Terres de Femmes

Mois : avril 2009


  • Martine Broda | L’aura



    «Le lyrisme, même le plus moderne, est l'ultime refuge de l'aura.» - Clara-Clara, sculpture de Richard Serra au jardin des Tuileries, mars 2009
    Clara-Clara,
    sculpture de Richard Serra au jardin des Tuileries, mars 2009

    Ph., G.AdC







    LAURA | L’AURA


         « L’aura : l’être-à-la-mort éblouissant. Tissée par le temporel, elle est, mortelle, l’évanescence de la beauté et son voile, la dignité de la chose éphémère, l’éclat de la sublimité. Ou encore, la splendeur de notre condition, puisqu’être, irrévocablement, de cette terre est, en dépit de tout, splendide, comme le disait Rilke. L’homme a éternellement besoin d’aura, et si on persiste à la lui refuser, il y a danger de régression à toutes les formes du sacré même religieux, avec son cortège d’intolérances, à la valeur cultuelle de l’œuvre inaccessible et unique, reflet de l’inaccessibilité et de l’unicité du dieu. À la sauvagerie du mythe.
         À l’égal, peut-être, de la photographie, qui donne de l’être au passé, confrontant le temps fragile à l’éternité qui le ruine, le lyrisme, même le plus moderne, est l’ultime refuge de l’aura. Puisqu’il n’a d’autre fonction que de la capturer, en fixant avec des mots ses instantanés, ici et maintenant, les moments épiphaniques, même sans resacraliser. Ce qui est absolument, tragiquement moderne, c’est que l’aura ne brille jamais mieux que sur le fond de son déclin, et que l’illumination qui nous reste, déchirante et brève, est profane. En dépit des atrocités du monde moderne, le lyrisme illumine nos dernières raisons de vivre ― comme l’amour.


    Martine Broda, « Lyrisme et aura » in L’Amour du nom, Essai sur le lyrisme et la lyrique amoureuse, José Corti, 1997, pp. 245-246.





    ■ Martine Broda
    sur Terres de femmes

    [j’ai mal aux mots] (extrait de Grand Jour)
    à tant marcher vers la lumière (autre extrait de Grand Jour)
    23 avril 2009 | Mort de Martine Broda (+ extrait de Lettre d’amour)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Mediapart)
    Un anniversaire en tête, Martine Broda, par Anne Guérin-Castell (20 mai 2011)
    → (sur Le Nouveau Recueil)
    un dossier Martine Broda mis en ligne en avril-mai 2013
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche consacrée à Martine Broda





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  • Olivier Bastide | BestiAire



    L-ASTICOT
    Image, G.AdC






    L’ASTICOT



    Faut-il croire les brumes
    de pierrailles ? L’asticot
    persiste dans sa dénégation.
    Il joint à la parole le geste
    lent des mythes. Quand
    se lève le vent, il accompagne
    au trépas les vertueux.






    L-ARAIGN-E
    Image, G.AdC






    L’ARAIGNÉE



    À pattes pleines, l’araignée
    troue les chagrins
    filandreux. Elle fixe sa
    houle sous les poutres
    fiévreuses. Méticuleuse,
    elle cloue ses faveurs à son
    désir avant d’ensevelir
    l’aveugle, le fou, l’impérial
    innocent des greniers.






    L-ANICROCHE
    Image, G.AdC






    L’ANICROCHE



    J’ai ferré une anicroche près
    des bosquets, curieuse
    bestiole au bec poilu. J’ai
    tenté l’embarras, joué
    l’étonné. Je pars au vent
    crépu sa gueule sous le bras.



    Olivier Bastide, BestiAire, Les Solicendristes, 2002, pp. 9-11-14.






    OLIVIER BASTIDE


    Olivier Bastide 3
    Ph. angèlepaoli



    ■ Olivier Bastide
    sur Terres de femmes

    S’asseoir, debout, marcher (extrait de La Figure et l’Élan)



    ■ Voir aussi ▼

    Dépositions (le site d’Olivier Bastide)







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  • Myriam Eck | Cavité – Ouverte

    «  Poésie d’un jour  »



    Santa Cecilia
    Diptyque photographique, G.AdC






    CAVITÉ



    Avant tes mains
    Il y avait des coudes
    Bruits de sourires
    Je me presse
    Couchée avant le lit
    Des mots tus sous les lèvres
    Tu me serres sans bras
    Une nouvelle tête se déplie
    Une cavité de plus






    OUVERTE



    La perte a un bruit
    De sol

    Deux mains reculées
    Sans vis-à-vis


    On ne choisit pas l’endroit où l’on s’arrête
    À la limite du saut

    Le regard sans pied

    Tandis que l’ombre revient
    Ouverte

    Libre d’emporter un cri
    Au hasard




    Myriam Eck, in Thαumα, Revue de philosophie et poésie, n° 5, « La joie », La Compagnie des Argonautes, février 2009, pp. 180-181.






