    sur la terre du dedans du dehors
    verdure salutatoire
    oracle qui étale
    prophétie verte.
    Une offre de choix cette refloraison
    et cela paraît facile
    d’envelopper la nudité.
    Quelle panique cette poussée de fleurs
    pour se trouver une place dans les arbres.
    Herbe, camomille, fleurs sauvages
    douceur sans profondeur comme du velours
    ou un serment — ne pas piétiner.

    D’énormes vagues de prairies
    arrivent des campagnes profondes
    les lis plongent
    les fleurs de citronnier réapparaissent,
    fleurs uniques,
    vibrante traversée d’Avril.
    Le rouge des coquelicots
    phare qui clignote.
    D’énormes vagues de prairies
    arrivent du large des campagnes.
    Arrivent aussi des profondeurs du temps
    herbe, camomille et fleurs uniques pour éclore
    dans mes tiroirs, fleurs sauvages
    dans mes tiroirs sauvages.
    Une merveille les choses enfermées là-dedans
    échangées, à échanger, changées
    battements d’ailes de mémoire
    apostrophes là-dedans traînantes
    chuchotis chuchotements : masques du silence
    du silence sauvage,
    et pousse noire de l’encre
    des écrits, des désécrits, des réécrits
    des écrits sauvages.
    Des chronologies à longue figure
    jeûneuses d’avenir devenues saintes
    jettent la bure aux orties
    et font fleurir un temps profane allongé,
    temps fleur sauvage
    des tiroirs sauvages.

    Herbe grasse dans mes tiroirs
    douceur sans profondeur comme du velours
    ou comme un serment piétiné
    et je vois qui se délasse et se prélasse
    ta photo.




    Kiki Dimoula, Mon dernier corps, Arfuyen, 2010, pp. 75-77. Traduit du grec par Michel Volkovitch.





    Kiki Dimoula Arfuyen




    __________________________________
    Note d’AP : ce poème a aussi été choisi par Eglal Errera pour l’anthologie Les Poètes de la Méditerranée (pp. 36-39), publiée en novembre 2010 par Poésie/Gallimard et Culturesfrance avec le soutien de Marseille Provence 2013 et du Conseil Culturel de l’Union pour la Méditerranée.





    KIKI DIMOULA (1931-2020)


    Kiki_dimoula-2
    Source





    ■ Kiki Dimoula
    sur Terres de femmes


    Autoconservation (poème extrait du Peu du monde)
    La pierre périphrase (autre poème extrait du Peu du monde)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    les pages consacrées à Kiki Dimoula
    → (sur le site de Michel Volkovitch)
    d’autres poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Poetry International)
    dix poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Exigence : Littérature)
    un article de Françoise Urban-Menninger sur Mon dernier corps de Kiki Dimoula
    → (sur Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet)
    un article de Jacques Ancet (« Tristesse de fond ») sur la poésie de Kiki Dimoula
    → (sur YouTube)
    Kiki Dimoula lisant Φωτογραφία 1948. Pour lire la traduction cliquer ICI
    → (sur le site du Σπουδαστήριο Νέου Ελληνισμού/Center for Neo-Hellenic Studies)
    trois poèmes de Kiki Dimoula (dont Ο πληθυντικός αριθμός) dits par elle-même
    → (sur YouTube)
    Ο πληθυντικός αριθμός, de Kiki Dimoula, dit et interprété par Τάνια Τσανακλίδου. Pour lire la traduction, cliquer ICI
    → (sur books.google.fr)
    Anthologie de Kiki Dimoula, par Eurydice Trichon-Milsani



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