Terres de Femmes

Mois : avril 2011


  • Terres de femmes ― Sommaire du mois d’avril 2011


    LOGO TDF AVRIL 2011
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    SOMMAIRE DU MOIS D’AVRIL 2011


    Terres de femmes ― N° du mois de mars 2011
    Catherine Weinzaepflen | la terre est ronde Anthologie poétique Terres de femmes (84)
    Franco Fortini | Il presente
    2 avril 742 | Naissance de Charlemagne
    Kiki Dimoula | Temps allongé
    Ana Blandiana | Nec plus ultra
    6 avril 1528 | Mort d’Albrecht Dürer
    Natsumé Sôseki | Au milieu du printemps
    Franck Venaille | Un paysage non mélancolique
    Marc Alyn | Proses de l’intérieur du poème
    Nohad Salameh | Les nudités premières
    11 avril 1987 | Mort de Primo Levi
    Herberto Helder | Je lève les mains
    Pascal Quignard, Medea (lecture d’Angèle Paoli)
    Jean-Claude Villain | Déleste-toi
    Fabio Scotto | Regard sombre
    Orietta Lozano | Eloísa
    Jorge Luis Borges | Labyrinthe
    Fabio Scotto | A Riva | Sur cette rive (lecture d’Angèle Paoli)
    19 avril 1995 | Évelyne Encelot, D’une vie l’autre
    Nathalie Riera | Là où fleurs où flèches
    Philippe Beck | Pages vertes
    Fabienne Raphoz | Procellariiformes
    22 avril 1766 | Naissance de Madame de Staël
    Laure Cambau | Pèlerin
    Jacques Ancet | Dans l’indéfini
    25 avril | Mario Rigoni Stern | Signes de printemps
    Anna Akhmatova | Le poète
    Béatrice Bonhomme-Villani | Passage du passereau
    Marie Étienne | L’aigrette
    29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo
    | parfois elle tend le bras | (Angèle Paoli)
    Terres de femmes ― N° du mois de mai 2011

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  • | parfois elle tend le bras |




    Elle a rejoint des confins funambules
    Ph., G.AdC






    | PARFOIS ELLE TEND LE BRAS |




    Délires     son délire d’avant-mort
                                 de presque morte
    tête menue d’oiseau abandonnée
    au linceul du lit
    blancheur douloureuse sans forme ni éclat
    muscles tendus de l’avant-mort
    visage éteint
    ouvert sur un temps     autre     sans frontière
    sans limite     au sommeil éternel
    yeux clos sur une absence
    d’horizon et de temps


    parfois    elle tend le bras
    à cru dans le vide
    tente d’attraper de la main des lucioles
    ballet d’oiseau décharné air absent


    elle voit


    que voit-elle
    regard de moineau mort
    posé sur portée invisible
    lèvres affaiblies dans le non-sang
    happe insectes volants
    par myriades
    torpeur des jours sans fin ni commencement


    elle balbutie
    des mots à elle
    par cohortes
    annone marmonne murmure peut-être prie
    non ponctue
    hochements de tête      lèvres mues
    sans accroche
    sur l’avant-mort


    elle dit


    pourquoi ce capiton rouge dans mon cercueil
    je n’ai pas demandé de capiton rouge
    enlevez ce capiton rouge
    il me brûle les yeux il me brûle la peau


    elle dit


    pourquoi ta fille n’a-t-elle pas chanté
    à mon enterrement
    pourquoi
    elle aurait pu chanter
    le jour de ma mort


    elle dit


    pourquoi ne venez-vous pas
    cela fait tant de temps
    que vous n’êtes pas venus
    vous m’avez abandonnée
    ici
    où suis-je je ne sais pas


    elle dit


    mon frère est venu lui
    comme il est aveugle
    il s’est fait accompagner
    par un ami infirme
    qui ne peut plus marcher


    elle dit


    nous la regardons
    sans comprendre
    lèvres figées douleur sans réponse
    elle a rejoint des confins funambules
    franchi une frontière
    fil invisible de saute-menue
    erre dans le labyrinthe des mots
    et des morts
    ballet de la main qui feuillole dans l’air
    à la recherche de lucioles sans retour
    sans complainte


    elle nous laisse    de l’autre côté du fleuve
    dans un arrière-monde
    s’éloigne
    dans sa nuit     sans force


    yeux clos
    sur son avant-mort.