    MYRIAM ECK


    Myriam Eck.NB
    Ph. D.R.



    ■ Myriam Eck
    sur Terres de femmes

    Calanques XII
    [La terre se creuse] (extrait de Calanques)
    [Ce qui se vide dans ma tête…] (extrait de Sonder le vide)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Aridité



    ■ Voir aussi ▼

    Cecilia la « sans-visage »







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  • Corse_3 André Ughetto | En Corse



            Neige Jour Mer
            Triptyque photographique, G.AdC




        


         


          E

          N

     

          C

          O

          R

          S

          E,

         les plus beaux monuments

      ne sont pas sortis de la main des

    hommes. Ils  sont l’œuvre de la nature

      inspirée, prodigue en ses contrastes.

    Ce morceau d’Alpes immergées, entre sa

       base et ses sommets, a construit les plus

    altières murailles, places-fortes de l’invisible,

       citadelles au défi de l’humain.

        Le pont de nos regards y joint la neige

    à la mer. La lampe du jour révèle en

      tournoyant les feux de diamants

       successifs. Un dieu à son enclume

        ouvrage, avec un serein

          acharnement, tous

           les masques de la

                beauté.




    André Ughetto, Rues de la forêt belle, Le Taillis Pré, 2004, page 200. Frontispice de Pierre Dubrunquez.





    André Ughetto  Rues de la forêt belle




    ANDRÉ UGHETTO


    André Ughetto
    Source




    ■ André Ughetto
    sur Terres de femmes


    Ligne de faîte (poème extrait de La poésie tient parole)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terre à ciel)
    une page sur André Ughetto







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  • L’or des mots | L’oro delle parole



        Le poème ci-dessous est récemment paru en français dans Thαumα, Revue de philosophie et poésie (n° 5, « La joie », La Compagnie des Argonautes, février 2009, pp. 249-250-251). La traduction que je mets ici en ligne est celle effectuée le vendredi 24 avril par Maura Del Serra (professeure de littérature comparée à l’Université de Florence) au cours d’un atelier interactif de traduction, dans la Salle Bigongiari de la Bibliothèque San Giorgio de Pistoia, à l’occasion d’un jumelage poétique entre la commune de Pistoia et le Scriptorium de Marseille.






    La gioia di appartenere al mondo
    Ph, G.AdC



    L’OR DES MOTS


    Bleu violine la mer
    miroir de lumière
    ou peut-être de pluie

    mirage des mots nus

    ― mousses odorantes
    émaillées de douceur ―

    enchevêtrements de routes
    diluées là-bas

    ― loin ―

    sous des cieux indécis
    nappes de brume blanche
    à perte de regard

    ― et ton regard

    épris de rêves illicites

    voilures de l’eau
    qui délestent les terres
    aplanissement des tracés
    des contours
    des crêtes et lacis

    ― et ton sourire

    plein d’un ailleurs
    indicible d’émoi

    où donc sont les oiseaux

    ― les arbres dorment repliés
    dans l’arrondi de leur silence ―

    immobilité sans frisson

    sinon celui que te donne
    la joie d’appartenir au monde
    du retrait invisible de l’âme

    il pleut au large

    lattes dansantes de soleil
    versées à grande eau
    à l’horizon des monts

    cercles de couleur

    modulés par les flots
    plus noirs plus mauves
    non plus noirs

    c’est l’orage qui lève
    aux abords du rivage
    cueille les voix
    dispersées de la vague

    mille éclats rajustés
    dans l’éclat minutieux
    d’un grain d’eau qui s’ébroue
    dans le creux de la roche

