Terres de Femmes

Mois : avril 2008


  • Isabelle Garron/]. la position du soleil

    «  Poésie d’un jour  »



          Ce_que_linconnu__hante
    Ph., G.AdC






                                                                                         ]. la position du soleil


                                     la reverrai-je  &  l’ombre

                                     avec tes gestes

                                     qu’elle tatoue

                                                                                         .. panier.  figue blette

                                                                                         parmi celles que ..

                                                                                         ]― nous de retour

                                                                                         tu disposes


                                    dans l’ocre du tian.



                                                                              ***


                                                            

                                                                  . position du soleil

                                                                 ocre du tian

                                                                 . ce que l’inconnu

                                                                 hante




    Isabelle Garron, Qu’il faille, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2007, pp. 124-125.





    Isabelle_garron_quil_faille_





    ISABELLE GARRON


    Isabelle_garron_bis
    Source



        Née à Lille en 1968, Isabelle GARRON est maître de conférences en Sciences de l’Information et de la communication à l’Université d’Évry-Val d’Essonne et membre du GRIPIC (Groupe de Recherches Interdisciplinaires sur les Processus d’Information et de Communication), EA Université Paris IV-Sorbonne. Le 15 décembre 2000, elle a soutenu une thèse de doctorat sur LA PART TYPOGRAPHIQUE : de la place de la typographie dans la mise en page du poème moderne (réflexion autour de la mise en page du poème moderne ; de l’image poétique à l’image prosodique). En 2001, elle a réédité à l’identique aux éditions Le Théâtre typographique La Lucarne ovale [1916] de Pierre Reverdy. En 2002, elle publie son premier recueil Face devant contre dans la collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves Di Manno (Face before against, Linuss ed., New York, 2008. Traduction de Sarah Riggs), puis, en janvier 2007, Qu’il faille (publié avec le concours du Centre National du Livre), et enfin, en mars 2011, Corps fut. Ces trois recueils étant conçus dans l’esprit d’une trilogie. Sept ans plus tard, elle publie (dans la même collection) bras vif (octobre 2018)
        Isabelle Garron collabore à différentes revues poétiques (Petite, Rehauts, Action Restreinte, Action Poétique, la Polygraphe, FPC) et anthologies (Autres territoires, Farrago, 2003 ; 49 poètes, un collectif, Flammarion, 2004). Elle est aussi membre de l’OUTY, association de typographes à Paris.
        En 2017, elle a coordonné avec Yves di Manno l’édition d’Un nouveau monde : poésies en France 1960-2010 (Flammarion, collection « Mille & une pages »).





    EXTRAIT DE PRESSE


        « L’écriture d’Isabelle Garron s’inscrit dans la lignée d’Anne-Marie Albiach et de Danielle Collobert : narration abstraite, elliptique, beaucoup de blanc sur la page et des décrochements typographiques qui scandent et découpent la linéarité des phrases. Poésie en apnée où le souffle compte autant que le sens, « le narratif y est posé à l’origine d’une histoire impossible à reconstituer sans repentir, l’ellipse un souffle alternatif qui fait advenir un feuilletage et définit les strates, les phases d’exhumation de la langue… Je m’imagine que la véritable narration qui hante le texte poétique est celle d’un événement très ancien qui erre comme une vieille âme ou plane comme un oiseau de proie jusqu’à trouver l’expression qui relatera les faits, les forces et l’humanité charriés par ce moment de vie révolu. »
        L’engagement d’Isabelle Garron renvoie à une conscience aiguë de l’altérité, de l’adresse, de l’accueil, « dans ce vertige infini qu’est l’autre lorsqu’il se présente à soi ». Qu’il faille, son dernier recueil, se présente comme la transposition envoûtante d’un journal de bord avec ses arrêts, reprises, dérushages, au détour d’espaces géographiques non définis, mais que l’on perçoit comme exotiques ― l’Asie, l’Afrique ― dans le brouillage du souvenir retravaillé :
        « Je travaille à une forme qui se refuse à se couler dans une énonciation figée, qui se défend de s’assoupir dans une représentation conservatrice du poème. »
    (Véronique Pittolo, « Une autre vision du monde » in L’Humanité du 2 juin 2007).




