Terres de Femmes

Mois : juin 2009

  • Murale V

    Série Murales


    Murale V
    Ph., G.AdC





    MURALE V



    dans la mouvance du maquis
    les chardons hérissent leurs piques
    et toi
    tu fixes le taureau à l’arène
    banderilles à l’assaut des chairs de sang
    insensible aux échos
    qui emportent ton nom
    loin des Chines éternelles

    rongé de pierre
    cnidaires mauves
    piques d’écailles sans calice.



    Angèle Paoli
    DR. Texte angèlepaoli
    D.R. Photo Guidu Antonietti di Cinarca



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  • Murale IV

    Série Murales


    Murale IV
    Ph., G.AdC





    MURALE IV



    tu contournes
    les questions
    triangles de lumière
    qui nient les issues
    de la pensée première
    — chatoyante qui t’échappe —
    tu ne vois
    que ce qui se meut
    le reste se dérobe
    dans la grise monotonie
    d’un temps qui se meurt

    sans toi.



    Angèle Paoli
    DR. Texte angèlepaoli
    D.R. Photo Guidu Antonietti di Cinarca



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  • Murale III

    Série Murales


    Murale III
    Ph., G.AdC





    MURALE III



    c’est vrai
    ton cœur lassé
    a laissé le son bleu
    percer la rage des rancœurs
    la craie à chaud sur le mortier
    a criblé les espoirs
    de mille trous

    grésillements
    de cripures
    acidulées
    des sens.



    Angèle Paoli
    DR. Texte angèlepaoli
    D.R. Photo Guidu Antonietti di Cinarca



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  • Murale II

    Série Murales


    Murale II
    Ph., G.AdC





    MURALE II



    terre d’ambre la roue s’en vient
    tourne détoure chuintements
    de notes déroulés de vagues blondes
    en ondes brunes
    et le Ô mordoré de ton nom
    je le lisse en serpent de nuit
    sur la ligne de partage
    de l’horizon

    zeste d’effroi
    dans cri de craie.



    Angèle Paoli
    DR. Texte angèlepaoli
    D.R. Photo Guidu Antonietti di Cinarca



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  • Murale I

    Série Murales


    Murale I
    Ph., G.AdC





    MURALE I



    écaille
    la vie      le rêve tremble
    dans ses cercles
    enjolive les sens
    de la fête
    toi que ton nom
    lézarde sous ciel brûlé

    champ chromatique
    de la douleur



    Angèle Paoli
    DR. Texte angèlepaoli
    D.R. Photo Guidu Antonietti di Cinarca



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  • Alda Merini | Après tout même toi/Dopo tutto anche tu

    «  Poésie d’un jour  »


    L’uomo quando imprigiona
    le bellezze della natura
    ed anche il volo degli uccelli,
    a volte, non lo fa per cattiveria.
    Io sono convinta che
    l’uomo quando si stupisce
    delle alte qualità di Dio e della natura
    può anche diventare un assassino.






    Le_bellezze_della_natura
    Ph., G.AdC





    Quand l’homme emprisonne
    les beautés de la nature
    et aussi le vol des oiseaux,
    parfois, il ne le fait pas par méchanceté.
    Je suis convaincue que
    quand l’homme s’étonne
    des hautes qualités de Dieu et de la nature
    il peut aussi devenir un assassin.




    Alda Merini, Après tout même toi | Dopo tutto anche tu, Collection noire et rouge : “disait le poète disait l’ouvrier” dirigée par Dom Corrieras, Oxybia Ėditions, 2009, pp. 40-41. Traduction française de Patricia Dao.






    DOPO TUTTO ANCHE TU


    Dopo tutto anche tu
    che dovrei sentire nemico
    e che perdono.
    Sei soltanto un uomo
    che cerca di capire
    e di non capire nessuno.
    La tua generosità
    è falsa come la mia.
    Nessuno di noi
    è talmente buono
    da far sortir
    miracoli dai versi.
    Nessuno di noi
    è talmente puro
    da dimenticarli
    per sempre.






    Miracoli_dai_versi
    Ph., G.AdC





    APRÈS TOUT MÊME TOI


    Après tout même toi
    que je devrais sentir ennemi
    et que je pardonne.
    Tu es seulement un homme
    qui essaie de comprendre
    et de ne comprendre personne.
    Ta générosité
    est aussi fausse que la mienne.
    Aucun de nous
    n’est assez bon
    pour faire sortir
    les miracles des vers.
    Aucun de nous
    n’est assez pur
    pour les oublier
    à jamais.