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angelepaoli




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  • 29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 29 avril 1923 naît à Bologne Cristina Campo, de son vrai nom Vittoria Guerrini.






    Portait de Cristina Campo
    Image, G.AdC






    LA MYTHOLOGIE DES ORIGINES



        « Elle naît le 29 avril 1923 et elle est baptisée Vittoria, Maria, Angelica, Marcella, Cristina. Ses parents et ses amis l’appelleront toujours par son nom d’état civil : Vittoria Guerrini, mais pour tous les autres, c’est Cristina Campo. Pour écrire, elle s’est cachée sous de nombreux pseudonymes (« Je suis douée pour trouver des noms », disait-elle), mais ce dernier est dès le début celui qu’elle préfère. Apparu très tôt, en 1950, et endossé avec solennité, telle une tunique blanche, pour entrer en littérature comme on entre en religion. Une fois au moins, des années plus tard, elle aura la tentation de signer Campo tout court : « Ne trouvez-vous pas que parler ainsi, c’est déjà le commencement d’Auschwitz ? » écrira-t-elle en 1962 à Alessandro Spina.
        « Devinez d’où je viens, en ce dimanche de juillet étouffant ? De l’ordination sacerdotale de notre diacre allemand… J’ai pensé à vous pendant la cérémonie. Assister à l’accomplissement d’un destin — et d’un destin sacré — est un merveilleux privilège. »
        Son père et sa mère descendent de familles d’origine sociale différente. Les Guerrini viennent du monde agricole romagnol. Pendant des générations, ils ont été fermiers dans les grands domaines de la région de Faenza, jusqu’au moment où le grand-père de Cristina, Pietro Guerrini, entre dans une famille de riches propriétaires terriens en épousant la fille du patron, la comtesse Beltrude Abbondanzi, plus âgée que lui de quinze ans. À sa mort, il héritera du patrimoine et des terres. Près de Faenza se dresse encore la belle villa des Sirènes des comtes Abbondanzi, où naissent, après la mort de Geltrude, les six enfants de Pietro Guerrini et d’Antonia Santucci, une jeune fille de Ravenne épousée en secondes noces : deux garçons, Guido, le père de Cristina, puis Ulisse, et quatre filles, Emma, Silvia, Adelaïde et Anna. Ils grandissent tous à la campagne. Et même s’ils sont obligés, en 1906, une fois le patrimoine des Abbondanzi dilapidé, de s’installer à Bologne, ils reviennent longuement, chaque été, dans ce qui reste de leurs terres. Pendant toute sa vie, Guido Guerrini éprouvera une très forte nostalgie pour les lieux de ces années d’enfance : le grand parc de la villa, les jeux d’eau, le labyrinthe de buis, les écuries, le pavillon de chasse. « Nous autres Romagnols… nous pouvons élever notre esprit, mais notre âme reste paysanne, ou du moins campagnarde, écrit-il dans son journal intime. Nous sommes des primitifs non civilisés. Notre moi ne se sent lui-même qu’au contact des champs, des bois, du soleil pur, de l’eau de source. » Cristina aimera beaucoup son côté paysan.
        « Mon père m’a invitée à une promenade à la campagne, et je n’ai pas pu refuser ― parce que mon père est l’un des derniers à savoir avec précision les noms des choses (c’est-à-dire à posséder encore une réalité). Ce soir j’ai mal à un genou, mais je sais parfaitement distinguer les trilles du pinson de ceux de la fauvette à tête noire, le cri de la pie-grièche de celui de la mésange. »
        La famille maternelle, les Putti, est l’une des plus illustres de Bologne […]
        Aux yeux de Cristina, ses parents seront pendant toute sa vie l’emblème du bonheur conjugal. Une situation qu’elle observera toujours, chez les autres, avec une sorte d’avidité participative. Comme au seuil de quelque chose.
        « Parlez-moi de votre famille. Ici aussi je ne fréquente qu’une seule famille heureuse ― celle de notre médecin ― et je me réchauffe et je me rassasie en quelque sorte avec leurs joies et de leurs peines — comme ces gamins de Rimbaud — vous vous souvenez ? — le nez collé aux grilles du fournil (pendant que derrière eux, dans le froid de la nuit, « leur chemise tremblote/ au vent d’hiver« . Il en est de même pour nous tous, vagabonds et apatrides, sans état civil précis. »
        Cristina Campo a très peu écrit sur ses parents, et pourtant ils sont toujours là, au centre de la vaste cathédrale de son enfance. Transformés dans le souvenir en figures pour toujours parfaites, en gestes absolus. Un kimono lilas, un teint de velours, une main gantée qui effleure sa nuque, une bague avec quatre perles sur un frêle annulaire, un crayon qui bat la mesure sur les grandes pages des partitions, une canne de promenade portée comme une épée, avec la dragonne enfilée dans la poche du pardessus. Il reste d’eux quelques photographies sauvées par Ernesto Campajolo, l’un des beaux-frères de Guido Guerrini. Nous sommes en 1918, au temps des fiançailles… »