    ■ Isabelle Garron
    sur Terres de femmes

    [On est toujours là] (extrait de bras vif)
    Ce schiste sur les hauteurs, 4
    Suite 4 (extrait de Corps fut)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans Le Matricule des Anges) un
    article sur Qu’il faille
    → (sur Poezibao) un
    article de Florence Trocmé sur Qu’il faille





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  • Vibrato


    Les_passerellesferraille
    Ph., G.AdC






    VIBRATO



    Le toboggan des mers
    siffle—souffle—s’enfle
    et glisse virtuose des spasmes
    //vietato tuffarsi// sous
    les passerelles-ferraille
    le rocher — claire-voie — de
    Capraia terre
    des câpres des chèvres des contes
    Alberti criaille de mouettes
    s’étire âpre rocaille noire de //
    souvenirs vestiges
    archéologie du //
    Rien éphémère vie
    encres délavées lavis
    sans vibrances


    mémoire vide


    sans rêve autre
    que le vibrato
    tactile du
    vent



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • 28 avril 1984 | Marisa Madieri, Trieste

    Éphéméride culturelle à rebours



    Trieste_liberty_casa_bartoli
    Source





    TRIESTE


        28 avril 1984

        Depuis quelques années Trieste fait peau neuve. De nombreux édifices du centre-ville, essentiellement grâce à l’aide des Assicurazioni Generali, ont été rénovés, et les façades, restaurées et nettoyées, ont été lavées des noires salissures du temps et affichent la noblesse de leur style, exhibant leurs belles frises liberty et les tympans néoclassiques de leurs fenêtres. Je ne m’étais jamais rendu compte auparavant que j’habitais une ville fascinante y compris du point de vue architectural ; aujourd’hui, quand je marche dans les rues, je ne m’en tiens plus à regarder les passants ou les vitrines des magasins, mais il m’arrive souvent de lever volontairement les yeux et de porter mon regard vers le haut. Je découvre ainsi une nouvelle dimension de cette ville, celle des balcons, des pilastres, des frontispices et des toits, au-dessus desquels s’ouvrent, comme dans un miroir, les larges allées du ciel.
        Aujourd’hui, le long des quais, les mosaïques du palais de la Préfecture scintillent en des palpitations dorées, et les collines du Carso qui surplombent la ville resplendissent, verdoyantes, avec leurs nouveaux bourgeons. Et le vent, frais et sonore, apporte par rafales le parfum et le présage de nouvelles floraisons, peut-être lointaines, qui sait, au fond de la mer ?


    Marisa Madieri, Vert d’eau, L’Esprit des péninsules, 2002. Postface de Claudio Magris. Traduit de l’italien par Pérette-Cécile Buffarria. In Le Goût de Trieste, Mercure de France, 2003, p. 91.





    NOTE de L’ÉDITEUR-WEBMESTRE de TdF


        Dans la collection « Le Petit Mercure », animée par Colline Faure-Poirée, est joliment déclinée toute une gamme de petits livres-objets, ouverte à tous les genres littéraires. Ils ont la forme de vade-mecum au format de poche. Et la particularité notable et appréciable d’être vendus à un prix fort modique. Parmi eux, dans la série « Le Goût des villes », je recommande particulièrement Le Goût de Trieste. Y sont rassemblés des textes choisis et présentés par Gérard-Georges Lemaire (italianiste réputé et directeur de la collection « Les derniers mots » chez Christian Bourgois auprès de qui il a travaillé pendant près de trente années). Parmi ces textes, j’ai pu remarquer des textes de référence, mais aussi de nombreux textes inédits ou peu connus d’auteurs confirmés, certains d’entre eux ayant la réputation d’être introuvables (ceux de Virgilio Giotti en particulier, ou du Slovène Srecko Kosovel).

        Après une remarquable préface historico-littéraire où Gérard-Georges Lemaire souligne ce pour quoi Trieste a acquis dans l’Histoire son statut singulier (carrefour des cultures germanique, italienne et slave), mais où il analyse aussi le grand mythe littéraire que constitue Trieste (Trieste, mélancolies et paradoxes : « Les détours de l’Histoire », « Trieste à l’écart du grand Tour », « Une création littéraire ex nihilo », « L’invention tardive de Trieste par les lettrés français », « En guise d’invitation à un voyage futur »), suivent trois grands chapitres : « Une Histoire et un mythe tourmentés », « Vedute et scènes triestines dans les yeux de ses écrivains », et « Tout autour de la Ville ». Chapitres précédés d’une page d’accueil entièrement consacrée à Egon Schiele, qui connut à Trieste ses heures de prison.