    Alda Merini, Après tout même toi/Dopo tutto anche tu, id., pp. 60-61.






    Alda Merini dopo tutto 2






        Dopo tutto anche tu est un recueil de 34 poèmes dictés au téléphone par Alda Merini à Angelo Guarnieri. Psychiatre de la réforme Basaglia qui « mit fin à un siècle de tortures et de misères médicales », Angelo Guarnieri est aussi poète. Il a publié un ouvrage dans lequel sont rassemblés les poèmes écrits par les patients des services pour la santé mentale de Gênes : Parola smarrita, parola ritrovata (« Parole égarée, parole retrouvée »), poèmes dont la lecture a ému Alda Merini et a scellé leur amitié.
         Dopo tutto anche tu a été publié en 2003 par l’éditeur génois San Marco dei Giustiniani et traduit en espagnol, en 2007, par Delfina Muschietti aux éditions Vox, de Buenos Aires. Cet ouvrage, traduit en français par Patricia Dao, est le premier recueil d’Alda Merini publié en France. Il a été présenté à la MC93 de Bobigny le 17 juin 2009.

         « Alda Merini est une comète, un météorite qui n’aurait jamais atterri sur terre, mais l’aurait frôlée de si près, que les êtres sur cette terre en ressentiraient au fond d’eux-mêmes la douleur éternelle… » (Dom Corrieras).




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Danger Poésie)
    Après tout même moi, par André Chenet
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    Après tout même toi/Dopo tutto anche tu
    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur le site de la revue Conférence)
    Aphorismes & Gri gri d’Alda Merini







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  • Jacques Ancet | L’égarement

    «  Poésie d’un jour  »




    M-me lumi-re- m-mes couleurs- m-me faux bien--tre- m-me apparente transparence
    Ph., G.AdC





    L’ÉGAREMENT
    (EXTRAIT)



    Tout a poussé, tout me submerge. L’herbe tremble sous la lumière. Le chêne fomente son labyrinthe, le ciel tombe derrière les collines. La beauté me sort des yeux. J’en ai plein la bouche. Mais quand je l’ouvre, si peu en sort :

                               ― la… la…
                               ― Oui ?
                               ― le … le …
                               ― Oui ?

    Ma main fait un geste évasif. Dans mon dos, des images cathodiques. Nettes, reconnaissables. Je sombre dans la non-image.



    *


    À présent, je dis non

                               ― Vraiment ?
                               ― Vraiment.

    Non à ce oui où s’enlise le jour : même lumière, mêmes couleurs, même faux bien-être, même apparente transparence. Tout est là, trop à sa place pour être vrai. Chaque objet ― carafe, tasse, fauteuil ―, chaque chose ― montagne, chêne ― se referme sur sa propre suffisance. Plus rien ne circule qu’un petit air de déjà vu, déjà connu. Et quand je parle, même pipeau, mêmes crapauds, même voix toujours au bout du fil :

                               ― Allo oui ?
                               ― Alors non.
                               ― Non ?
                               ― Non.


    *


    Elle tend son pied, le regarde (bruit d’insectes et de mobylette). Son gros orteil pointe vers le ciel un peu gris de chaleur. (Des arbres, bien sûr, des herbes hautes, balancées).

                               ― Une patte, pas un pied.
                               ― Mais non.
                               ― Mais si.

    Son index s’approche, touche la peau rose. Des moteurs circulent, invisibles parmi bourdonnements et roulades. Entre mes yeux et les choses, un vide sans espace ― une sorte d’attente inquiète où je me je tiens, sans savoir où.

                               ― L’ailleurs est ici.
                               ― Et l’ici ailleurs ?
                               ― Non ici. Tout est ici.

    La montagne fume. Le vent tourne les pages du journal. Main posée sur le pied elle voit ce que je voudrais voir. Je regarde, je ne vois que mon ombre.



    *


    Un pas, un autre. Entre, l’élan qui me porte. L’ombre, la lumière, le blanc, le noir. Je marche, seul entre oui et non.



    Jacques Ancet, L’Égarement, in Revue Nu(e), n° 37 Jacques Ancet, numéro coordonné par Serge Martin, septembre 2007, pp. 24-25.