    Cristina De Stefano, Belinda et le monstre, Vie secrète de Cristina Campo, Éditions du Rocher, 2006, pp. 11-12-17-18. Traduit de l’italien par Monique Baccelli.





    CRISTINA CAMPO


    ■ Cristina Campo
    sur Terres de femmes

    17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams (extrait des Impardonnables de Cristina Campo)
    8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita
    Sindbad (extrait du Tigre Absence)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Les Impardonnables (extrait)


    ■ Voir aussi ▼

    le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    Lettres à Mita (article de Richard Blin, paru dans le N° 072, avril 2006)
    → (sur le site de la Revue Nunc)
    « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
    → (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka)
    Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
    → (dans Le Monde du 3 mars 2006)
    Les incendies d’une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]





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  • Marie Étienne | L’aigrette



    L’AIGRETTE


    2008



        […] Nous revenions de la forêt où nous n’avions d’ailleurs pas désiré entrer, puis de la ville où le musée s’était, chaque fois, dérobé, le long de rues qui sinuaient, de canaux colorés, de constructions modernes gardées par des gardiens insensibles à l’anglais, qui répondaient imperturbablement à nos questions dans une langue rauque, la leur, le japonais.
        Le fleuve, le pont de bois nous attendaient, nous sommes descendus dans l’eau, le regard attiré par un oiseau à contre-jour dans l’air du soir. Il serait vain à son propos d’évoquer l’élégance absolue et discrète, qui s’en tenait à quelques traits, tracés d’une main sûre par un pinceau qui ne quittait pas le dessin car le dessin était mobile, l’oiseau levait la patte et délicatement il la posait plus loin, il avançait, il regardait autour de lui le soleil, les passants, ou l’eau qui miroitait, mieux encore les poissons, puis il recommençait, il continuait, elle continuait, l’aigrette, à pas comptés, à mener son affaire d’aigrette, indifférente à nous qui la prenions pour un chef d’œuvre, pour une incarnation d’un art inaccessible, presque parfait.






    Trac-s d-une main s-re par un pinceau (1)
    Tu                            m’appel
                                       les l’Aigrette
                                       dit l’Aigrette
                                       mais tu i
                                       gnores que je suis
                                       l’Oiseau
                                       qui vient de cette Nuit     Là-bas

    au cœur                    de la Forêt
                                       ce n’est pas la Noirceur
                                       mais souvenir de la Noirceur
                                       ce n’est pas la Lumière
                                       mais souvenir de la Lumière
                                       qui entretient et remercie

    j’ai regagné              le Fleuve
                                       je m’y tiens à présent
                                       comme une pierre en plein midi
                                       une prière sur son socle
                                       ô Ciel
                                       ap
                                       proche ta joue

    et sens                      un Dieu
                                       combien au fond d’un Dieu
                                       l’Amour est long
                                       à être mu
                                       selé
                                       approche et sens

    la                                Terre
                                       comme un Dieu chaud
                                       à
                                       ton oreille
                                       tou
                                       te journée
                                       trace son

    Contre-jour dans l-air du soir
    O                                mbre dans mon
                                       lit je le sais
                                       il n’y aura
                                       aucun moyen
                                       d’empêcher l’Abandon
                                       sur l’Autel de famille

    j’avance                    à pas comptés
                                       une pat
                                       te levée
                                       l’autre tremblée
                                       dans l’eau
                                       pareille à l’Encre

    je veux                      savoir
                                       ce qui se cache au fond
                                       de Kat
                                       sura
                                       sous To
                                       getsu

    […]




    Marie Étienne, L’Aigrette, Le Livre des recels*, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2011, pp. 317-320.





    Note d’AP : dans le numéro spécial (n° 47, avril 2011) de la revue Nu(e) consacré à Marie Étienne (pp. 296-298-300-302), l’extrait ci-dessus est accompagné en regard d’une partition en cours d’écriture, pour voix chantée (mezzo-soprano) et violoncelle, de Jean-Yves Bosseur.