        Dans chacun des chapitres, le plaisir du lecteur est de suivre les traces de toutes les figures littéraires ayant vécu à Trieste (James Joyce, Umberto Saba et Italo Svevo en particulier) ou y ayant simplement fait escale, mais aussi de musarder parmi les lieux emblématiques qui participent de la quintessence du microcosme triestin. En s’asseyant par exemple à la même table que celle de Giorgio Voghera ou de Claudio Magris au Caffè San Marco ou en marchant le nez en l’air, dans les rues de Trieste, « où l’azur du ciel, dans les matins les plus venteux et limpides, a la lumière du regard » (Quarantotti-Gambini) d’une compagne ou d’un compagnon imaginaire ou aussi énigmatique que Roberto Bazlen (cf. Le Stade de Wimbledon, roman et film).

        Dans la même collection, je conseille également Le Goût de Vienne et Le Goût de Prague. Toujours sous la houlette de Gérard-Georges Lemaire.


    Yves Thomas





    TRIESTE

    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    13 septembre 1928 | Mort de Italo Svevo
    – (sur Terres de femmes)
    13 janvier 1941 | Mort de James Joyce (poème « On the Beach at Fontana », Trieste , 1914)
    – (sur Terres de femmes)
    25 août 1957 | Mort de Umberto Saba (extrait de Femmes de Trieste)
    – (dans L’Encyclopédie de l’Agora) le
    Dossier Trieste
    – (sur Terres de femmes) la note sur la collection « LE GOÛT DE… » in
    14 juin 1986/Marc-Édouard Nabe, Jours jazzy à Calvi
    – (sur le site du meet)
    une vidéo sur les Rencontres autour de Trieste (15-19 juin 1993)



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  • En amont de l’attente

    Ph., G.AdC         

    EN AMONT DE L’ATTENTEEclaboussement


    Elle sait elle se souvient

    la rencontre le moment du
    premier baiser
    la montée de
    l’absence en
    elle
    jubilation les yeux fermés
    l’ascension lente
    sans secousse
    autre que celle
    de l’émoi

    elle sait elle se souvient

    la porte qui s’ouvre     longue
    sur les résistances
    ombre jetée à claire-voie
    sur le lit brun
    l’éclaboussement de lumière
    colonnes blanches fronton cariatides
    rideaux tirés sur leur désir
    étreinte douce haleines tièdes
    hors entrave hors
    du temps

    elle voit elle se souvient

    les vêtements en chute lente
    roulés en
    joyeux pêle-mêle
    elle d’abord     elle ensuite
    ailes jointes à même le jour
    défait de ses habitudes
    délié de ses formes
    assise couchée dépliée bras et jambes
    corps tapis dans la plainte du temps
    le temps de se souvenir que l’autre
    existe loin sous la peau à même
    le flux et le reflux des jours
    dans les avers de la mémoire
    en amont de l’attente

    elle voit elle sait elle sent
    elle se souvient
    se tait

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • 26 avril 1798 | Naissance d’Eugène Delacroix

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 26 avril 1798 naît à Charenton-Saint-Maurice (près de Charenton) Ferdinand-Eugène-Victor Delacroix.






    Barque_de_dante_2
    Source





    DELACROIX, LA BARQUE DE DANTE


        Entré en 1816 à l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin, Delacroix manifeste très tôt son hostilité envers l’académisme prôné par son maitre. Ses premières œuvres — la Vierge des moissons (1819, église d’Orcemont), la Vierge du Sacré-Cœur (1821, cathédrale d’Ajaccio) — sont marquées par l’influence italienne. En 1821, Delacroix déclare à son ami Soulier : « Je désirerais vivement faire un tableau pour le Salon prochain, surtout s’il pouvait quelque peu me faire connaître ». Ce sera la La Barque de Dante, présentée au Salon de 1822. Avec cette peinture, proche de l’esprit de son ami Géricault, Delacroix signe sa rupture avec Guérin et avec les années d’apprentissage. Dans le même temps, sa lecture exaltée de l’œuvre de Dante ouvre grande la voie à son musée imaginaire. Les ombres spectrales du poète se changent en masses musculeuses conviées à un étrange « ballet nautique ». Sous la brosse de Delacroix le monde des damnés de La Divine Comédie de Dante se mue en une vision charnelle d’où semble exclue toute Rédemption. Une vision sans Dieu. Un enfer sans paradis ni purgatoire.