    triangle de désir

    qui bruit
    sous l’or des mots


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    L’ORO DELLE PAROLE


    Azzurro viola-porporino il mare
    specchio di luce
    o magari di pioggia

    miraggio delle parole nude

    ― muschi odoranti
    smaltati di dolcezza ―

    groviglio di strade
    diluite laggiù

    ― lontano ―

    sotto cieli indecisi
    coltri di brume bianche
    a perdita d’occhio

    ― e il tuo sguardo

    invaghita di sogni illeciti

    velature dell’acqua
    che alleggeriscono le terre

    appiattimento dei tracciati
    dei contorni
    delle creste e degli intrichi

    ― e il tuo sorriso

    colmo d’un altrove
    indicibile di emozione

    dove sono gli uccelli

    ― gli alberi chini dormono
    nel sorriso tornito silenzio ―

    immobilità senza brivido

    se non quello che ti dà
    la gioia di appartenere al mondo
    del recesso invisibile dell’anima

    al largo piove

    sciabole danzanti di sole
    rovesciate in profluvio
    sull’orizzonte dei monti

    cerchi di colore

    modulati dai flutti
    più neri più violetti
    non più neri

    è il temporale a nascere
    sugli approdi della riva
    a cogliere voci
    disperse dell’onda

    mille bagliori armonici
    nel minuzioso bagliore
    di un granello d’acqua che si crolla
    nelle cavità della roccia

    triangolo di desiderio

    che fruscia
    sotto l’oro delle parole.


    Traduction inédite de Maura Del Serra
    (gemellaggio poetico con l’Associazione Scriptorium di Marsiglia,
    Pistoia [Toscana], 24 aprile 2009)





    Note d’AP : Maura Del Serra est lauréate du Prix international Mario Luzi 2011 pour son recueil de poésie Tentativi di certezza (Poesie 1999-2009), Marsilio, Venezia, 2010.





    Nuova Biblioteca San Giorgio di Pistoia
    Nuova Biblioteca San Giorgio di Pistoia.
    Architectes : Pica Ciamarra Associati
    (Massimo Pica Ciamarra, Luciana De Rosa, Claudio De Martino)
    D.R. Photos et dessin





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  • Limon de haut vertige | Limo d’alta vertigine

    Escalier_enlov_reverso
    Ph, G.AdC





    LIMON DE HAUT VERTIGE


    À l’envers de tout le matin reflue vers la nuit
    entre ciels d’éveil et terres d’ombre
    les marches à rebours vers l’obscur et la rampe
    escalier inversé en quel sens prendre se déprendre
    monter descendre décentrer
                                                               comment mettre un pied
    derrière devant dessous dessus arrière l’autre
    atteindre là-haut sous les toits le sommet
    dérobé de l’antre jonction des marches et du seuil
    ramper ventre à terre laminé s’accrocher singe habile
    au revers des planches tablettes volée

    échelle de la déraison
    qui t’oblige ange déchu
    livré au soliloque du vent
    à grimper tête en bas
    l’escalier enlové

    mains crispées au timon de la rampe tu te hisses
    limon de haut vertige vers un point qui t’échappe
    fuit se refuse et là-haut un gouffre blanc
    de presque lumière une béance qui s’enlargit
    à mesure et au fur que l’escalier élance son hélice
    et sa spirale hisse vers le ciel dévasté
    de ta chambre-navire

    sagittaire lancé
    au giron de ta nuit.

    Cunchigliu, 26 février 2008


    Angèle Paoli, Limon de haut vertige, La Revue des Archers, Publication littéraire semestrielle, n° 16, mai 2009, page 156.






    LIMO D’ALTA VERTIGINE


    A rovescio di tutto il mattino rifluisce verso la notte
    tra cieli di risveglio e terre d’ombra
    i gradini al ritroso verso l’oscuro e la ringhiera
    scala rovesciata in che senso prendere distaccarsi
    salire scendere disassare
                                                           come mettere un piede
    indietro davanti sotto sopra dietro l’altro
    sotto i tetti raggiungere lassù la cima
    spoglia dell’antro unione dei gradini e della soglia
    strisciare ventre a terra laminata aggrapparsi
    scimmia abile
    sul rovescio delle assi mensole involata

    scala della sragione
    che ti obbliga angelo caduto
    in preda al soliloquio del vento
    ad arrampicarti testa in giù
    la scala acciambellata

    mani contratte sul timone della ringhiera ti issi
    limo d’alta vertigine verso un punto che ti sfugge
    fugge si nega e lassù un abisso bianco
    di semiluce un varco che si allarga
    via via che la scala leva l’elica
    e la spirale issa al cielo devastato
    della tua camera-nave

    sagittario lanciato
    nel grembo della tua notte.