    Le Livre des recels





        * Le Livre des recels réunit l’essentiel de la poésie de Marie Étienne antérieure à Anatolie — c’est-à-dire des textes composés sur une vingtaine d’années, de 1970 à 1990 environ. L’ouvrage est pourtant parfaitement original : non seulement parce qu’une partie de ces poèmes étaient demeurés inédits, mais parce qu’il propose une sorte de récit-cadre, des « scènes de la vie en prose » dans lesquelles Marie Étienne évoque sa trajectoire poétique. Ce va-et-vient constant entre l’écriture et la vie donne toute sa dimension — et sa pleine lumière — au Livre des recels.




    MARIE ÉTIENNE


    Marie Etienne
    Source


    ■ Marie Étienne
    sur Terres de femmes

    Haute lice (note de lecture d’AP)
    La femme dit son premier jour (autre extrait du recueil Le Livre des recels)
    Fragments de fresque (extrait du recueil Dormans)
    22 novembre 2009 | Marie Étienne, Les Yeux fermés (extrait des Yeux fermés)
    Marie Étienne : organiser l’indicible (lecture de Patricia Godi)
    → (dans l’Anthologie poétique Terres de femmes)
    Marie Étienne | Ce qui reste



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le blog de La Quinzaine littéraire)
    La survenante, un article de Paol Keineg sur Le Livre des recels de Marie Étienne
    → (sur le site des éditions José Corti)
    la page consacrée au recueil Haute lice (+ revue de presse)



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  • Béatrice Bonhomme-Villani | Passage du passereau



    Il passe oiseau -ph-m-re comme la pr-carit- de l-amour
    Image, G.AdC






    PASSAGE DU PASSEREAU




        Le passereau est un passer-moineau, un petit oiseau de l’ordre de ceux qui passent et traversent, fuselés, la vie précaire.

        Le passereau est éphémère, il est passe-fleur, passiflore, passionné comme l’anémone qui vibre en plein-vent d’étincelles.

        Ses poumons sont d’oiseau éphémère, les bronchioles se ramifient dans le tissu pulmonaire, le traversent et se prolongent par des sacs aériens qui sont tissus d’or et de songes dans le souffle des nuages.

        Le passereau passe le souffle dans le syrinx de son chant comme message d’un ciel si proche et comme essor de passage.

        Volatilia, matière volatile évaporée dans la fibre du monde, il vole dans l’obscurité de la nuit comme dans la clarté du jour.

        Il taille dans les ailes et les airs jusqu’à trouver la forme juste d’un anniversaire de feuilles.

        Il est le souffle de la nuit qui se heurte contre la paroi des fleurs.

        Il tourne tout autour de la table des morts et, en veillée funéraire, s’incruste dans le vitrail.

        Son œil de verre rouge irise la couleur.

        Sur la neige ne demeure que l’étroite empreinte de sa fine patte de passereau posée sur le mouron des tombes.

        Il passe oiseau éphémère comme la précarité de l’amour.

        Pour moi, le passereau est bleu, mais je ne sais pas trop sa couleur. Il est bleu comme l’oiseau d’enfance et souffre-douleur d’amour.

        Pour moi, le passereau est rouge, mais je ne sais pas sa couleur. Ensanglanté des stigmates de pluie, il traverse les larmes.

        Pour moi, le passereau est gris, car je sais trop bien sa couleur. Il passe en glissade légère les ailes étendues, discret, il passe dans la vie précaire.

        Et dans les plantes aromatiques, la myrrhe d’un étrange berceau, il passe et renaît, passereau, oiseau de cendre et de lumière.




    Béatrice Bonhomme-Villani, Passant de la lumière, L’Arrière-Pays, 2008, pp. 21-22.