        Inspirée de l’Enfer de Dante, cette huile sur toile (189 x 241,5 cm), propriété du Louvre, narre un épisode de la descente aux enfers du poète florentin. Sur fond de tempête et d’incendie, Dante, accompagné de Virgile, son maître et son guide, affronte avec effroi les cercles de l’enfer dont il est le créateur, et les créatures dont il les a peuplés. La barque tente de rejoindre Dis, cité de Lucifer et des damnés. La chaloupe, qui occupe toute la largeur du tableau, porte à l’avant de la coque, le nom du peintre et la date de création de la toile : 1822.

        Dressés dans la tempête, portés par une tension extrême, Dante et Virgile sont debout dans la barque. Dante, main levée en signe de crainte, semble vouloir se protéger des visions qui l’assaillent et s’agrippe au bras de son guide. Dans la barque également, dos tourné aux deux passagers, le nocher, Phlégyas au corps musculeux creusé par l’effort, lutte pour refouler l’homme qui cherche désespérément à monter dans la barque. Tout autour de la chaloupe, des naufragés, corps flottants, visages convulsés par la souffrance et l’effroi ; et des cadavres putréfiés, mangés de sanies.

        La composition pyramidale de la toile permet à Delacroix de faire jouer les forces en opposition. D’un côté, en position dominante, le couple aristocratique des deux poètes, drapés dans leurs tuniques amples. Dante le vivant, visage ceint d’une coiffe rouge feu, profil anguleux et angoissé, Virgile le mort, visage calme auréolé de lauriers. Tous deux témoins de la lutte impuissante des Florentins pour échapper aux souffrances éternelles. De l’autre côté, Phlégyas courbé au-dessus de l’embarcation. Étirés le long de la barque, les corps des damnés, chairs torturées dans la douleur.

        Exposé au Salon dès le 24 avril 1822, le tableau est diversement accueilli par la critique. Mais il suscite l’admiration de Gros et de Thiers et est acheté par l’État.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Dante
    Ph. Angèle Paoli développée par G.AdC





    CANTO OTTAVO


    25   Lo duca moi discese nella barca,
               e poi mi fece entrare appresso lui,
               e sol quand’io fui dentro parve carca.
    28  Tosto che il duca ed ion el legno fui,
               segando se ne va l’antica prora
               dell’acqua più che non suol con altrui.
    31  Mentre noi correvam la morta gora,
               dinanzi mi si fece un pien di fango,
               e disse : « Chi se’ tu, che vieni anzi ora ? »
    34  E io a lui : « S’io vegno, non rimango :
                ma tu chi se’, e che sì se’ fatto brutto ? ».
               Rispose : « Vedi che son un che piango ».
    37  E io a lui : « con piangere e con lutto,
               spirito maledetto, ti rimani ;
               ch’io ti conosco, ancor sie lordo tutto ».
    40  Allora stese al legno ambo le mani ;
               per che il maestro accorto lo sospinse,
               dicendo : « Via costà con gli altri cani ! ».
    43  Lo collo poi con le braccia mi cinse,
               baciommi il vólto, e disse : «  Alma sdegnosa,
               benedetta colei che in te s’incinse ! »


    Dante Alighieri, La Divina Commedia, Inferno, Rizzoli Editore, 1949, pp. 47-48.





    CHANT HUIT


    25  Mon guide alors descendit dans la barque,
               puis il m’y fit pénétrer à sa suite :
               c’est quand j’y fus qu’elle parut pesante.
    28  Dès que le guide et moi fûmes à bord,
              l’antique proue s’en va, sciant les eaux
              plus profond qu’avec d’autres passagers.
    31 Tandis que nous courions la morte mare,
              je vis surgir un être plein de fange :
              « Qui es-tu, toi, pour venir avant l’heure ? »,
    34 dit-il. Et moi : « Si je viens, je ne reste.
              Mais qui es-tu, pour t’être fait si laid ? »
              Il répondit : « Tu vois : quelqu’un qui pleure. »
    37 Et moi, à lui : « Avec larmes et deuil,
              esprit maudit, reste donc à ta place ;
              car je te reconnais, même crotté ! »
    40 Lui, étendit ses deux mains vers la barque
              d’où mon maître en éveil le repoussa,
              disant : « va-t’en , avec les autres chiens ! ».
    43  Puis, de ses bras il m’entoura le cou,
              baisa ma face et me dit : « Âme altière,
              que soit bénie celle qui te porta ! »