    Traduction inédite de Maura Del Serra
    (gemellaggio poetico con l’Associazione Scriptorium di Marsiglia,
    Pistoia [Toscana], 24 aprile 2009)






    LIMO D’ALTA VERTIGINE


    In totale rovescio il mattino rifluisce verso la notte
    tra cieli di risveglio e terre d’ombra
    i gradini al contrario verso il buio e la ringhiera
    scala invertita su quale senso imbrigliare si sbroglia
    salire scendere decentrare
                                                           come mettere un piede
    dietro davanti disotto disopra indietro l’altro
    raggiungere lassù sotto i tetti la cima
    derubata dell’antro giunzione di gradini e di soglia
    strisciare ventre a terra assottigliata aggrapparsi abile
    scimmia
    al rovescio delle assi tavolette involata

    scaletta dell’insensatezza
    che ti obbliga angelo caduto
    in balìa del soliloquio del vento
    a rampicare testa in giù
    la scala inciambellata

    mani contratte sul timone della ringhiera tu ti issi
    limo di alta vertigine verso un punto che ti scappa
    sfuggito si nega e lassù un baratro bianco
    di quasi luce uno spacco che s’inlarga
    via via volta volta che la scala slancia la sua elica
    e la sua spirale issa verso il cielo devastato
    della tua camera-nave

    sagittario lanciato
    al grembo della tua notte


    Traduction d’Alessandro Ceni
    (gemellaggio poetico con l’Associazione Scriptorium di Marsiglia,
    Pistoia [Toscana], 24 aprile 2009).

    La traduction ci-dessus a été lue par Alessandro Ceni le soir du vendredi 24 avril dans l’auditorium Tiziano Terzani de la Bibliothèque San Giorgio de Pistoia, à l’occasion d’un jumelage poétique entre la commune de Pistoia et le Scriptorium de Marseille. Cette traduction a été publiée (en même temps que le poème original) dans la revue italienne de poésie comparée Semicerchio (Casa editrice Le Lettere, Firenze, dicembre 2009, pp. 31-32).




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  • Poésie croisée sur les remparts de Pistoia (Toscane)

    Agenda culturel



    Le Scriptorium à Pistoia
    Image, G.AdC







    SUR LES REMPARTS DE PISTOIA


         Du 22 au 24 avril 2009, quatre poètes français de l’Association du Scriptorium de Marseille, Dominique Sorrente (fondateur de l’Association), Angèle Paoli, Olivier Bastide et André Ughetto se rendront en Toscane pour participer à un jumelage poétique avec la Commune de Pistoia. Les accompagneront Elena Berti et Valérie Brantôme, italianistes confirmées qui contribueront à la fluidité des échanges. L’objet de cette aventure est d’expérimenter une démarche de partage poétique avec une communauté de poètes toscans réunis par Paolo Fabrizio Iacuzzi, poète, éditeur et directeur artistique de l’Accademia pistoiese del Ceppo.

         À l’heure où l’Italie a été cruellement meurtrie par le tremblement de terre de L’Aquila, cette campagne du Scriptorium « hors frontières » sera en premier lieu un signe de fraternité méditerranéenne.

         Au programme, plusieurs temps forts ont été annoncés : le mercredi, la conférence d’André Ughetto portera sur les traductions en français de l’œuvre de Piero Bigongiari, l’un des plus grands poètes toscans, dont la majeure partie du fonds a été rassemblée (sous l’autorité de Paolo Fabrizio Iacuzzi) à la Bibliothèque San Giorgio de Pistoia ; le jeudi soir (de 17h00 à 19h00), une lecture itinérante « à ciel ouvert » et « à plusieurs voix » aura lieu sur les remparts de la forteresse de Santa Barbara, mêlant textes des grands classiques de chaque pays avec expressions contemporaines.

         Tout au long de ces journées, un atelier de traduction, « Les Matinales », réunira quatre poètes toscans, Martha Canfield, Alessandro Ceni, Maura Del Serra et Paolo Fabrizio Iacuzzi, ainsi que les quatre poètes du Scriptorium ; ce sera pour eux l’occasion de croiser les traductions réciproques qu’ils auront réalisées en amont de la rencontre ; les textes de l’atelier des « Matinales » seront portés à la connaissance du public au cours d’une lecture intitulée « Le poème et son double ». Elle permettra de mieux partager l’expérience vécue en hospitalité linguistique. Cette lecture constituera le point d’orgue de la rencontre et marquera aussi le point de départ de la Nocturne de la Bibliothèque (le vendredi de 19h00 à 2h00 du matin).