    BÉATRICE  BONHOMME


    Béatrice Bonhomme Bourdelas 2
    D.R. Ph. Laurent Bourdelas




    ■ Béatrice Bonhomme
    sur Terres de femmes

    Tharros (extrait des Boxeurs de l’absurde)
    Mutilation d’arbre (lecture d’AP)
    Le pacte des mots
    [Les petits chevaux de Tarquinia]
    Poumon d’oiseau éphémère
    Sauvages
    T’écrire adolescent
    La terre rouge
    Tes nuits sont devenues mes jours
    Variations du visage & de la rose (lecture de France Burghelle Rey)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Un lacis de sang et d’ombre
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d’oiseau éphémère et l’excipit de Mutilation d’arbre



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Kaléidoscope d’Enfances
    → (sur Wikipedia)
    une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
    → (sur Terres de femmes)
    La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
    → (sur le site de la Revue d’art et de littérature, musique)
    un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 – décembre 2008)



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  • Anna Akhmatova | Le poète



    Akhmatova
    Image, G.AdC






    LE POÈTE



    Tu penses que c’est un travail ?
    Mais c’est l’insouciance de la vie.
    Prendre quelque chose à la musique
    Puis, en riant, le donner comme sien.

    Loger dans de certains vers
    Le joyeux scherzo de quelqu’un,
    Jurer que son pauvre cœur
    Pleure parmi l’éclat des champs.

    Écouter ensuite la forêt,
    Les pins, qui semblent se taire,
    Jusqu’à ce que partout s’élève
    Le rideau épais du brouillard.

    Je prends à droite et à gauche
    Et même, sans me sentir coupable,
    Quelque chose à la vie retorse,
    Et tout, au silence de la nuit.




    Anna Akhmatova, Course du temps, in Requiem | Poème sans héros et autres poèmes, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2007, page 313.



    Анна Андреевна Ахматова



    Anna Akhmatova
    Source




    ■ Anna Akhmatova
    sur Terres de femmes


    La nuit
    Presque dans un album (poème extrait de L’Hôte venu du futur)
    Réponse tardive, 16 mars 1940
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Quatrième élégie du Nord




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Marina Tsvétaïeva | J’aimerais vivre avec vous (Pour Akhmatova)
    → (sur Esprits nomades)
    Anna Akhmatova | L’icône de la souffrance russe
    → (sur
    ImWerden) Anna Akhmatova disant à voix haute des poèmes issus du recueil Requiem [archive sonore de 14 min 37s]



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  • 25 avril | Mario Rigoni Stern | Signes de printemps

    Éphéméride culturelle à rebours



    Mario Rigoni Stern (1)
    ©Sipa/Andersen
    Source






    SIGNES DE PRINTEMPS



        Le printemps dit toujours beaucoup de choses, comme le veut la tradition populaire. Mais, pour ce qui est de la Saint-Marc, le 25 avril, vous pouvez être sûrs que les hirondelles ne manqueront pas à l’appel. Le 23 ou le 24 elles enverront une patrouille de reconnaissance pour voir si tout est en ordre ; elles viendront à trois, voleront autour du clocher et au-dessus de la maison au toit de tuiles romaines, celle que la guerre a épargnée, et le soir même elles retourneront vers la plaine où se trouvent les châteaux et les anciennes murailles, où leurs compagnes les attendent. Le 25, elles reviendront là où elles sont nées : les trois premières avec un gros détachement, et à l’heure du crépuscule elles exécuteront inlassablement leur jeu ultra-rapide : en effleurant le toit des maisons si la pression atmosphérique est basse, ou au contraire au-dessus du clocher et de la coupole, dans le ciel profond, si elle est haute.
        Voici comment jouent les hirondelles : un groupe en poursuit un autre et quand un martinet du groupe poursuivi, se détachant des autres et faisant un brusque virage, réussit à couper l’espace entre les deux groupes, les parties s’inversent ; les poursuivants deviennent les poursuivis. Dans mon enfance, je m’installais sur un toit pour les observer et ensuite nous faisions le même jeu sur la route (comme ç’aurait été beau de le faire dans le ciel) et on appelait ça jouer à coupe !
        Mais le matin du 25 avril, on entendra toujours au-dessus des trilles de l’alouette et des flûtes de la vendangette l’appel qui réveillera définitivement le bois : le chant du coucou. Et jusqu’aux chevreuils, paissant derrière le hameau, qui se réjouiront.