    Dante, La Divine Comédie, Enfer, VIII, in Œuvres complètes, La Pochothèque, Le Livre de Poche Classiques Modernes, 1996, p. 628. Traduction sous la direction de Christian Bec.





    ■ Eugène Delacroix
    sur Terres de femmes

    1er mars 1847 | Journal d’Eugène Delacroix
    6 octobre 1849 | Journal d’Eugène Delacroix
    1er mai 1850 | Journal d’Eugène Delacroix
    1er juillet 1854 | Journal d’Eugène Delacroix



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  • Martin Rueff | Et des coups de poing dans la poitrine

    «  Poésie d’un jour  »



    Picasso_le_roi_des_minotaures_1958
    Source







    ET DES COUPS DE POING DANS LA POITRINE



    Et des coups de poing dans la poitrine
    comme une locomotive
    tudum                      tudum                        tudum
    tudum                      tudum                        tudum

    pire que l’œuvre du père,
    aux innombrables détours
    aux méandres duplices
    aux murs aveugles
    plus égarant encore
    la mer aux jambages multiples
    aux issues impossibles
    aux lacis inextricables et mus
    (innumeras errores vias)
    la mer
    aux lacunes immémoreuses
    au front cornu
    de Minotaure lourd
    aux meules comme des rocs
    aux rayonnages flous
    aux côtes illisibles
    aux mailles larges
    sans retenue aucune
    la mer la mer

    et partout amphitrite…

    ô mer mon labyrinthe

    égaré le fils ténu
    par nul fil tenu
    mais seul
    et nu
    bourdonnant dans la voie sans issue
    d’une langue dédale
    s’enfonçait sous la pièce sans fenêtre
    aux mille trièdres
    s’enfonçait
    s’enfonçait

    pilotis de nuit dans la nuit
    petit vers de mescal
    dans la bouteille immense




    Martin Rueff, Icare crie dans un ciel de craie, Belin, Collection L’extrême contemporain, dirigée par Michel Deguy, 2007, pp. 55-56.






    Icare crie dans un ciel de craie






    Martin Rueff (né en 1968), poète, traducteur, maître de conférences à l’Université de Paris-VII-Denis-Diderot, professeur à l’Université de Bologne et, depuis 2010, professeur à l’Université de Genève. Il est l’auteur du Lapidaire adolescent (Chambéry, Comp’Act, 2001), de Corda Tesa (La Luna, 36, Ascoli Pisceno, 2006), de Comme si quelque (Chambéry, Comp’Act, 2006), Icare crie dans un ciel de craie (Belin, 2008) et La Jonction (Nous, 2019).

    Spécialiste de la poésie italienne, il a participé à l’édition de l’anthologie Trente ans de poésie italienne (Po&sie 109 et 110, Belin, 2004) et a co-réalisé (avec Jean-Patrice Courtois) le Dossier Poésie italienne de la revue Le Nouveau Recueil (décembre 2006-février 2007). Il a notamment traduit Profanations de Giorgio Agamben (Payot-Rivages, 2005), Si une nuit d’hiver un voyageur (Folio-Gallimard, 2015) et, dans la collection Terra d’altri qu’il dirige aux éditions Verdier, Nulle île n’est une île de Carlo Ginzburg (2005) et Ronde des convers du poète Eugenio De Signoribus (2007).

    Martin Rueff a aussi participé (aux côtés de Vincent Debaene, Frédéric Keck, Marie Mauzé) à l’édition du volume Œuvres de Claude Levi-Strauss dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2008) et du tome II des Œuvres de Michel Foucault (aux côtés de Frédéric Gros, Philippe Chevallier, Daniel Defert, Bernard Harcourt et Michel Senellart) dans la même Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2015).

    En mai 2008, le Prix International de poésie francophone Yvan-Goll lui a été décerné pour Icare crie dans un ciel de craie, recueil qui a aussi reçu (en août 2008) le prix Henri Mondor de l’Académie française.