    LES PARTENAIRES DE CETTE INITIATIVE


         Plusieurs institutions de Toscane se sont associées à ce projet :
         L’Université de Florence, le Centre Jorgue Ejelson de Florence, l’Académie pistoièse du Cep, la revue de poésie comparée Semicerchio (Florence) ainsi que les revues de littérature Paletot (Pistoia), I Quaderni del Battello Ebbro (Porretta Terme), Colletivo R (Florence).
         Outre les poètes déjà cités participeront à cet événement (à l’occasion de la lecture sur les remparts) Enza Biagini, spécialiste de Piero Bigongiari, les poètes Roberto Bartoli, Martino Baldi, Massimo Baldi et Giacomo Trinci.

         La revue Terres de femmes s’associe à cette entreprise à laquelle elle apporte son chaleureux concours. Elle donnera très régulièrement à ses lecteurs des morceaux choisis de ce partage poétique.



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  • Piero Bigongiari | Pescia-Lucca




    Dans tes ciels si doux, Toscane
    Aquatinte numérique, G.AdC






    PESCIA-LUCCA


    Ho vissuto
    nelle città più dolci della terra
    come una rondine passeggera.
    Lucca era
    un nido difficile tra le vigne
    impolverate in fondo a bianche strade,
    donde sarebbe traboccata
    con ali troppo folli
    pe’ tuoi cieli molli, Toscana,
    antica giovinezza.
    Malcerta ebbrezza, malcerta infanzia
    lungo le case di Lunata
    sfiorate in tram accanto al guidatore,
    la morte è questa
    occhiata fissa ai tuoi cortili
    che una dice sorpresa
    facendosi solecchio dalla soglia :
    è nata primavera,
    sono tornate le rondini.

    22-25 aprile 1956


    Piero Bigongiari, Le Mura di Pistoia, 1955-1958, Mondadori, 1989, pp. 28-29.






    PESCIA-LUCQUES


    J’ai vécu
    dans les villes les plus douces de la terre
    comme une hirondelle passagère.
    Lucques était
    un nid inaccessible parmi les vignes
    empoussiérées au bout de routes blanches,
    d’où devait jaillir
    avec des vols trop fous
    dans tes ciels si doux, Toscane,
    l’antique jeunesse.
    Ivresse mal assurée, enfance mal dissimulée
    le long des maisons de Lunata
    que je frôlais en tram près du conducteur,
    la mort est ce
    regard fixé sur tes enclos
    et une femme dit, surprise,
    abritant ses yeux du soleil, sur le seuil :
    le printemps est éclos,
    et l’hirondelle est de retour.


    Piero Bigongiari, Les Remparts de Pistoia, in Ni terre ni mer, Orphée La Différence, 1994, pp. 114-115. Traduit de l’italien et présenté par Antoine Fongaro.



    ___________________
    NOTE d’AP : cette traduction a été publiée pour la première fois dans le volume collectif Prisma, Obsidiane, 1986, pp. 183-184. Ci-dessous la traduction de ce poème par Philippe Jaccottet (Éditions de la revue SUD, Collection SUD-Poésie, Marseille, 1988, page 39 ; nouvelle édition : La Différence « Le Fleuve et l’écho », 1994, page 43. Poèmes traduits de l’italien par Philippe Jaccottet et André Ughetto).






    PESCIA-LUCQUES


    J’aurai vécu
    dans les plus douces villes de la terre
    comme une hirondelle de passage.
    Lucques, c’était
    un nid peu accessible entre les vignes
    poussiéreuses, au bout de routes blanches
    d’où allait déboucher
    à coups d’ailes trop fous
    pour tes ciels tendres, Toscane,
    une ancienne jeunesse.
    Ivresse mal assurée, enfance mal cachée
    qui longe en tram, auprès du conducteur,
    les files de maisons de Lunata,
    la mort
    est ce regard fixé sur tes cours
    où de son seuil, surprise,
    la main sur les yeux, quelqu’un dit :
    c’est le printemps,
    les hirondelles sont de retour.





    PIERO BIGONGIARI


    BIGONGIARI



         Piero Bigongiari, né à Navacchio (Province de Pise) le 15 octobre 1914, mort à Florence le 7 octobre 1997, toscan, exact contemporain de Mario Luzi, appartient comme lui à cette génération de poètes italiens que l’on qualifie encore, d’une manière si peu appropriée, d’« hermétistes florentins ». Car tout l’œuvre de Piero Bigongiari, des Mura di Pistoia (1958) aux dernières pages de Il silenzio del poema (1997), s’emplit du clair écho et des reflets sensibles du monde, du flux et du reflux du temps, d’une allégeance à la pérennité de la Terre et de la conscience de la fugacité de l’être : chaque jour, « j’attends le gage de mon jour futur » (d’après une note d’Antoine Fongaro).