    JACQUES ANCET


    Jacques Ancet
    Source




    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes


    [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    Dans l’indéfini (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’identité obscure (extrait du chant 9 de L’Identité obscure)
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    Je reviens
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    On voit toujours (extrait de Puesto que él es este silencio)
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page Jacques Ancet
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet






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  • Mario Benedetti | Anthologie poétique

    «  Poésies d’un jour  »
    choisies par Nathalie Vuillemin




    Mario Benedetti
    Source






    AHÍ NOMÁS


    En el manso dolor que te perturba
    cuando asumes lejano cómo vibra o jadea
    la inocencia del otro

    en la desolación convertida en crisálida
    en el silencio lleno de palabras nonatas
    en el hueco de llanto inmerecido
    en tu ausencia de dioses
    en la asunción de tus mejores miedos
    en tus cenizas de utopía
    en tu fe de a pesar / de sin embargo

    ahí nomás
    precisamente ahí
    se oculta / resiste / permanece
    la caverna profunda / inexpugnable
    que algunos / unos pocos
    dicen que es la conciencia


    Mario Benedetti, El olvido está lleno de memoria (1995), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 456.





    JUSTE LÀ


    Dans la paisible douleur qui te perturbe
    quand tu saisis au loin comment vibre ou halète
    l’innocence de l’autre

    dans la désolation muée en chrysalide
    dans le silence plein de mots non-nés
    dans le creux des pleurs immérités
    dans ton absence de dieux
    dans l’acceptation de tes meilleures peurs
    dans tes cendres d’utopie
    dans ta foi de malgré / de toutefois

    juste là
    précisément là
    se cache / résiste / demeure
    la caverne profonde / inexpugnable
    que certains / quelques-uns
    disent être la conscience

    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    NO SÉ QUIÉN ES


    Es probable que venga de muy lejos
    no sé quién es ni a dónde se dirige
    es sólo una mujer que se muere de amor
    se le nota en sus pétalos de luna
    en su paciencia de algodón / en sus
    labios sin besos u otras cicatrices /
    en los ojos de oliva y penitencia

    esta mujer que se muere de amor
    y llora protegida por la lluvia
    sabe que no es amada ni en los sueños
    lleva en las manos sus caricias vírgenes
    que no encontraron piel donde posarse /
    y / como huye del tiempo / su lujuria
    se derrama en un cuenco de cenizas


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 244.





    JE NE SAIS QUI ELLE EST


    Il est probable qu’elle vienne de très loin
    je ne sais qui elle est ni où elle se dirige
    c’est seulement une femme qui se meurt d’amour
    on le remarque à ses pétales de lune
    à sa patience de coton / à ses
    lèvres sans baisers ou autres cicatrices
    à ses yeux d’olive et de pénitence

    cette femme qui se meurt d’amour
    et pleure protégée par la pluie
    sait qu’elle n’est pas même aimée dans les rêves /
    elle tient dans ses mains ses caresses vierges
    qui ne rencontrèrent aucune peau où se poser /
    et / comme elle fuit du temps / sa luxure
    se déverse en une terrine de cendres.


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    PAPEL MOJADO


    Con ríos
    con sangre
    con lluvia
    o rocío
    con semen
    con vino
    con nieve
    con llanto
    los poemas
    suelen
    ser
    papel mojado


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 257.





    PAPIER MOUILLÉ


    par des fleuves
    par du sang
    par de la pluie
    ou de la rosée
    par du sperme
    par du vin
    par de la neige
    par des pleurs
    les poèmes
    ont coutume
    d’être
    du papier mouillé


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    RINCÓN DE HAIKUS
    (1999) (Extraits)


    1.
    si en el crepúscolo
    el sol era memoria
    ya no me acuerdo

    9.
    pasan misiles
    ahítos de barbarie
    globalizados

    11.
    las hojas secas
    son como el testamento
    de los castaños

    14.
    los sentimientos
    son inocentes como
    las armas blancas

    17.
    son manos locas
    de pianista o de herrero
    las que nos hablan

    19.
    los dos ladrones
    miraron a jesús
    y se miraron

    41.
    el exiliado
    se fue adaptando al tedio
    de la nostalgia

    43.
    la caracola
    me deja en el oído
    viejos pregones

    63.
    cuando anochece
    se estremecen los pinos
    y no es de frío

    76.
    por este puente
    transcurren ilusiones
    y contrabandos

    94.
    cuando uno viaja
    también viaja con uno
    el universo

    95.
    sólo el murciélago
    se entiende con el mundo
    pero al revés

    107.
    una campana
    tan sólo una campana
    se opone al viento

    122.
    nos van dejando
    sin árboles sin ubres
    sin fe sin ríos

    148.
    el árbol sabe
    de quién es cada paso
    de quién el hacha

    172.
    la poesía
    dice honduras que a veces
    la prosa calla

    188.
    sé de un ateo que en las noches rezaba
    pero en francés

    195.
    qué astuto el mar /
    si antes hubo sirenas
    quedan las colas

    201.
    cuántos semáforos
    para encontrar la senda
    del viejo crepúscolo

    219.
    llego alelado
    a este final de siglo
    qué encontraremos

    224.
    y aquí termino
    sin hacer sombra a nadie
    ni descuidarme


    Mario Benedetti, Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), pp. 153-197.