    MARTIN RUEFF


    Martin Rueff portrait
    Source




    ■ Martin Rueff
    sur Terres de femmes


    Icare crie dans un ciel de craie (lecture d’AP)
    Le jaguar aux yeux d’eau (hommage de Martin Rueff à Claude Lévi-Strauss)
    Complaintes de Mare eorum (extrait de La Jonction)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    une note de lecture (« En marge du cri, Martin Rueff ») de Shoshana Rappaport-Jaccottet sur Icare crie dans un ciel de craie. Cette note a également été publiée dans le n° 952-953 (août-septembre 2008. Georg Büchner – Roland Barthes) de la revue Europe





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  • Fabio Scotto | Ces paroles échangées

    «  Poésie d’un jour  »



    Au_frais_dans_la_vranda
    Ph., G.AdC







    QUELLE PAROLE DETTE



    Quelle parole dette
    al fresco della veranda
    Ti chiedo se sei felice
    Rispondi con una domanda
    Nel cielo due sole stelle
    illuminano i nostri corpi
    finalmente chiari
    I tuoi occhi
    verdi smeraldi tristi
    Da prosciugare i mari




    Fabio Scotto, L’intoccabile, Collana Passigli Poesia, Passigli Editore, 2004, p. 121.







    CES PAROLES ÉCHANGÉES



    Ces paroles échangées
    Au frais dans la véranda
    Je te demande si tu es heureuse
    Tu réponds par une question
    Dans le ciel deux étoiles solitaires
    illuminent nos corps
    jusqu’à les rendre clairs
    Tes yeux
    D’une tristesse vert émeraude
    À assécher les mers


    Traduction inédite Angèle Paoli
    (en souvenir de notre rencontre de Fiesole)





    FABIO SCOTTO


    Fabio Scotto





    ■ Fabio Scotto
    sur Terres de femmes


    A riva | Sur cette rive (note de lecture)
    Regard sombre (extrait de A riva | Sur cette rive)
    China sull’acqua… (traductions croisées)
    Le Corps du sable (note de lecture)
    Je t’embrasse les yeux fermés (poème issu du recueil Le Corps du sable)
    [Il volto avvolto dalle fiamme s’abbruna] (poème issu du recueil La nudità del vestito)
    Tra le vene del mondo (extrait de La Grecia è morta e altre poesie)
    La Peau de l’eau (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Venezia — San Giorgio-Angelo (extrait de La Peau de l’eau)
    “Musée Thyssen Bornemisza Madrid”, Jacob Isaacksz Van Ruisdael
    Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid (onze « poèmes peints » traduits par Angèle Paoli)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’écrivain Claude Ber)
    un dossier Fabio Scotto (dimanche 27 février 2011)
    → (sur temporel)
    Fabio Scotto, par Michèle Finck





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  • Le corbeau du sommeil





    Au_rebours_des_rves_parcourus
    Ph., G.AdC




    LE CORBEAU DU SOMMEIL

    Le corbeau du sommeil
    criaille dans la nuit
    j’avais pourtant pris soin de
    semer du pain tendre
    aux sentes des forêts

    le labyrinthe obscur a
    dressé ses entailles
    et son mur suintant
    de pluie et de
    chagrin

    me voilà au rebours
    des rêves parcourus

    livrée nue aux
    crocs noirs des
    rives
    sans visages


    Castel Bigozzi, 14 avril 2008

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • Tamirace Fakhoury | Ta visite

    «  Poésie d’un jour  »



    Promise_est_la_chute_des_feuilles_s
    Ph. Angèle Paoli développée par G.AdC





    TA VISITE


    Je sais que ta visite est éphémère
    Et que le vol des corbeaux précède la tempête de neige
    Quelque part au fond de la forêt
    L’intervention divine sera neutralisée par la foudre

    Promise est la chute des feuilles sur mes cheveux
    Promise est la destruction des molécules dans la clairière

    Je sais que ta venue annonce l’ennui des églantines
    Et des années sans adjectif


    Tamirace Fakhoury, in Douze écrivains libanais, Les Belles Étrangères, anthologie, verticales/phase deux, 2007, page 92.