    ■ Piero Bigongiari
    sur Terres de femmes

    Nice Pisa
    27 août 1967 | Piero Bigongiari, Il fanciullo uscito dal mare



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur enjambées fauves)
    plusieurs poèmes extraits de Ni terre ni mer
    → (sur Le Scriptorium)
    trois poèmes extraits des Remparts de Pistoia
    → (sur CristinaCampo.it)
    une bio-bibliographie de Piero Bigongiari + une sélection de poèmes






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  • Patrick Da Silva, Demain

    Patrick Da Silva, Demain,
    L’Amourier éditions, Collection Thoth, 2008.





    LE TEMPS SOUSTRAIT

         Dernier ouvrage de Patrick Da Silva, Demain rassemble sous son titre dissyllabique deux récits brefs. Va-t’en et Pas à vous. Tous deux tournés vers un futur inconnu mais proche ― demain ―, ces récits qui s’appuient sur l’injonction ou le refus, nécessitent la rapidité, la concision, la tension. C’est sans doute cette tension extrême, mise en valeur par un style nerveux, qui fait le ciment de ces deux nouvelles, réunies sous la même bannière temporelle, Demain. Autre point commun : les deux récits s’organisent autour de deux hommes dont le temps est compté. Le premier est un vieillard sur le point de mourir, le second un condamné à mort.





    Va-t’en

         Construit sur le leitmotiv « Va-t’en » et ses variations ― « tu t’en vas »/« allez-vous en » ―, le premier récit met en scène une femme dans la proximité physique avec son vieux père mourant. Dans ce tête-à-tête quotidien et quasi charnel ― rythmé par les massages, les toilettes, les repas, les remèdes ― se noue une relation à vif, relation haine-amour que seul peut prendre en charge le regard distancié d’un narrateur extérieur. Ainsi, à peine franchi le premier paragraphe de l’incipit qui donne la voix première au père ― « Quand j’aurais résolu, tu le fais. Quand j’aurais décidé d’en finir tu me piques… Tu me tueras. Tu dis oui. Tu dis oui maintenant ! Ou alors tu t’en vas » ―, la voix autre glisse dans un jeu d’alternances du « vous » au « elle », du « elle » au « vous » pour laisser se tramer entre père et fille un dialogue muet autour du pacte de mort qui les lie l’un à l’autre. Une mort dont la décision revient au vieillard: « Demain ? Vous avez dit que vous déciderez ! » / « Encore jusqu’à quand ? Demain ? Vous avez dit que vous déciderez. »

         Ainsi se scande le temps de l’attente, dans cette rumination de la mort que le père tarde à se résoudre de convier. D’un bout à l’autre des jours s’étire le temps qui fait remonter à la surface de la vie de la garde-malade les souvenirs d’un passé avec lequel elle croyait avoir depuis longtemps rompu. L’enfance ressurgit, avec sa cohorte d’images liées aux rituels de la vie à la campagne, bras plongeant dans le sang des bêtes ou dans l’eau des lessives battues au bord de la rivière, violences du père et sa beauté aussi, sa beauté surtout, et ses mots : « avec les mots, vous embobiniez, vous humiliez, vous écrasiez les gens », la mort de la mère, passée sous silence et apprise après coup. Affluent aussi les souvenirs récurrents des désirs de meurtre qui jalonnent la vie de l’enfant : « Elle l’a tant voulu. Oui ! Vous tuer, elle l’a tant voulu. »

         Cette mort tant de fois voulue, tant de fois ruminée, méditée, remise et repoussée d’un âge à l’autre, le père convie sa fille à l’exécuter enfin : « Là tu le feras ma fille, pour de bon ! ». Un ordre ultime auquel il n’est pas question de se dérober. Sauf que… « la mort n’est jamais comme… »*. Elle apporte avec elle des images d’autant plus émouvantes et belles qu’elles sont inattendues.