    LE COIN DES HAÏKUS


    1.
    si au crépuscule
    le soleil était mémoire
    déjà je ne m’en souviens plus

    9.
    des missiles passent
    rassasiés de barbarie
    globalisés

    11.
    les feuilles mortes
    sont comme le testament
    des marronniers

    14.
    les sentiments
    sont innocents comme
    les armes blanches

    17.
    ce sont des mains folles
    de pianiste ou de forgeron
    celles qui nous parlent

    19.
    les deux brigands
    regardèrent jésus
    puis se regardèrent

    41.
    l’exilé
    s’adapta à l’ennui
    de la nostalgie

    43.
    la conque
    me laisse dans l’oreille
    de vieux discours

    63.
    quand la nuit tombe
    et pas de froid

    76.
    par ce pont
    traversent des illusions
    et des contrebandiers

    94.
    quand on voyage
    voyage aussi avec nous
    l’univers

    95.
    seule la chauve-souris
    s’entend avec le monde
    mais à l’envers

    107.
    une cloche
    seule une cloche
    s’oppose au vent

    122.
    on nous laisse
    sans arbres sans nuages
    sans foi sans fleuves

    148.
    l’arbre sait
    de qui est chaque pas
    de qui la hache

    172.
    la poésie
    dit des profondeurs que parfois
    la prose tait

    188.
    je sais d’un athée
    qu’il priait la nuit
    mais en français

    195.
    quelle malicieuse, la mer /
    si autrefois il y eut des sirènes
    restent les queues

    201.
    combien de feux rouges
    pour rejoindre le sentier
    du vieux crépuscule

    219.
    j’arrive hébété
    à cette fin de siècle
    que rencontrerons-nous

    224.
    et je termine ici
    sans faire d’ombre à personne
    ni me négliger


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)






    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
    (établie par Nathalie Vuillemin)


    Mario Benedetti est né à Paso de los Toros (Uruguay) le 14 septembre 1920. Après avoir pratiqué divers petits métiers, il s’engagea parallèlement dans une carrière d’écrivain et de journaliste. Son premier recueil de poèmes (La visepra indeleble) est publié en 1945. Depuis, Mario Benedetti a publié plus de cinquante ouvrages : romans, nouvelles, théâtre, essais, et surtout poésie. Ce dernier genre est, pour Benedetti, l’expression de la vie quotidienne, dans ses interrogations les plus intimes comme dans les événements les plus concrets. La poésie de Benedetti témoigne notamment de l’expérience de l’exil qu’il subit pour des raisons politiques entre 1973 et 1986.

    Nombre de textes poétiques de Benedetti sont destinés à la chanson ; des artistes tels que Daniel Viglietti, Nacha Guevara, Joan Manuel Serrat, entre autres, les ont mis en musique. Convaincu que la poésie pouvait être un art vivant, adressé à toutes les générations et à tous les individus, quel que soit leur degré de formation, Benedetti fut également un poète-acteur et présenta des lectures de ses textes à de nombreuses occasions, aussi bien en Amérique latine qu’en Europe. En 1992, Eliseo Subiela a réalisé, sur un scénario construit à partir de poèmes de Benedetti, le film El lado oscuro del corazón, dans lequel le poète fait une brève apparition.

    Mario Benedetti est décédé le dimanche 17 mai 2009 à Montevideo. Le même jour, selon ses vœux, est née la fondation Mario Benedetti ; son objectif est de réunir et publier l’ensemble de son œuvre inédite, ainsi que de soutenir le travail des jeunes poètes de langue espagnole.