        Tamirace Fakhoury, dite Tamy Fakhoury, est née le 28 novembre 1974 à Beit Chabab, au Mont Liban. Elle a publié dès l’âge de neuf ans une plaquette de poèmes en arabe, Le Pays de l’empereur et de l’enfant perdu et, plus tard, trois recueils de poèmes en français aux éditions Dar an-Nahar de Beyrouth (Aubades, 1996 ; Contre-marées, 2000 ; Poème absent, 2004).
        D’une envoûtante sensualité et d’un lyrisme profond et maîtrisé (à contre-courant des modes et bienséances du néo-formalisme de la poésie française d’aujourd’hui), sa poésie — une poésie de l’intime bouleversante — va à l’essentiel. Déchirée entre célébration de la vie et hantise de la mort, cette mort que Tamirace a quotidiennement côtoyée dans les montagnes de son enfance.
        Ses poèmes sont publiés dans diverses revues arabes et francophones au Liban, en France, au Canada et en Allemagne (Al Nahar, Al Anwar, Orient le Jour, Revue du Liban, L’Odyssée, Supérieur Inconnu, Poésie 1, Poésie Première…). Enseignant-chercheur à l’Institut Arnold Bergstraesser à Fribourg-sur-Breisgau (Allemagne), où elle a soutenu une thèse de doctorat en sciences politiques sur le Liban d’après-guerre, elle vit actuellement à Florence, où elle poursuit ses travaux de recherche à l’European University Institute.





    TAMIRACE FAKHOURY


    Tamirace_fakhoury_en_nb
    Source



    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes) Tamirace Fakhoury/Passage.

    Pour entendre Tamirace Fakhoury dire un de ses poèmes, se rendre sur le site du cipM.



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  •  Hélène Sanguinetti, Le Héros

    Hélène Sanguinetti, Le Héros, Flammarion,
    Collection Poésie/Flammarion, 2008.



    Helene_sanguinetti_patrimonio
    Ph., G.AdC





    À l’honneur en ce mois d’avril 2008 sur le site de l’écrivain Claude Ber, Hélène Sanguinetti poursuit sa trajectoire poétique, inflexible et ardente, avec la publication de son dernier recueil, Le Héros. Présenté au cours de la soirée du Printemps des poètes 2008 en Corse (Patrimonio, Haute-Corse), Le Héros vient de paraître chez Flammarion, dans la collection Poésie dirigée par Yves Di Manno.





    CHEF DE RIEN, LE HÉROS


    Dernier-né d’Hélène Sanguinetti, Le Héros, figure de proue polymorphe — chatoyante — frère, fiancé, amant, ami, voyageur, soldat —, se suit et se lit d’une traite, d’un souffle, à travers le long poème narratif qui déroule sa vague océane d’un chant à l’autre du recueil. Onze chants où le héros, beauté solaire presque sans nom et presque sans visage, traverse la mosaïque de la vie dans un hors-temps relayé par un hors-norme de l’écriture. Alternances de formes et de genres, de typographie et de style, de tonalités et de voix. Fragments de sens et d’images, énumérations-éclats. Ou au contraire laisses lyriques, à lire d’un même jet de voix.

    Sur fond de décors exhumés de l’enfance, pareil à une flèche, le héros ulysséen file vers sa cible mortelle et entraîne avec lui, dans son sillage d’or et de plumes, Celle qui depuis toujours l’aime et le chérit, Petite Sœur, Petite-Soie, rivée aux images colorées de l’enfance, emportée consentante dans le tourbillon du héros éternel. Iphigénie monte à l’autel, liste de mots vus du ciel. Panoplie de rires et de fêtes, de cabanes et de nids à couver dans les arbres, jeux d’indiens et de poètes inventeurs de mots et de magies. Chimères, Chiens mères jours. Plus tard dans le récit, batailles et victoires. Épique et burlesque. Chromo de cartes postales des temps de guerre et des adieux. Dialogues de comptoirs. Et toujours, dans le paysage, comme dans Alparegho, pareil à rien, les ponts qui veillent à l’orée des villes et des strophes. Des ponts « comme des pas » qui « relient », qui « séparent ».

    Après le pont dessous l’eau, après les pierres, c’est jusqu’où j’irai au milieu de la vie, en cet état d’appelant et meneur de mule.

    Ainsi s’exprime dès l’incipit du poème la voix première du Héros.