    En avril 1945- j--tais dans un Lager (1)
    Source





        En avril 1945, j’étais dans un Lager et j’avais entendu le coucou chanter dans les bois de Gratz ; ensuite, dans les décombres d’un bombardement, un vieux habillé en chasseur m’avait murmuré :
         ― N’attends personne, mon ami. Rentre chez toi ! File !
         C’est aussi pour cela que chaque année j’attends impatiemment le chant du coucou qui, ce jour lointain, aura sans doute également réjoui mes camarades de jeu et d’école devenus partisans, attendant le signal dans le Bois-Noir. Bref, à chaque printemps, les hirondelles pour mon enfance heureuse et le coucou pour le jour de l’espoir sont pour moi des signes de toujours. En effet, si nous n’avons pas d’espérance, à quoi bon vivre ?
        Alors aujourd’hui où l’air s’est enfin adouci et où la lune est bonne, j’ai mis dans la terre en amour les premières semences de légumes et j’ai sorti mes pots de géranium. À l’heure la plus chaude, j’ai discrètement rendu visite aux maisons des abeilles […]
        Ce jour-là, les abeilles étaient tranquilles mais actives. Les diligentes reines, suivies d’un petit groupe de servantes qui tentaient de les soustraire à mes regards, déposaient leurs œufs dans des cellules bien nettoyées ; d’autres œufs étaient en voie de développement et, sur les rayons les plus centraux, les larves étaient en train de se transformer en nymphes et en abeilles. Les couvées étaient toutes féminines, bien distribuées, et il n’y avait pas encore de cellules avec des faux-bourdons. Il n’y avait pas non plus de parasites, et le plancher des ruches semblait bien sec ; des restes de cire et des fragments d’opercules avaient été accumulés dans les angles situés au sud-ouest : le premier jour de chaleur, je ferai le ménage. Bref, tout cela voulait dire qu’elles avaient été bien protégées pendant l’hiver et que, même s’il avait été dur et long, elles l’avaient bien supporté.
        Maintenant que les chatons des saules, de bouleau et de noisetier sont d’abondants producteurs de pollens et les bruyères de nectar, il n’y a pas de problème ; la blancheur sur le vert nouveau des prés ne vient pas de la neige mais de la floraison des crocus. […]
         Ainsi, chez nous, le printemps est arrivé, et paraphrasant Anna Achmatova j’ai envie de dire :
        Le vent pur berce les sapins,
         je ne sens plus le froid de l’hiver
        la neige pure recouvre les montagnes
        ma terre se réveille.



    Mario Rigoni Stern, Hommes, bois, abeilles, La fosse aux ours, 2001, pp. 76-77-78-79. Traduit de l’italien par Monique Baccelli.






    MARIO RIGONI STERN



    ■ Mario Rigoni Stern
    sur Terres de femmes

    24 avril 1945 | Mario Rigoni Stern, Printemps (extrait de Saisons)
    16 juin 2008 | Mort de Mario Rigoni Stern



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur initiales.org)
    un dossier consacré à Mario Rigoni Stern [pdf]
    → (sur Occitanies)
    un dossier consacré à Mario Rigoni Stern






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  • Jacques Ancet | Dans l’indéfini



    Fils d'un indicible désir3
    D.R. Ph. angèlepaoli







    DANS L’INDÉFINI (extrait)



         Je regarde mes mains comme si elles ne m’appartenaient pas. Peut-être d’ailleurs ne m’appartiennent-elles pas comme ne m’appartiennent ni mon nom ni mon visage. Je lève les yeux. Sur la fenêtre le bulldozer s’est arrêté comme pris dans un silence de fin du monde.

        Une vague invisible, mais je la vois. Elle est là, sous le scintillement de l’herbe, le balancement des feuilles, dans la danse immobile de la montagne, la transparence du bleu, l’attente d’un jour où rien ne se passe que ce qui passe. Une sorte de soulèvement vide où tout s’arrête, remuements, tournoiements, tous les mouvements, les gestes, la vitesse, la lenteur, grouillements, précipitations sans fin, comme une cataracte inverse où tout, un instant, reste dans un suspens, dans l’illusion d’un temps si vaste qu’on pourrait croire y entrer. Trous noirs, naines blanches et géantes rouges, quasars, synapses, cellules, molécules, électrons, bribes, flux et reflux, infimes éclats d’une éternelle métamorphose. Mais — table, vitre, ciel ou clôture — j’y suis, et c’est pourquoi — citrons, lampe, chêne — je suis perdu.

        Le temps dessine ses images. Entre clôture et ciel s’ouvre le vert d’un pré qu’on ne reconnaît pas. Si je pouvais, comme un oiseau rapide, je traverserais l’espace d’un seul battement d’aile vers l’obscure lisière de la montagne. Seul le regard m’y conduit, en revient, tissant du corps au jour les fils d’un indicible désir.