    Quelques œuvres :

    La víspera indeleble, 1945 (poésie).
    Quién de nosotros, 1953 (roman).
    La Tregua, 1960 (roman, traduit en français sous le titre : La Trêve).
    Montevideanos, 1959 (nouvelles).
    Noción de patria, 1963 (poésie).
    Letras del continente mestizo, 1967 (essai).
    La casa y el ladrillo, 1977 (poésie).
    Cotidianas, 1979 (poésie).
    Viento del exilio, 1981 (poésie).
    Primavera con una esquina rota, 1982 (roman).
    Geografías, 1984 (nouvelles).
    Las soledades de Babel, 1991 (poésie).
    Perplejidades de fin de siglo, 1993 (poésie).
    El olvido está lleno de memoria, 1995 (poésie).
    Andamios, 1996 (roman).
    El porvenir de mi pasado, 2003 (nouvelles).
    Canciones del que no canta, 2006 (poésie).





    MARIO BENEDETTI


    T_bene_139
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site A media voz)
    quelques poèmes de Benedetti lus par l’auteur 
    → (sur le site 8 Méridiens & Parallèles 8, consacré à l’Amérique latine)
    plusieurs articles sur Mario Benedetti






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  • 9 juin 1508 | Lettre d’Érasme à Thomas More

    Éphéméride culturelle à rebours



    Erasme et Thomas More
    Image, G.AdC





    ÉRASME DE ROTTERDAM

    À SON CHER THOMAS MORUS

    SALUT




         Ces jours derniers, voyageant d’Italie en Angleterre et devant rester tout ce temps à cheval, je n’avais nulle envie de le perdre en ces banals bavardages où les Muses n’ont point de part. J’aimais mieux méditer quelques points des études qui nous sont communes ou bien j’évoquais les bons amis que j’ai quittés. J’en ai de si savants et de si exquis ! Des premiers, ô Morus, tu te présentais à ma pensée. Ton souvenir, cher absent, m’est plaisant comme le fut jadis ta présence familière ; et que je meure si j’ai jamais eu, dans ma vie, de joie plus douce !
         Voulant donc m’occuper à tout prix, et les circonstances ne se prêtant guère à du travail sérieux, j’eus l’idée de composer par jeu un éloge de la Folie. Quelle Pallas, diras-tu, te l’a mise en tête ? C’est que j’ai pensé d’abord à ton propre nom de Morus, lequel est aussi voisin de celui de la Folie (Moria) que ta personne est éloignée d’elle ; tu es même de l’aveu de tous son plus grand adversaire. J’ai supposé ensuite que cet amusement de mon esprit gagnerait ton approbation, parce que tu ne crains pas un genre de plaisanterie qu’on peut rendre docte et agréable et que, dans le train ordinaire de la vie, tu tiens volontiers de Démocrite. Certes, la profondeur de ta pensée t’éloigne fort du vulgaire ; mais, tu as tant de bonne grâce et un caractère si indulgent, que tu sais accueillir d’humbles sujets et t’y plaire. Tu recevras donc avec bienveillance cette petite déclamation, comme un souvenir de ton ami, et tu accepteras de la défendre, puisqu’elle n’est plus à lui, mais à toi par sa dédicace […]
         Chacun peut se délasser librement des divers labeurs de la vie ; quelle injustice de refuser ce droit au seul travailleur de l’esprit ! Surtout quand les bagatelles mènent au sérieux, surtout quand le lecteur, s’il a un peu de nez, y trouve mieux son compte qu’à mainte dissertation grave et pompeuse. Tel compile un éloge de la Rhétorique ou de la Philosophie, tel autre le panégyrique d’un prince ou une exhortation à combattre les Turcs ; il y a des écrivains pour prédire l’avenir, d’autres pour imaginer des questions sur le poil des chèvres. Rien n’est plus sot que de traiter avec sérieux de choses frivoles ; mais rien n’est plus spirituel que de faire servir les frivolités à des choses sérieuses. C’est aux autres de me juger ; pourtant, si l’amour-propre ne m’égare, je crois avoir loué la Folie d’une manière qui n’est pas tout à fait folle.
         À qui me reprocherait de mordre, je répondrais que l’écrivain eut toujours la liberté de railler impunément les communes conditions de la vie, pourvu qu’il n’y fît pas l’enragé. J’admire la délicatesse des oreilles de ce temps, qui n’admettent plus qu’un langage surchargé de solennelles flatteries. La religion même semble comprise à l’envers, quand on voit des gens moins offusqués des plus gros blasphèmes contre Jésus-Christ, que de la plus légère plaisanterie sur un pape ou sur un prince, surtout s’ils mangent son pain.
         Critiquer les mœurs des hommes sans attaquer personne nominativement, est-ce vraiment mordre ? N’est-ce pas plutôt instruire et conseiller ? Au reste, ne fais-je pas sans cesse ma propre critique ? […]
       &nbsp Mais pourquoi tant d’explications à un avocat tel que toi, qui plaides en perfection les causes même médiocres ? Je laisse à ta maîtrise le soin de défendre cette Moria qui est ton bien ? Adieu, Morus très éloquent !