    Toujours en partance, le héros généreux, Eroe, Air, Eau, grand assembleur de bêtes et de gens — « tous hommes et femmes héros » —, jamais ne se retourne ni ne s’attarde. Jamais ne s’arrête. Sinon au moment où survient la mort. « Chef de rien ». Disparition. Quelle douleur, plus pure douleur que celle-là, pierre plus dure et blanche sur la langue que celle-là ? « Derrière la fenêtre, regard sur les oiseaux, froid d’hiver, jeux, sépultures, jeux », c’est ce qu’il reste, au bout du compte, du Héros. Un conte mystérieusement dédié, en fin de recueil, à Alain.

    « Ainsi, adieu Héros, bonheur aux suivants, oh, chance à tous ».


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Le_hros_hlne_sanguinetti____flammar





    HÉLÈNE SANGUINETTI


    Helene_sanguinetti_bis
    Ph. D.R.


         D’origine corse (Castagniccia), née à Marseille le 3 mars 1951, Hélène Sanguinetti vit et travaille actuellement en Provence. Elle adore la mer ― regarder le ciel ― tailler les arbres en boule ― dire ses textes ― lire, beaucoup et très tard dans la nuit les entretiens, les écrits des peintres, les biographies, les livres des peintres, des aventuriers, penseurs, poètes, et aussi le journal L’Équipe. Elle adore le sport et en pratique plusieurs (elle regrette de ne pas avoir joué au rugby).
        Écrit « du » poème depuis toujours.
        Son premier livre,
    De la main gauche, exploratrice, a paru en 1999, dans la collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno.
        Elle est aussi l’auteure de
    D’ici, de ce berceau (Poésie/Flammarion, 2003), publié en avril 2007 dans une traduction anglaise d’Ann Cefola sous le titre : Hence this cradle (bilingue, Otis Books/Seismicity Ed., Los Angeles), d’Alparegho, Pareil-à-rien (L’Act Mem 2007, Fonds Comp’Act 2005) ; en 2009, de deux textes-voix chez publie.net (Collection L’Inadvertance dirigée par François Rannou), ouvrages à voir et à écouter : Toi, tu ne vieillis plus, tu regardes la montagne et Une pie ; en 2012, de Et voici la chanson (Éditions de l’Amandier, Collection Accent graves Accents aigus) ; en 2017 de Domaine des englués, La lettre volée.
        Très proche de toutes les expressions plastiques, Hélène Sanguinetti travaille depuis 2006 avec une artiste polonaise, Anna Baranek
    (Gora soli, l’attentive, janvier 2008) ; invitée en 2005 par la Maison des Écrivains et le Festival de Danses d’auteurs, elle poursuit son compagnonnage avec les corps en mouvement (travail en cours avec la chorégraphe Muriel Piqué, Cie comme ça).

        Claude Adelen, poète et critique, perçoit dans le poème d’Hélène Sanguinetti « des sortes de fiction, où l’on entrevoit les profondeurs de quelque roman familial à travers l’opacité d’un mythe » et parle pour qualifier son écriture de « noblesse et roture du langage » et de « souveraineté radieuse »
    (L’Émotion concrète, L’Act Mem, Fonds Comp’Act, 2004).





    ■ Hélène Sanguinetti
    sur Terres de femmes

    Alparegho, Pareil-à-rien (note de lecture d’AP)
    De quel pays êtes-vous ? (extrait d’Alparegho, Pareil-à-rien + bio-bibliographie)
    De la main gauche, exploratrice (I)
    De la main gauche, exploratrice (II)
    De ce berceau, la mer (extrait de D’ici, de ce berceau)
    À celui qui (extrait de Hence this cradle)
    Et voici la chanson (note de lecture d’AP)
    [Automne vivant et adoré] (extrait de Et voici la chanson)
    [Ma trouvaille de tout à l’heure] (extrait de Domaine des englués)
    [Premier soleil] (autre extrait de Domaine des englués)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    La vieille femme regarde en bas
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un Portrait de Hélène Sanguinetti (+ un poème extrait de De la main gauche, exploratrice)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la
    Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique
    (+ un
    extrait sonore issu de Alparegho, Pareil-à-rien)
    un extrait sonore [10 mn] de Et voici la chanson (« JOUG 2 » « Voici la chanson », pp. 22-31) dit par Hélène Sanguinetti. Prise de son : François de Bortoli





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