    * Note d’AP : cf. Claude Ber : La mort n’est jamais comme, Éditions de L’Amandier, 2008.





    j'écris le silence où j'entends gargouiller la fontaine
    Ph, G.AdC





    Pas à vous

         Le second récit, beaucoup plus complexe que le précédent, parce que s’y entremêlent des dimensions plus philosophiques et plus abstraites, et qu’y sont brouillées les pistes spatio-temporelles, est d’une très grande densité lui aussi. Il livre en pâture au lecteur un homme en proie à un ultime face-à-face avec lui-même. Enfermé dans son cachot « troglodytique », le prisonnier appartient à un temps autre, un temps « déluge » ou « fleuve », indéterminé, impossible à cerner avec clarté. Une sorte d’« éternité ». Mais un temps aussi où la mise à mort est monnaie courante. De quel crime cet homme, offert à la décapitation, est-il accusé ? Les écrits du prisonnier ne le disent pas explicitement mais laissent supposer des délits d’opinion, des prises de position politiques ou religieuses contraires à la doxa prédominante. « Mon peuple m’a condamné. On lui a dévolu ce soin. Mon peuple ! Qu’est-ce à dire ? Ceux qui m’ont acclamé, conspué, m’ont porté sur le trône, ont réclamé ma tête ? » On pense à quelque empereur romain adulé puis trahi, à quelque dévot puissant, suivi puis dénoncé. On peut aussi fugacement penser au Christ.

         Quand le destin se scellera-t-il définitivement ? Demain, sans doute ! Oui, mais lequel ? Un demain qui tarde à venir, sans cesse remis au jour suivant. De jour en jour se renouvelle l’attente dans le monde confiné du cachot. Et pour combler l’attente dans le noir et la réclusion, pour tromper la solitude, se reconduit aussi l’écriture.

         À qui s’adresse le scripteur ? « Pas à vous » annonce elliptiquement le titre. Vous ? Difficile de dire qui désigne ce « vous ». Pas le Dieu omniscient, en tout cas. Ce Dieu n’est pas celui du prisonnier. Il est peut-être celui de l’autre. Mais quel autre ? « Je n’écris à personne » écrit le prisonnier ; ni pour personne : « Je sais d’évidence que tout sera détruit. » Pourtant une femme a été désignée auprès du prisonnier. Progressivement, celle qui est chargée de le garder et d’ordonner à sa nuit s’installe dans sa vie : « ma vie maintenant c’est la vôtre ; Dieu nous garde », dit-elle. Elle devient celle qui recueille ses écrits et le fournit en feuillets vierges. « Et puis elle m’a amené l’encre et le papier ; je suis un luxurieux, j’ai fini par écrire ; je suis un ogre, j’ai fini par manger. » Qu’importe au juste qui elle est – « triste garce » ou « ange gardien » –, elle est femme. Ce qui importe, c’est sa présence. Une présence discrète, qui lave l’écuelle, apporte le bois et alimente le feu. Qui alimente aussi le questionnement du prisonnier, nourrit sa réflexion, la régénère. Le pousse à écrire le silence : « J’ai à nouveau de l’encre et j’écris le silence ou j’entends gargouiller la fontaine ; cela me garde mieux que mes battements de cœur. » Voici désormais le prisonnier « engrossé d’une âme ». C’est à elle désormais qu’il écrit. « Je ne m’adresse plus qu’à toi. Ainsi tu es l’unique. »

         Étrange histoire d’amour et d’écriture que celle qui lie le prisonnier à celle qui le garde. Nourricière silencieuse et inspiratrice dévouée, la femme semble incarner celle sur laquelle l’écrivain aime à se reposer. Et au-delà peut-être, celle dont l’homme cherche à être empli.

         Le diptyque de Patrick Da Silva, Demain, se clôt sur un épilogue à deux temps, mystérieux et poétique. La voix narrative réapparaît, qui replace la femme dans le contexte qui a été le sien dans chacun des récits. Une fois accomplis les rituels de présence et d’offrande, l’amante-prêtresse s’efface, qui ouvre à l’homme prisonnier de lui-même, les voies de l’absolu.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • Délires de livres à Chartres

    Agenda culturel




    Délires de livres




         Après le succès des deux premières Biennales, en 2005 et 2007, Délires de Livres pour sa troisième édition, accueillera à la Collégiale Saint-André, à Chartres, 150 participants venus de toute l’Europe.
         Cette année, le thème retenu est « l’ouverture à traiter en rouge et /ou blanc ». Avec les matériaux les plus divers tels l’ardoise, le bois, le verre, la terre, le papier…, les artistes séduiront les amateurs et collectionneurs de livres d’artistes et de livres objets ainsi que les visiteurs occasionnels. L’association Am’Arts, organisatrice de cette manifestation singulière et inédite dans la région, a le souci de la convivialité, de l’accompagnement du visiteur et la volonté de rendre l’art accessible à tout public.