    À la campagne, le 9 juin 1508.



    Érasme, Éloge de la Folie, Editions Garnier, 1964 ; GF-Flammarion, 1989, pp. 13-14-15. Traduction par Pierre de Nolhac.





    ■ Érasme
    sur Terres de femmes

    27 octobre 1466 | Naissance d’Érasme





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  • 8 juin 1942 | Hélène Berr, Journal

    Éphéméride culturelle à rebours



    HELENE BERR JOURNAL






    Lundi 8 juin


         C’est le premier jour où je me sente réellement en vacances. Il fait un temps radieux, très frais après l’orage d’hier. Les oiseaux pépient, un matin comme celui de Paul Valéry. Le premier jour aussi où je vais porter l’étoile jaune. Ce sont les deux aspects de la vie actuelle : la fraîcheur, la beauté, la jeunesse de la vie, incarnée par cette matinée limpide ; la barbarie et le mal, représentés par cette étoile jaune. […]




    Lundi soir


         Mon Dieu, je ne croyais pas que ce serait si dur.
         J’ai eu beaucoup de courage toute la journée. J’ai porté la tête haute, et j’ai si bien regardé les gens en face qu’ils détournaient les yeux. Mais c’est dur.
         D’ailleurs, la majorité des gens ne regarde pas. Le plus pénible, c’est de rencontrer d’autres gens qui l’ont. Ce matin, je suis partie avec Maman. Deux gosses dans la rue nous ont montrées du doigt en disant: « Hein, T’as vu ? Juif. » Mais le reste s’est passé normalement. Place de la Madeleine, nous avons rencontré M. Simon, qui s’est arrêté et est descendu de bicyclette. J’ai repris toute seule le métro jusqu’à l’Étoile. À l’Étoile, je suis allée à l’Artisanat chercher ma blouse, puis j’ai repris le 92. Un jeune homme et une jeune fille attendaient, j’ai vu la jeune fille me montrer à son compagnon. Puis ils ont parlé.
         Instinctivement, j’ai relevé la tête ― en plein soleil ―, j’ai entendu : « C’est écœurant ». Dans l’autobus, il y avait une femme, une maid [domestique] probablement, qui m’avait souri avant de monter et qui s’est retournée plusieurs fois pour sourire ; un monsieur chic me fixait : je ne pouvais pas deviner le sens de ce regard, mais je l’ai regardé fièrement.
         Je suis repartie pour la Sorbonne ; dans le métro, encore une femme du peuple m’a souri. Cela a fait jaillir les larmes à mes yeux, je ne sais pourquoi. Au Quartier Latin, il n’y avait pas grand monde. Je n’ai rien eu à faire à la bibliothèque. Jusqu’à quatre heures, j’ai traîné, j’ai rêvé, dans la fraîcheur de la salle, où les stores baissés laissaient pénétrer une lumière ocrée. À quatre heures, J.M. est entré. C’était un soulagement de lui parler. Il s’est assis devant le pupitre et est resté là jusqu’au bout, à bavarder sans rien dire. Il est parti une demi-heure chercher des billets pour le concert de mercredi ; Nicole est arrivée entre-temps.
         Quand tout le monde a eu quitté la bibliothèque, j’ai sorti ma veste et je lui ai montré l’étoile. Mais je ne pouvais pas le regarder en face, je l’ai ôtée et j’ai mis le bouquet tricolore qui la fixait à ma boutonnière. Lorsque j’ai levé les yeux, j’ai vu qu’il avait été frappé en plein cœur. Je suis sûre qu’il ne se doutait de rien. Je craignais que toute notre amitié ne fût soudain brisée, amoindrie par cela. Mais après, nous avons marché jusqu’à Sèvres-Babylone, il a été très gentil. Je me demande ce qu’il pensait.



    Hélène Berr, Journal, Éditions Tallandier, 2008, pp. 55-57-58. Préface de Patrick Modiano.





    Voir aussi :

    – (surBiblioObs)
    la Préface du Journal d’Hélène Berr par Patrick Modiano ;
    – (sur ObsVideo)
    le 2e extrait ci-dessus lu par Jérôme Garcin







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