    Jacques Ancet, Chronique d’un égarement, Éditions Lettres Vives, Collection entre 4 Yeux, Castellare-di-Casinca (Haute-Corse), 2011, pp. 93-94.




    JACQUES ANCET


    Jacques Ancet
    Source




    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes


    [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    L’égarement
    L’identité obscure (extrait du chant 9 de L’Identité obscure)
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    Je reviens
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    On voit toujours (extrait de Puesto que él es este silencio)
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page Jacques Ancet
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet



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  • Laure Cambau | Pèlerin



    Le nuage se transforme
    Ph., G.AdC





                                     PÈLERIN



    Pèlerin perdu
    sur les traces d’une nature morte
    pâlie au rebord du chemin creux
    sur les traces d’un paradis

    quelques marches sous la cendre
    la corde sur le ventre
    quelques gouttes avant l’éveil
    tu plonges
    herbe folle au cœur du désastre
    herbe folle sur le cadastre ébloui
    bientôt
    au combat des vents
    le nuage se transforme
    ombre dormeuse du géant épanoui
    mélopée sans odeur et sans reproche
    cracheur de sable
    livré pleur en main




    Laure Cambau, Nuages des temps ordinaires in L’Homme dans la baignoire, Éditions de L’Amandier, 2001, page 52.






    LAURE CAMBAU




    ■ Laure Cambau
    sur Terres de femmes

    Ma peau ne protège que vous (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Tombeau de Janis
    tekké (extrait du Manteau rapiécé)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Sans pourquoi



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Laure Cambau
    → (sur le site de Claude Ber)
    une page consacrée à Laure Cambau (invitée du mois de juin 2010)




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  • 22 avril 1766 | Naissance de Madame de Staël

    Éphéméride culturelle à rebours



    Stael
    Jean-Baptiste Isabey (1767-1865)
    Portrait de Madame de Staël à trente ans, 1797
    Crayon noir, estompe, 20,3 x 14,4 cm
    Paris, Musée du Louvre
    Source






    « JE SUIS LA FILLE DE M. NECKER »