         La qualité et diversité des artistes choisis pour leur créativité, professionnalisme et savoir-faire, font qu’aujourd’hui, Délires de Livres est l’un des grands rendez-vous nationaux de la bibliophilie contemporaine. Les artistes offriront, une nouvelle fois, des pièces uniques et des petites séries. Cette manifestation est l’un des événements artistiques majeurs de l’année 2009 de la ville de Chartres.


    Liste des participants :

    Acker Gisèle, Agostini Véronique, Albertini Françoise, Amarger Brigitte, André Marie Sophie, André Annie, Arc Anne, Auestad Woitier Geira, Babin Céline, Baud Pascale, Baudry Yves, Blanche Florane, Blottin Sylvie, Boisaubert Irène, Bossenbroek Anne, Bouquerel Monique, Bourgeois Laurence, Bourven Marie-Christine, Bouton Agathe, Bouton Bernard, Brendel Husson Brigitte, Bret Annie, Briand Alain, Briselet Jocelyne, Brossard Danièle, Buet Jean, Buet Nathalie, Burdeos Rosa, Cavoret Marie-Paule, Centre hospitalier Ey, Chamchinov Serge, Champenois Jocelyne, Charon Yannick, Chautagnat Claudine, Chenat Marie-Claude, Claudel Pascale, Coenen Colette, Coilliot Claudine, Colin Catherine, Cormier Jean-Paul, Cozzo Caroline, Danjou Anne, Darmayan Nathalie, Decellas Catherine et Jean Louis Fradelizi, Desrues Chantal, Devaux Bernard, Deville Claire, Donaint-Bonave Anne-Marie, Driss Chajri, Dubarry Françoise, Duclos Mérieux Jeanine, Dumont Colette, Elbaum Neige, Fondation aligre, Forel Fabienne, Foucher Bernard, Foyer Bourgarel, France Romuald, Gachenot Marie José, Galland Jeanne, Galle Françoise, Gayitch Ivana, Genoud Prachet Bernadette, Girodet Isabelle, Gouy Veronique, Grandcolas Yolande, Grevy Laurent, Guérard-Defaux Geneviève, Guérard-Defaux Philippe, Guilbert Valérie, Guini-Skliar Anna, Haccoun-Levikoff Marina, Herbin Marie Thérèse, Heritier Anne-Laure, Hertz Lise, Heyman Adam, Jourdan Joelle, Just Christiane, Kernaleguen Brigitte, Kiss Ilona, La mas de senonches, Lafont Michèle, Langolff Eric, Laporte Monique, Laugier Brig, Lavadour Roberta, Le Besnerais Catherine, Le Jannou Sylvie, Le Lous Delpech Frédérique, Le Rest Betoux Cathy, Lebreton Patrice, Lefèbvre Du Preÿ Armelle, Leleu Hennequin Françoise, Lemaigre Voreaux Elisabeth, Lenthall Caroll, Lenzi Claudie, Lescault Pierre, Lhermitte Quinton Odile, Liégeois Catherine, Lierman Catherine, Maidment Liz, Marielle Dominique, Masini Mario, Meyer Laurence, Millerand Brigitte, Montceau Laurence, Mouchel Brigitte, Mudde Marjon, Nicolle Micheline, Parre Elisa, Pezet Christine, Pinson Florence, Planchenault Bernadette, Pot Marie-Dominique, Pouzet Catherine, Protsenko Catherine, Radovic Douillard Marie-Françoise, Rajaona Zanoarisoa, Rémy Martine, Renaudin Marie, Rio Brigitte, Rosenberg Isabelle, Roullier Françoise, Rozenblat Tatiana, Safir Liliane, Satin Claire Jeanine, Saxe Norbert, Simoneau-Pestel Catherine, Soloy-Guiet, Jacqueline, Stockhausen Mona, Suor Phetcheng, Tassel Anne-Marie, Urbany Michèle, Vally Elyane, Van Acker Patrick, Vergues Nadine, Vernier Marc, Viannay Caroline, Walgenwitz Lise, Wilgenkamp Marja, Wintzenrieth Catherine, Woinier Francine, Xuereb-Amiel Leslie, Zaegel Régina.





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