        Née le 22 avril 1766, rue de Cléry, à Paris, Anne Louise Germaine Necker avait huit ans lorsque Louis XVI fut couronné et vingt-six au moment où tomba la tête de Louis Capet. C’est dire qu’elle a déroulé ses années d’enfance et de jeunesse au crépuscule de l’Ancien Régime et au cœur de la Révolution. Mais ce fut à partir d’un double observatoire dont personne d’autre ne pouvait se prévaloir : à la fois depuis le salon des Lumières que tenait sa mère et depuis, au moins pour une saison — mais une saison incandescente —, le ministère des Finances dont son père, Jacques Necker, était le titulaire, véritable Premier ministre, porté aux nues avant d’être disgracié.
        Elle fut d’abord la fille de sa mère, Mme Necker, née Suzanne Curchod, qui avait des idées très précises sur l’éducation des filles, et particulièrement sur celle de sa fille unique, qu’on appelait alors Louise. Fille d’un pasteur exerçant à Crassier, près de Lausanne, tôt orpheline, elle était réduite à la pauvreté. Elle avait cependant une excellente instruction, savait lire et écrire en latin, détenait des rudiments de sciences, jouait du clavecin et avait une certaine habileté pour l’aquarelle. Cette blonde aux yeux bleus avait de surcroît une beauté qui attirait les jeunes gens du voisinage, et mieux encore ceux de Lausanne où elle se produisait dans un cercle d’admirateurs. Un projet de mariage avait été ébauché avec l’historien anglais Edward Gibbon, qui était du même âge qu’elle, et qui avait été touché par les grâces de son esprit et de son visage : « Je la vis et je l’aimai », dira-t-il en parlant d’elle. Le projet resta sans suite, Gibbon alléguant le refus de son père.
        Suzanne Curchod ne manquait pas de protecteurs, en particulier le pasteur Moultou, fils d’un réfugié français, qui devait rester son ami, et aussi des femmes distinguées venues s’installer sur les bords du Léman pour consulter un médecin réputé, le docteur Tronchin. C’est la rencontre avec Mme Vermenoux à Genève qui décida de son sort. Veuve, jolie, sa protectrice avait connu Suzanne par l’intermédiaire de Moultou ; s’était intéressée à elle et lui avait proposé de l’emmener à Paris comme demoiselle de compagnie. Pleine d’attraits, Mme Vermenoux exerçait son pouvoir de séduction qui n’avait pas épargné Jacques Necker, une de ses relations, prêt à lui demander sa main. Ses assiduités étant restées sans succès, Necker se consola en demandant en mariage la demoiselle de compagnie, qui accepta sans hésiter. Mariés sous l’enseigne de la raison consolante, Jacques et Suzanne s’aimèrent d’amour et formèrent un couple d’une fidélité partagée et à toute épreuve. « Des tourterelles qui ne se quittèrent jamais », écrira leur fille […]
        Dès l’âge de cinq ans, « Minette », comme ses parents appelaient leur fille, est admise au salon, sur un tabouret près de sa mère. Elle écoute les philosophes, retient leurs formules, et, très vite, se plaît à répondre à leurs remarques quand ils s’adressent à cette petite qui leur paraît si bien douée. Parmi les habitués, l’enfant prodige écoute le spirituel Melchior Grimm, écrivain allemand ami des encyclopédistes et dont la Correspondance littéraire est un précieux témoignage sur la vie parisienne ; Marmontel, auteur des Contes moraux et encyclopédiste, dont les lettres à Mme Necker sont pleines d’effusion et d’adulation, l’abbé Morellet, auteur d’articles sur la religion dans l’Encyclopédie ; le célèbre d’Alembert, philosophe et grand mathématicien, fils naturel de Mme de Tencin, un des piliers des autres salons avant la mort de Julie de Lespinasse (en 1776) et celle de Mme Geoffrin (1777) ; le littérateur Thomas ; l’académicien Suard ; le grand savant Buffon, qui résidait à Montbard mais ne ratait pas une occasion, lors de ses venues à Paris pour son Jardin du roi, de manifester de près à Mme Necker la tendresse qu’il lui prodiguait de loin dans ses lettres ; et puis Diderot, parlant à Sophie Volland d’« une femme qui possède tout ce que la pureté d’une âme angélique ajoute à la finesse du goût ». Mme de Staël fut élevée au Collège de France […]
        En 1778, pâlotte, tour à tour languide et surexcitée, Germaine doit quitter l’hôtel parisien de ses parents, rue de la Chaussée-d’Antin, pour vivre hors de la capitale, sur le conseil du fameux docteur Tronchin. Necker avait acquis une maison de campagne à Saint-Ouen ; les parents y installent « Minette » avec une gouvernante, une bonne et une femme de chambre. Le bon air fera le reste, car très vite la santé de la petite s’améliore. Contre la solitude, Madame Mère avait ménagé à sa fille une compagnie en la personne de son professeur de clavecin, Catherine Huber, une Genevoise, protestante comme il se doit. Les premières lettres de Germaine de Staël datent de cette époque ; elles sont au nombre de sept, toutes adressées à sa mère. À les lire, on est frappé par sa maîtrise de la langue et son goût pour l’exaltation des sentiments, où l’on subodore l’influence de La Nouvelle Héloïse :
        « Quelle que soit ma joie, écrit-elle ainsi, lorsque j’ai de vos nouvelles, je ne puis désirer de recevoir plus souvent de vos lettres. N’en dois-je pas sentir tout le prix ? Je les baise cent fois. Ah ! Ma chère maman, ces moments se perpétuent pour moi, lorsque vous passez une demi-heure à m’écrire, ces moments se perpétuent pour moi et me rendent heureuse jusqu’au moment où je vous vois, et je puise dans vos yeux une nouvelle source de bonheur. Mais quelle sera mon ivresse lorsque je retournerai près de vous, que je serai sous les ailes de la meilleure de toutes les mères, que son exemple sera pour moi la plus excellente de toutes les leçons ! Ma joie n’aura plus de bornes, et je dirai bien du fond de mon cœur que les moments que je passerai près de vous, et de mon papa, seront les seuls heureux de ma vie. Jamais, ma chère maman, quelle que soit ma destinée, je ne trouverai de bonheur aussi pur que celui que je goûte maintenant ; en grandissant j’obéirai à un nouveau maître et je n’aurai jamais pour lui le quart de la tendresse que j’ai pour vous. »
        Mme Necker s’émeut un peu des expressions exagérées de sa fille, et lui conseille le moderato. Peut-être sent-elle aussi au cours de ce séjour à Saint-Ouen que son influence sur sa fille est en passe d’être éclipsée par l’influence paternelle.


    Michel Winock, Madame de Staël, Éditions Fayard, 2010, pp. 15-16-18-19.





    MADAME-DE-STAEL-10




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